Pour l'état-major de l'Armée nationale populaire, la nouvelle doctrine algérienne de défense doit prendre en compte et éradiquer les menaces situées dans ses «frontières sécuritaires», soit au-delà des frontières géographiques. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Le ministère de la Défense nationale, à travers la Direction de la communication, de l'information et de l'orientation (DCIO), a posé le cadre des interventions extérieures de l'armée algérienne. Ce concept a été clairement annoncé dans l'émission «Ila ardh el Djazaïr», dont le titre, difficile à traduire, reflète la sacralité de la terre algérienne. «La défense nationale est une notion qui est en constante mutation. Elle est influencée par son environnement géopolitique, dans toutes ses dimensions. Notre sécurité nationale ne se limite pas à nos frontières géographiques mais elle est liée à nos frontières sécuritaires. Cela nécessite de prendre en considération tous types de menaces et de les neutraliser à la source et où qu'elles soient», affirme le commentateur de cette émission produite par le MDN et qui a été diffusée, samedi 14 novembre, par la télévision publique. Par ce message, l'état-major de l'ANP assume ouvertement sa volonté d'intégrer dans la nouvelle doctrine de défense la notion de «frontières sécuritaires» et de ne plus se limiter à intervenir uniquement à l'intérieur des «frontières géographiques». Bien entendu, cette mutation est désormais permise par la nouvelle Constitution — qui est en attente de promulgation — puisque celle-ci précise dans son article 31, alinéa 3 : «L'Algérie peut, dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations-Unies, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, participer au maintien de la paix.» Il est vrai que cette disposition constitutionnelle précise que l'ANP peut intervenir dans le cadre d'opération de «maintien de la paix». Sauf que la situation régionale, qui se caractérise par divers types de menaces imminentes, pourrait conduire l'armée algérienne à prendre d'autres mesures spécifiques dans un espace délimité par «les frontières sécuritaires». Cette émission est intéressante à plus d'un titre puisqu'elle comprend une intervention du général Saïd Chengriha s'adressant en derdja à des militaires. «Aujourd'hui, nous comptons sur chacun d'entre vous, du simple soldat au plus haut de la hiérarchie, pour défendre nos frontières avec honneur contre les terroristes, les contrebandiers et même contre une armée ennemie régulière. Cela, car l'Algérie est la première puissance de la région, par sa présidence, son gouvernement, l'ensemble de ses institutions et par son Armée nationale populaire qui a démontré et prouvé qu'elle a mis en échec le terrorisme comme nos parents et nos grands-parents ont mis en échec la France durant la guerre de Libération nationale». Le message du chef d'état-major, qui se veut insistant, est adressé à l'ensemble des entités qui pourraient représenter une menace pour l'Algérie. Autre élément majeur de cette émission, l'apparition pour la première fois du missile balistique «Iskander E». Une apparition relevée par Menadefense, site algérien spécialisé en questions de défense et de sécurité et par le forum Sada of Armies. «L'Iskander E est un missile balistique qui se caractérise par sa grande précision et qui est capable de frapper à 300 kilomètres à l'intérieur des frontières de l'ennemi. Pour un pays comme l'Algérie, qui doit faire face à des menaces venant du Sahel, de la Libye et du Maroc, l'Iskander E est réellement une arme de dissuasion», assure un officier à la retraite qui a requis l'anonymat. Enfin, il y a lieu de relever le contexte de cette démonstration de force. Cette émission a été diffusée au lendemain de fin du cessez-le-feu entre le Front Polisario qui avait été provoqué la veille par l'agression menée par l'armée marocaine contre des militants pacifistes à Guerguerat. Cette action a conduit l'armée sahraouie à une riposte armée contre les positions marocaines du mur de «défense» qui sépare les territoires libérés sahraouis des territoires occupés. Dans le contexte géopolitique actuel, l'état-major de l'ANP a, semble-t-il, jugé nécessaire de délivrer certains messages aux « ennemis de l'Algérie». T. H.