Par Leïla Aslaoui-Hemmadi J'aurais voulu participer avec ma famille et mes amis à une marche blanche aux côtés de la mère de Chaïma — paix à son âme —, allumer une bougie et dire ma colère, mon indignation contre ce crime abject et glaçant. J'aurais voulu, mais pandémie oblige. Chaïma était une jeune fille de 19 ans qui aurait pu vivre de belles et longues années si elle n'avait pas croisé sur son chemin son assassin. Le 1er octobre 2020, celui-ci la kidnappa, la viola, lui asséna des coups et blessures volontaires puis brûla son corps. Quatre ans avant ces faits, il avait tenté de la violer et fut condamné à trois années d'emprisonnement. Derrière les barreaux, il avait eu amplement le temps de ruminer sa vengeance, de planifier non pas un crime mais plusieurs et de mettre au point son diabolique scénario. Et son intention de réparer sa première faute (tentative de viol) en prétendant vouloir se marier avec Chaïma ne fut qu'un sinistre et horrible mensonge aux fins de rassurer la mère de sa victime et cette dernière. Bien entendu, les « âmes charitables » ne se priveront pas, telles des tronçonneuses bien aiguisées, de dire que Chaïma avait peut-être suivi son tortionnaire et assassin de son plein gré. Ou encore qu'elle était amoureuse de lui, que sa mère avait accordé trop de liberté à sa fille... que... que... Chaïma n'est plus là pour se défendre. Son assassin aura toute latitude pour ternir sa mémoire. Son assassin, mais aussi les nombreux donneurs de leçons de morale prompts à s'ériger en gardiens des bonnes mœurs. À supposer que la victime fût amoureuse ou que sa mère fût démissionnaire cela justifierait-il le crime ? Cela justifierait-il les effroyables tortures subies par Chaïma ? Quand donc cessera-t-on dans notre société d'honorer les assassins de la pire espèce et de piétiner les corps meurtris de leurs victimes surtout lorsqu'elles sont des femmes ? Si une épouse subit des violences conjugales c'est de sa faute. Si elle est violée, c'est parce qu'elle avait un comportement aguicheur. Si elle est harcelée dans la rue ou au sein de son lieu de travail, c'est parce que sa place est à la maison. Chaïma est une victime et seulement une victime parce que le Droit à la vie se situe bien au-dessus de toutes ces considérations subjectives, au-dessus des préjugées, des ragots de caniveaux et des leçons de morale. Le Droit à la vie signifie qu'aucun homme, qu'aucune femme n'ont le droit d'ôter la vie à leurs semblables, quels que soient leurs mobiles. Il serait grand temps que ce principe constitutionnel retrouve sa place au sein de notre société. C'est même une urgence, car aujourd'hui force est de constater que ce n'est pas seulement la violence qui est banalisée mais également — surtout — la vie humaine. On tue à tout-va et pour importe le motif. Rien d'étonnant à cela, lorsqu'on se souvient que sous l'ère de Abdelaziz Bouteflika, les terroristes islamistes, égorgeurs, violeurs, destructeurs de biens publics, auteurs de massacres de populations, furent réhabilités, blanchis, dédommagés pour les « années sabbatiques » passées dans les maquis et, pour un grand nombre d'entre eux, réintégrés dans leurs anciens emplois. Dès lors, tuer et violer sont devenus choses « normales » puisque impunis. N'avons-nous pas vécu entre 2014 et 2017 la sinistre succession de kidnappings, viols et assassinats d'enfants dont l'âge oscillait entre quatre et neuf ans ? Quelle fut la sanction pénale appliquée à leurs auteurs identifiés, arrêtés et jugés ? La peine capitale. Certes ! Mais il se trouve que celle-ci n'est pas l'objet d'exécution depuis 1993. Date à laquelle le Haut Comité d'Etat avait décidé un moratoire portant donc suspension de l'exécution de la peine de mort. Jusqu'à ce jour, aucune peine capitale prononcée par les juridictions pénales n'a été suivie d'exécution en raison de ce moratoire. Le contexte sécuritaire de l'Algérie de 1993 avait-il été à l'origine de cette suspension ? S'était-il agi d'une autre raison peut-être anecdotique et non politique ? Nul ne le saura puisque le Haut Comité d'Etat n'avait fourni aucune explication à l'appui de sa décision. Toujours est-il que des organisations internationales hommistes auxquelles se sont jointes d'autres voix ont vu dans ce moratoire l'occasion rêvée pour elles d'amener l'Algérie vers l'abolition pure et simple de la peine de mort. Sauf qu'elles feignent d'oublier que le moratoire n'est qu'une simple recommandation, l'Algérie n'ayant pas, jusqu'à ce jour, ratifié une quelconque convention internationale l'engageant à abolir la peine de mort. En conséquence de quoi, il est grand temps de rétablir l'exécution de la peine de mort dans notre pays. Notamment pour des crimes commis contre des enfants, pour des crimes inqualifiables comme celui dont fut victime Chaïma. Les auteurs de kidnappings, viols et assassinats d'enfants, condamnés à mort et dont les décisions sont définitives doivent être exécutés. Comment donc les imaginer en prison faire du sport, recevoir leurs familles leur apporter des paniers pleins de victuailles ? Comment ne pas être en colère en imaginant l'assassin de Chaïma derrière les barreaux, attendant patiemment sa libération ? Celui qui sait tuer doit savoir mourir. Aucune organisation internationale ne nous imposera, au nom de notre souveraineté, son diktat. Au dernier Conseil des ministres, datant de quelques jours, Monsieur le Président de la République a déclaré que les peines maximales sans possibilité de remises devront désormais être appliquées contre les auteurs de kidnappings et assassins d'enfants. Excellente nouvelle que celle-ci. La peine de mort étant prévue dans les textes de loi, il suffirait seulement de rétablir son exécution. C'est là le vœu de la majorité de mes compatriotes, 98 à 99%. Les 2% ou 1% restants qui défendent l'abolition de la peine de mort ont, évidemment, le droit de le faire, mais ils ne représentent qu'eux-mêmes, sans doute parce que les enfants des autres ne les concernent pas. En 1981, l'ex-président de la République française feu François Mitterrand avait construit toute sa campagne présidentielle sur l'abolition de la peine mort. Ministre de la Justice durant la guerre de Libération, il avait, sans état d'âme, signé les décisions d'exécution de nos premiers combattants et héros, guillotinés après avoir été condamnés à la peine capitale. « Chaïma est notre fille à tous ». Tel fut le message du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, transmis par le wali d'Alger à la mère de la victime. Nous aussi «Chaïma est notre fille à tous ». Pour les tortures qu'elle a subies, pour son assassinat, l'exécution de la peine de mort doit être rétablie. Une exécution qui apaisera nos consciences et nous dira : «Tous solidaires avec Chaïma .» L. A. H.