Entre janvier et novembre 2019, 5 620 cas de violence contre les femmes ont été recensés selon un communiqué de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Nous étions pourtant en plein Hirak, mouvement porteur de changement démocratique et d'égalité citoyenne. Un an après, la situation ne s'est guère améliorée. Et par ces temps de pandémie de coronavirus et de confinement, elle a même empiré. La violence, sous toutes ses formes, verbales quand elles ne sont pas physiques, et socialement discriminatoires – accès à l'emploi, chômage — est toujours présente. Elle est confortée par un discours rétrograde amplifié par les réseaux sociaux et instrumentalisant le religieux à des fins de domestication à vie des femmes. C'est en tout cas ce dont se sont fait l'écho plusieurs associations de femmes dont le réseau Wassila à l'occasion du 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. En effet, quand une femme est agressée ou battue, on lui reproche sa tenue vestimentaire non conforme aux principes salafo-wahhabites, comme si les combattantes de l'ALN avaient porté le hidjab ou le djelbab ! Quand elle est assassinée, c'est tout juste si on ne la rend pas responsable de sa propre mort. Et quand elle est jetée à la rue avec ses enfants, le religieux est appelé à la rescousse pour donner raison au mari qui a pris pour seconde épouse une femme plus jeune ! En bref, quoi qu'elle fasse, et dans tous les cas de figure, la femme est quelque part coupable et a forcément tort. Déjà en 2003, les femmes avaient tenté de faire bouger les lignes. Soucieux en paroles de ne pas paraître en retrait face à un Maroc ayant promulgué une loi améliorant le statut et la condition des femmes, le pouvoir de Bouteflika avait, après une consultation avec des associations de femmes dont le Collectif 20 ans barakat(1) – rien à voir avec « Barakat » de Mme Bouraoui – amendé le code de la famille de 1984 qui faisait de la femme une mineure à vie. Mais même allégé, ce code de la famille d'inspiration religieuse n'avait pas fondamentalement amélioré le statut de la femme et ne la protégeait nullement de la violence. Car en ce début des années 2000, Abdelaziz Bouteflika, qui ne voulait pas s'aliéner les islamistes afin de faire avaliser sa politique de concorde civile, exhortait plutôt les femmes à ne pas poser le problème du statut de la femme afin de ne pas susciter « la discorde et les conflits ». Il les avait appelées à ne pas s'habiller de façon provocante et à s'abstenir de fumer en public pour ne pas heurter la sensibilité des terroristes islamistes à qui il demandait de déposer les armes ! Aujourd'hui, le contexte est différent. Celles qui mènent le combat appartiennent à cette génération qui a fait le Hirak. Un mouvement populaire qui a permis le retour des femmes sur la scène publique en dépit des difficultés auxquelles elles se heurtent encore, comme par exemple la suggestion de mettre sous le tapis l'abrogation du code de la famille, afin de ne pas s'aliéner le soutien de certains islamistes, convertis opportunément aux valeurs de citoyenneté... sauf en ce qui concerne le statut de la femme. Il n'en reste pas moins que le Hirak a permis que les violences contre les femmes ne soient plus un sujet tabou. Ce dont s'est fait l'écho le site Féminicides-dz, lequel a recensé quelque 45 femmes assassinées et qui, à l'instar d'autres associations de femmes et défenseuses des droits de la femme, mène une lutte de tous les instants contre la banalisation du crime et pour le retrait de cette clause du pardon qui permet à l'agresseur de se dédouaner à bon compte de son acte. À jeudi. H. Z. (1) En décembre 2003, le collectif « 20 ans barakat » avait même produit un CD avec une chanson de dénonciation du code de la famille.