L'appréciation de la situation épidémiologique par les autorités sanitaires n'est pas du tout la même que celle faite par les équipes médicales sur le terrain depuis le mois de mars. Si pour le ministre de la Santé « il n'y a pas lieu de s'inquiéter », les médecins au front ne cachent pas leur inquiétude. Les équipes sont au bord du burn-out. Dans certains services, les malades attendent à l'extérieur dans l'espoir qu'un lit se libère. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Au lendemain de l'enregistrement par l'Algérie d'un nouveau triste record en matière de contaminations au Covid-19, le ministre de la Santé annonçait qu' « il n'y a pas lieu de s'inquiéter. La situation n'est pas alarmante ». Même discours tenu la veille par le président du Comité scientifique de suivi de la pandémie. Les échos émanant des différentes structures de santé n'ont pourtant rien de rassurant. Les équipes y sont épuisées, submergées par un flux incessant de malades présentant tous les signes d'une contamination. Au niveau de l'établissement hospitalier (EPH) de Boufarik, l'accalmie n'est désormais qu'un lointain souvenir. Le chef de service des maladies infectieuses de ladite structure dresse un tableau qui rappelle celui du début de l'épidémie. Le Dr Mohamed Yousfi assure, en effet, que son équipe est « submergée » par les malades et pourtant, dit-il, la structure hospitalière a revu à la hausse ses capacités d'accueil. Avant, elle ne disposait que de 49 lits contre 75 actuellement qui s'avèrent quand même insuffisants. Actuellement, dit-il, il n'est pas rare que les malades se présentant soient réorientés vers l'hôpital de Blida. Face à cette situation, une réunion a eu lieu hier avec la Direction de la santé publique de la wilaya pour discuter justement de l'ouverture de nouveaux services dédiés au Covid-19 au niveau du CHU de la ville pour la prise en charge des patients de plus en plus nombreux. Signe de la grande tension au niveau de l'EPH de Boufarik, les équipes médicales, assure le Dr Yousfi, font des « acrobaties » pour obtenir les résultats des PCR afin de pouvoir faire sortir les malades dont les tests sont négatifs et faire admettre d'autres qui sont souvent réduits à attendre devant le pavillon des urgences. « Une situation dramatique », estime le Dr Yousfi qui rappelle que vers la moitié du mois de Ramadhan, l'EPH de Boufarik ne recevait qu'une vingtaine de cas suspects par jour. Actuellement, ce nombre a plus que doublé avec des malades positifs à PCR qui atteignent les 18 cas par jour contre 4 seulement auparavant. Autre précision de taille : si la majorité des cas reçus auparavant était classés dans la catégorie des formes bénignes à modérées avec très peu d'évacuation en réanimation, c'est l'inverse qui arrive actuellement avec beaucoup plus de formes sévères, nécessitant une réanimation. L'EPH a même enregistré trois décès successifs. Conséquence directe de cette pression, l'équipe médicale de l'EPH de Boufarik est au bord de l'épuisement. Le Dr Yousfi rappelle que contrairement au CHU, l'EPH ne peut pas compter sur l'apport des résidents ce qui fait que c'est la même équipe qui doit faire face tous les jours, week-ends compris, sans possibilité de prendre un peu de repos. Sur-sollicitée, l'équipe médicale lance un véritable cri à l'aide afin que d'autres structures de santé puissent ouvrir des services Covid-19. Ce qui se passe à Boufarik est similaire à ce qui est rapporté quotidiennement par les équipes médicales travaillant dans d'autres structures. Leurs échos peinent à arriver aux oreilles des responsables qui préfèrent à la réalité du terrain les discours rassurants. N. I.