Les voix qui s'élèvent pour décrier le caractère « systématique » de la détention provisoire se font de plus en plus nombreuses dans le pays. Cette fois, le Syndicat national des magistrats s'en mêle à son tour dans un écrit rendu public sur sa page officielle Facebook. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Issad Mabrouk impute ce recours systématique à la détention provisoire à « la mentalité de certains juges sans l'intervention d'une quelconque partie ». Il émet, ensuite, son avis : « J'ai toujours cru, dit-il, et je continuerai à croire que la liberté des personnes est sacrée et que la détention provisoire doit demeurer une mesure extrêmement exceptionnelle .» Le président du SNM s'interroge, ensuite, sur des faits récents, restés inexpliqués devant l'opinion publique et ayant entraîné des interprétations, « dénuées de toute objectivité », sur les réseaux sociaux. Il cite l'exemple de personnes ayant fait l'objet de deux décisions contradictoires en l'espace de quelques heures : le journaliste Moncef Aït Kaci, correspondant de France 24, et l'agent de la Protection civile qui a eu des démêlés avec un médecin auquel il acheminait un malade. Tous deux ont été incarcérés, placés en détention provisoire avant d'être remis en liberté le lendemain. Ces affaires avaient été particulièrement suivies par l'opinion publique qui n'a pas manqué de réagir de manière fort désapprobatrice à travers les réseaux sociaux. Beaucoup de citoyens avaient interprété ces faits comme étant le fruit de pressions exercées sur les juges. Le président du SNM estime, cependant, que les décisions prises sont en totale adéquation avec la loi « qui protège les accusés ». Il estime également que ces décisions auraient dues être expliquées à l'opinion publique par le ministère de la Justice, et que c'était à lui également d'expliquer la légalité du recours, « même dans les procédures pénales ». Issad Mabrouk s'élève, toutefois, contre l'iniquité dans la mise en application de telles mesures, en rappelant le refus de la cour d'Alger de reporter le procès en appel de Karim Tabbou, « pour l'empêcher de retrouver la liberté ». Le président du Syndicat national des magistrats laisse entendre en filigrane que sa présente sortie a également pour but d'être soumise à débat. En Algérie, chez les professionnels comme ailleurs, la détention provisoire demeure une question très sensible, soumise à débat et objet de critiques. Les avocats en ont fait leur cheval de bataille. À plusieurs reprises, ces derniers ont organisé des rassemblements et protestations qui ont donné lieu à des images historiques, telles que celle de ces robes noires rompant le barrage des services de sécurité mis en place pour empêcher leur progression vers le Conseil constitutionnel. Récemment, l'un de ces avocats a lancé un appel solennel au président de la République. Me Miloud Brahimi a exhorté le premier magistrat du pays d'agir pour un retour « à la loi et la légalité », en œuvrant pour que la détention provisoire redevienne une exception, surtout en ces temps d'incertitudes découlant de la pandémie qui fait des ravages à travers le monde. Le Président entendra-t-il ces appels ? Le 6 août dernier, ce dernier procédait à un important mouvement dans le corps des magistrats. Le communiqué rendant publique la nouvelle n'invoquait pas la raison. Il s'est limité à informer l'opinion de la nomination de dix-sept nouveaux présidents de cour de justice et la fin de fonction de dix-sept autres. Selon la même source, dix-sept autres magistrats avaient été mutés. A. C.