Les enfants, des victimes innocentes qui doivent être protégées Au moment où le débat battait son plein sur l'abolition de la peine de mort, l'assassinat des deux enfants de Constantine a littéralement changé la donne. Des voix s'élèvent pour demander l'application de la peine capitale, qui fait l'objet d'un moratoire depuis 1993. Une doléance sur laquelle les juristes que nous avons interrogés ne sont pas unanimes... Le débat est passé de la demande d'abolition au rétablissement de l'exécution de la peine capitale. Un glissement pour certains et un dérapage choquant pour d'autres. L'exemplarité de la peine n'a jamais empêché la propagation du crime, soulignent les criminologues. Après les multiples tragédies en si courte période-Chaïma, Soundous, Mehdi, Haroun, Brahim et Sanaâ, kidnappée et étranglée, sans oublier des centaines de kidnappings en Kabylie depuis 2007- le débat contradictoire fait rage. Maître Miloud Brahimi, est catégorique: «Je suis extrêmement choqué du dérapage qui s'est produit par rapport à cette question à partir d'un drame absolu, l'assassinat de deux petits enfants à Constantine, Haroun et Brahim», déplore-t-il. Ceux qui font semblant et s'efforcent à dire qu'il y a un rapport entre la peine de mort et la violence contre les enfants, «trompent délibérément l'opinion publique», affirme Me Brahimi. Quand l'Algérie a signé un moratoire contre l'application de la peine de mort en 1993, en pleine tragédie nationale où la violence contre les enfants et même les bébés ainsi que les femmes avait atteint son apogée, «personne absolument personne ne s'est élevé pour réclamer le rétablissement de la peine de mort», souligne-t-il. La peine capitale ou l'exécution, plaide-t-il, «ne changera rien, car la violence renvoie à la situation lamentable qui sévit dans la société algérienne». Une décision qui dépend du chef de l'Etat Pour Miloud Brahimi «il faut traiter le mal à la base en s'attaquant aux véritables maux destructeurs qui sévissent parmi les jeunes et les moins jeunes. Il n' y a aucun rapport entre la peine de mort et le niveau, la nature de violence qui ronge la société». Aux yeux de Me Brahimi, «on profite de ce drame d'enlèvement d'enfants pour remettre sur scène la question de la peine de mort». A titre de comparaison, la France qui a aboli la peine en 1981, qui a marqué un combat de longue haleine a connu de moins en moins de crimes par rapport aux pays appliquant la peine de mort comme les Etat-Unis. «Cela démontre que la peine capitale n'a jamais constitué un facteur de dissuasion contre les criminels, car force est de constater que dans ces pays, on observe des phénomènes de violence inouïs», explique-t-il. Qu'en est-il donc de la l'annonce du durcissement des dispositions du Code pénal? La réponse de l'avocat est on ne peut plus claire: «Penser à la révision du Code pénal aura des conséquences néfastes.» Si au Maroc, un pays voisin qui a adopté au même titre et durant la même période que l'Algérie, le moratoire sur l'application de l'exécution de la peine de mort, il y a de moins en moins de condamnations à mort. En revanche, en Algérie, on prononce de plus en plus ce genre de peine, justement parce qu'on a cessé de l'appliquer depuis 1993», fait-il savoir. Même si on n'a pas le chiffre exact, il est établi, selon Me Brahimi que «des centaines de personnes condamnées à la peine capitale sont recensées au couloir de la mort». L'Algérie qui milite au sein des Nations unies pour un moratoire universel contre la peine de mort, «ne doit pas faire entorse à ses principes à l'intérieur par rapport à cette question», indique-t-il. L'avis de Me Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, ne diffère pas de celle de Me Brahimi. «Je crois qu'il y a une déviation intentionnelle sur cette question», affirme Me Ghechir. «Environ une dizaine d'articles du Code pénal condamnent à mort», souligne-t-il. Actuellement, «l'exécution de la peine de mort, appartient exclusivement au président de la République.» La violence est l'effet des maux multiples-la consommation de toute sorte de drogues, le chômage touchant de plein fouet la frange juvénile, la promiscuité et le cadre de vie dégradé - qui ronge la société», indique-t-il. Pressions sur la justice... «Des médicaments ou psychotropes introuvables dans les rayons des officines et pharmacies sont disponibles en vente libre dans la rue et dans tous les coins des quartiers et villages», déplore-t-il. «Sous d'autres cieux, notamment dans des pays qui n'ont pas paraphé le traité international pour l'abolition de la peine de mort, les avocats plaident devant le président de la République pour demander grâce à leur mandant et ce, après l'épuisement de tous les recours», explique-t-il également. Donc, le problème se situe au niveau de l'exécution, puisque cette sentence existe dans les textes. La preuve, que pas loin que la mi-mars, l'ex-commissaire de la police judiciaire de la wilaya d'Adrar a été condamné à mort par les juges du tribunal criminel de Béchar. Cet ex-responsable de la PJ d'Adrar a été jugé coupable de l'assassinat de l'officier de police El Hadj Brahim Chérifa. Sous l'effet de la réaction émotionnelle de la foule, une délégation des contestataires de Constantine qui a rencontré le président de la cour et le procureur général, a exigé de ramener illico presto les bourreaux des deux enfants et les exécuter immédiatement. La peine de mort est remplacée en Algérie par la mort à petit feu, souligne Me Ghechir, en faisant allusion aux personnes qui attendent au couloir de la mort. Par ailleurs, un projet de loi, visant l'abolition de la peine capitale en Algérie, a été soumis par un groupe de députés de l'opposition au Parlement algérien, à l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le 10 décembre 2008. Ce projet qui se trouve dans les tiroirs de l'APN n'a pas été dépoussiéré. Il sera, en tout cas, selon des observateurs, très difficile d'appliquer la peine capitale, car l'Algérie doit d'abord dénoncer le moratoire international sur l'abolition de la peine de mort même si elle ne l'a pas ratifié jusqu'ici. Enfin, depuis 1993, année où l'ex-président de la République, Liamine Zeroual, a déclaré un moratoire sur l'application de la peine de mort suite à l'exécution de sept islamistes auteurs de l'attentat de l'aéroport d'Alger, des condamnations sont régulièrement prononcées en Algérie, souvent par contumace. La situation actuelle se résume à un moratoire, mais plus de 200 condamnations à mort ont été prononcées en 2008 seulement. Or, selon les spécialistes, la peine de mort n'a jamais été le moyen idéal de lutte contre la criminalité.