La Journée internationale pour l'éradication des violences faites aux femmes est célébrée tous les 25 novembre. Mais la résonance de cette journée est d'autant plus particulière dans un contexte caractérisé par une pandémie qui n'épargne aucune parcelle du globe. Cela s'illustre par l'explosion des cas de violences subies par les femmes en Algérie et ailleurs. Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - Le débat sur la nécessité de faire de l'élimination des violences faites aux femmes une priorité prend aujourd'hui une grande place aussi bien dans les médias que dans les espaces publics. L'année 2020 a vu l'installation du mot féminicide dans notre société. La mort de Chaïma, 19 ans, assassinée de sang-froid, au mois d'octobre dernier, a été le drame de trop qui a levé le voile sur l'existence de ce phénomène en Algérie. C'est à partir de là que la question de la violence à l'égard des femmes a été, d'une certaine manière, sortie du folklore habituel. Les associations et les militantes pour les droits des femmes ont aussitôt lancé des initiatives concrètes pour dire « basta à l'instrumentalisation, à la maltraitance de la femme ». Cela a fait remonter à la surface la liste macabre des femmes victimes de féminicide mais bien plus. Des appels et des actions ont été menés avec acharnement par des militantes des droits de la femme, dans la perspective de remettre dans le champ de l'application les lois de protection contre les violences faites à la femme. Lois qui, faut-il le rappeler, existent déjà dans la législation algérienne. Il serait d'ailleurs impossible de dire avec exactitude combien de plaintes sont restées sans suite. La banalisation des faits inhérents à la maltraitance des femmes sous toutes ses formes est certainement plus dangereuse que les actes eux-mêmes. Le travail des associations qui luttent contre ce type de violences ne se limite plus, par conséquent, à la sensibilisation ou à l'écoute. Des dizaines de femmes battues ou maltraitées sollicitent l'aide de ces intermédiaires et sont pour certaines prises en charge. Mais cela reste peu suffisant devant l'ampleur de ce phénomène toujours croissant. La lutte efficace contre ce fléau connaît, certes, des avancées mais demeure confrontée à des obstacles d'ordre majeur qui la ralentissent sérieusement. Pour renverser la tendance, les associations tentent d'attirer l'attention sur les sévices que subissent des milliers de femmes à travers le pays et appellent les autorités à faire bouger les choses, au niveau des textes de loi, et ce, en commençant par l'application des lois pour protéger les femmes et leur donner le courage de dénoncer toute forme de violence qui toucherait d'une façon ou d'une autre à leur dignité. Dans une lettre ouverte, 13 associations ont appelé, à l'occasion de cette journée, à la mise en place de mesures d'urgence, comme des actions d'assistance à personne en danger afin de mettre un terme à la violence contre les femmes, à l'impunité et prévenir les féminicides. M. Z. Nadia Ouarek, membre du réseau Wassila, au Soir d'Algérie : «Les violences contre les femmes ont explosé» Entretien réalisé par Massiva Zehraoui Amedjout Nadia Ouarek, psychologue, coordinatrice du centre d'écoute et membre fondateur du réseau Wassila, s'appuie sur les centaines de témoignages et plaintes reçus quotidiennement depuis 20 ans par cette association pour décrire l'ampleur du phénomène lié à la violence contre les femmes. Le Soir d'Algérie : Beaucoup de femmes victimes de violences vous sollicitent régulièrement. Combien de plaintes recevez-vous en moyenne par jour ? Nadia Ouarek : Je dois d'abord rappeler que notre réseau s'est doté en 2007 d'une ligne d'écoute en faveur des femmes et des enfants victimes de violences. On reçoit généralement beaucoup d'appels de femmes battues ou ayant subi une agression physique ou verbale. En parallèle, nous avons instauré une permanence hebdomadaire le mardi de 13 h 30 à 17 h dans le but de recevoir les victimes de violences pour éventuellement les prendre en charge sur d'autres aspects. En termes de chiffres, on reçoit chaque mardi quatre à six plaintes parfois moins. En raison de la pandémie, nous recevons moins de personnes qu'avant. Le centre d'écoute enregistre, en revanche, des centaines d'appels de ces victimes, notamment pendant la période de confinement. Je dois, par ailleurs, préciser que dans ce contexte, les chiffres sont dérisoires car ils reflètent rarement la réalité. En sachant que la majorité des femmes victimes de violences ne le signalent pas pour X raison. Justement, pensez-vous que le confinement a été à l'origine de l'explosion du phénomène des violences à l'égard des femmes ? Je dirai que le confinement a été un facteur aggravant de la situation vécue par de nombreuses victimes. Il est vrai que durant cette période, le standard du réseau Wassila a littéralement explosé. D'ailleurs, je me rappelle avoir eu à écouter les témoignages de plusieurs femmes qui ont subi pour la première fois des violences conjugales à cause du confinement justement. Mais à mon avis, si un homme passe à l'acte et lève la main sur son épouse, peu importe les circonstances, c'est qu'il est déjà prédisposé à la violence. Pour quels types de violence les femmes vous sollicitent en général ? Et comment les prenez-vous en charge ? A vrai dire, beaucoup de femmes nous appellent ou se rendent chez nous pour nous exposer divers problèmes. Certaines sont tellement dépassées qu'elles ne savent plus réellement pourquoi elles sont là. Nous les aidons d'abord à prioriser leurs problèmes en les écoutant. Si le cas nécessite une prise en charge sur le plan juridique par exemple, la victime bénéficiera gratuitement d'une avocate. Qu'en est-il de la lutte contre les violences faites aux femmes sur le plan législatif ? Oui, c'est toute la problématique. Paradoxalement en Algérie, les lois qui criminalisent les violences à l'égard des femmes ne manquent pas, mais l'application ne suit pas. Mais en tant qu'association, nous continuons à lutter pour que cela change. Je ferai remarquer qu'il y a des avancées salutaires sur le plan de la lutte contre la maltraitance des femmes. C'est pourquoi, je reste convaincue que le reste viendra après. M. Z.