Le Rapace est-ce lui, le journaliste Cherif Sidhoum ou plutôt son patron ? «Le journalisme mène à tout, à condition d'en sortir», avait dit l'écrivain français Jules Janin. Le Rapace est le plus récent roman de l'écrivain et journaliste algérien Hamid Grine. «Il se prenait pour Dieu alors qu'il n'était qu'un écrivaillon en mal de reconnaissance, bouffi par l'orgueil des nains capables de soulever des montagnes, selon le grand Byron, un vrai écrivain lui. Kouider Kaddour, dit KK, hein des initiales nauséabondes, ne soulève que l'écume de sa propre gloire, de sa grandeur, de sa beauté, de sa majesté. KK, que Dieu lui pardonne, parle beaucoup de lui, dit beaucoup de mal des autres et écrit encore plus mal. Il hait ses confrères, hait ses lecteurs, n'aime que lui, lui, lui et lui ! Un pauvre type, en somme», avait, un jour, écrit Cherif au sujet d'un certain Kouider Kaddour, qu'il avait interviewé et qui ne lui répondait que du bout des lèvres, «comme s'il le maintenait en vie en daignant lui parler». Cherif Sidhoum, qui avait la réputation d'être un pistolero de la plume, est un journaliste intègre, intransigeant sur les principes, l'éthique et la déontologie. Un jour, il est contacté par un grand patron d'entreprise pour devenir son spin doctor (conseiller en communication politique) en vue des prochaines élections qui s'annoncent particulièrement chaudes. Il accepte d'autant plus qu'il connaît ce métier qu'il avait déjà exercé dans des agences internationales qu'il avait dû quitter faute de pouvoir vivre sous la botte des annonceurs qui font et défont les réputations et les carrières. Grassement rétribué par le milliardaire, Cherif Sidhoum, dont le nom veut dire «Noble, leur seigneur», replonge avec jubilation dans le maëlstrom de la communication politique en prenant congé du journalisme. Mais s'il quitte le journalisme pour un temps, le journalisme ne veut pas le quitter pour un seul instant. Ainsi, il est contacté par une mystérieuse correspondante qui le met sur les traces du principal responsable du crash de l'avion de Tindouf dans lequel avait péri son épouse et dont il n'a jamais pu faire le deuil. Il mène son enquête. Ce qu'il découvre lui glace le sang ! Le voilà dans un terrible conflit entre, d'une part, le grand journaliste inflexible qui met la vérité au-dessus de tout, ne courbant la tête devant personne, et d'autre part, le communicant dont la principale tâche est de relooker l'image de son patron en mettant à sa disposition tous les outils de la communication politique pour le faire gagner et faire plier ses rivaux. Un terrible dilemme, en somme, qui soulève «une tempête sous son crâne», comme l'avait écrit Victor Hugo dans Les Misérables au sujet de Jean Valjean, devenu le respectable Monsieur Madeleine, mais rattrapé par son passé. Hamid Grine, né le 20 juin 1954 à Biskra, est l'auteur de sept livres sportifs dont Lakhdar Belloumi, un footballeur algérien, vendu à 20 000 exemplaires en 1986 (un best seller, en Algérie) et Onze champions dans un miroir (1988), tous les deux parus chez les Editions Enal. En 2004, il publie aux Editions Casbah Comme des ombres furtives, une série de portraits. Il est l'auteur de plusieurs autres romans et essais, notamment Cueille le jour avant la nuit (Editions Alpha, 2005), La Dernière prière (éditions Alpha, 2006), Camus dans le narguilé (éditions Après la lune, Paris, 2011) et Sur les allées de ma mémoire (Casbah éditions, 2012). Le Rapace, paru chez Casbah éditions, est le deuxième roman de Hamid Grine se passant dans les milieux du journalisme, après Il ne fera pas long feu, paru en 2009. Kader B.