Les sénateurs éthiopiens ont voté mardi pour une rupture des contacts entre les autorités fédérales et les responsables de la région du Tigré, qui ont défié le mois dernier le Premier ministre Abiy Ahmed en organisant des élections qualifiées d'illégales par le pouvoir. Ce vote accroît encore le fossé qui s'est creusé entre Abiy Ahmed et le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), qui a dominé la politique éthiopienne pendant près de 30 ans. Le Sénat «a décidé que le gouvernement fédéral devait couper toute relation avec le Parlement régional du Tigré et l'exécutif de la région», selon un communiqué diffusé mardi soir par la radio-télévision publique. Le gouvernement fédéral continuera cependant de travailler avec les institutions locales du Tigré (nord) pour s'assurer que les services essentiels continueront d'être assurés aux habitants de la région. Le TPLF a mené la lutte armée contre le régime communiste jusqu'à la chute de ce dernier en 1991 et qui a dirigé ensuite la coalition au pouvoir durant plus d'un quart de siècle. Il est officiellement passé dans l'opposition en 2019, lorsqu'il a refusé la fusion, à l'initiative de M. Abiy, de cette coalition en une unique formation, le Parti de la prospérité. L'Ethiopie devait tenir des élections au niveau national en août. Mais en mars, la Commission électorale les a repoussées sine die en raison de la situation sanitaire liée au Covid-19. La prolongation par le Parlement fédéral du mandat des députés — nationaux et régionaux —, censé expirer en octobre, a été rejetée par les leaders tigréens qui ont décidé de tenir unilatéralement des élections au Tigré. Mis sur la touche par le gouvernement d'Abiy Ahmed, le TPLF reste aux commandes dans son fief du Tigré, qui représente environ 6% de la population éthiopienne (110 millions d'habitants). Il a remporté 189 des 190 sièges dans cette région montagneuse frontalière de l'Erythrée et du Soudan. M. Abiy, prix Nobel de la Paix 2019, a réaffirmé que le scrutin au Tigré n'avait aucune légitimité, tout en écartant toute idée d'intervention militaire ou de coupes budgétaires. Les leaders tigréens, eux, ont estimé que les futures décisions prises par le gouvernement fédéral «ne seraient pas appliquées» dans leur région.