L'alerte est donnée : les professionnels de la santé avertissent sur les conséquences de la saturation des services dédiés à la prise en charge des patients atteints du Covid-19. Plus de place dans la grande majorité des CHU des grandes villes, notamment au niveau de la capitale. Les lits en services de réanimation se font rares. Anormal ! s'insurge le chef de service des maladies infectieuses de l'EPH de Boufarik pour qui cette situation met à nu un problème de gestion, mais également un déficit déjà connu en matière de lits de réanimation. Nawal Imés - Alger (Le Soir) - Les bilans quotidiens établis par le ministère de la Santé ne révèlent pas l'ampleur du drame que vivent au quotidien, les professionnels du secteur de la santé. Des chefs de services avouent leur impuissance face à l'afflux des malades présentant souvent des signes graves, nécessitant une hospitalisation. Faute de place au niveau de leurs services, ils sont réduits à les orienter vers d'autres structures qui, elles même, souffrent de saturation. À Alger par exemple, de nombreux malades font le tour des hôpitaux dans l'espoir de trouver une place. Certains d'entre eux n'ont pu être hospitalisés que parce qu'un lit venait de se libérer suite au décès d'un autre patient. Les places au niveau des services de réanimation se font de plus en plus rares. Des médecins ont du mal à faire hospitaliser leurs propres collègues. Au sein de la corporation médicale, c'est non seulement la panique, mais également l'indignation. Chef de service au niveau de l'Etablissement public hospitalier de Boufarik, le Dr Mohamed Youssfi décrit des situations intenables qui n'auraient jamais dû avoir lieu. Il estime que la problématique de la saturation, notamment au niveau de la réanimation est due à plusieurs facteurs. «Lorsqu'un service de réanimation est saturé, c'est encore plus grave parce qu'on ne peut pas ouvrir du jour au lendemain un service de réanimation. Cela nécessite non seulement un personnel qualifié, mais un équipement particulier : un généraliste ou un infectiologue ne peuvent pas être réanimateur. C'est également le cas pour le paramédical». Pour le Dr Youssfi, la problématique des services de réanimation ne date pas d'aujourd'hui, rappelant qu'«on avait déjà un problème au niveau de la réanimation avant. C'est un problème national. En temps normal, on a des difficultés à trouver des lits d'hospitalisation au niveau de la réanimation. Il y a un déficit de service même si au niveau du nombre de réanimateur, il y en a plus, mais ils sont mal répartis sans compter qu'on a trop longtemps privilégié l'anesthésie au détriment de la réanimation médicale. Résultat : les services de réanimation médicale en Algérie ne sont pas nombreux, souvent c'est plus des services de réanimation chirurgicale». Pourtant dit-il, «la demande est de plus en plus importante même en dehors du Covid, notamment en raison de l'espérance de vie qui est plus importante» et c'est à ce niveau, dit-il qu'intervient «la bonne gestion dans un hôpital ; cela suppose arrêter toutes les interventions à froid et induira la récupération des réanimateurs qui travaillent dans les services de chirurgie et qui sont versés dans les services de réanimation Covid, chose qui n'est pas appliquée». Les directives du ministère de la Santé sont pourtant claires : en temps de crise sanitaire, tout doit être dédié au Covid. Pourtant, les directives ne sont pas appliqués partout. Au CHU Mustapha par exemple, sur les 1 500 lits pouvant être mobilisés, seuls 60 étaient dédiés au Covid-19. Résultat : l'EPH de Boufarik, reçoit des malades venant de la capitale, à la recherche d'une place. Ce qui fera dire au Dr Youssfi, que son service est à nouveau saturé. Il reçoit chaque jour des malades qui présentent des formes plus sévères, nécessitant leur hospitalisation. Seule manière de faire face à cette crise sanitaire, explique-t-il, c'est d'ouvrir des lits en fonction de l'évolution de l'épidémie : lorsqu'elle augmente il faut réagir rapidement. Et c'est justement cette absence de réaction rapide qui est à l'origine d'une situation qui risque rapidement de devenir ingérable. N. I.