Rédha Tir était l'invité ce lundi 1er février du Forum de la Radio nationale Chaîne 1. L'occasion pour le président du Cnese, dans sa nouvelle appellation, de répondre à un certain nombre de questions d'actualité, sans omettre de rappeler la vocation de l'institution à la tête de laquelle il a été installé début mars 2020. Le choix de cet économiste n'est pas fortuit, puisqu'il est question pour le Conseil national économique, social et environnemental de rompre avec la perception passée du rôle de cette structure consultative pour jouer un «rôle consultatif pionnier», dans la prise de décision et la consolidation du dialogue entre les différentes franges de la société. Le Conseil national économique et social est placé sous l'autorité du président de la République pour être un centre d'études et de recherches (think tank), au profit du développement national et accomplir un rôle pionnier en matière d'assistance à la prise de décision dans les différents domaines de l'action publique. Rédha Tir s'est ainsi livré à un véritable plaidoyer quant à l'exécution des missions désormais dévolues à cette structure aux plans économique, social et culturel, voire son implication à l'international. L'invité du Forum a insisté sur les mots d'ordre principaux sur la base du triptyque : développement humain, transition énergétique et économie du savoir et du numérique, représentant un large espace pour la concertation et le dialogue constructif, afin de trouver des réponses collectives et innovantes aux grandes questions de développement du pays. Ainsi, il n'a pas ménagé ses critiques à l'endroit de cette institution quant à sa léthargie et son immobilisme qui ont caractérisé son action par le passé, à telle enseigne que l'exécutif avait «le bras long» dans les affaires de l'ex-CNES, et cela pendant «un quart de siècle», dira-t-il. Il affirme à ce propos que les membres du Conseil ne sont plus désignés par le gouvernement et que celui-ci mettra fin à ses ingérences. Dans ses nouvelles missions, le conférencier révèlera que le personnel du Conseil, de 200 membres, est composé de représentants du patronat, de syndicalistes et de la société civile des régions du pays qui, dans leur mission, s'apparentent aux députés économiques. Son action, déclare-t-il, s'étend aussi à l'Organisation internationale du travail (OIT) et à des organisations africaines de même vocation. Par ailleurs, observe-t-il, l'élément féminin est présent en force au Cnese et que l'on s'achemine vers une parité homme-femme. Intelligence économique et anticipation confèrent au Cnese, selon l'intervenant à la radio, un rôle de troisième partenaire du gouvernement aux côtés de l'Assemblée nationale et du Sénat, parce que les conseils des régions sont une force pour le gouvernement dans l'application de son programme économique. «Regardons par exemple leur composition : 75 membres des secteurs économique et social, 60 membres de la société civile et 45 des institutions de l'Etat.» Rédha Tir ne manquera pas de faire un constat très peu flatteur de la situation des statistiques du pays, actuellement dans un désordre complet. Pour y remédier, une banque de données, interrogeable de n'importe quel point, a été créée. Progressivement, ce travail de remise en ordre nous mènera jusqu'à 1962. Tout un chacun pourra alors trouver le document, qui lui fait défaut ailleurs, au niveau du Cnese. A une question sur la pandémie de coronavirus, le président du Cnese considère qu'à la différence d'autres pays, la situation est modérément satisfaisante car elle a été bien gérée, grâce aux diverses mesures prises par l'Etat, dont la fermeture du ciel à la navigation aérienne, les mesures sociales dont les aides financières aux petits privés, l'annulation de certaines dettes fiscales, le rapatriement de nos concitoyens bloqués à l'étranger, une prime aux 350 000 familles des catégories sociales les plus démunies de 30 000 DA. Le président du Cnese sera interpellé sur le climat des affaires et les conditions de son amélioration. Réponse habituelle pour un problème qui sonne comme un traumatisme pour les opérateurs économiques, quelle que soit leur taille. L'invité de la radio pourfendra l'administration qui se comporte comme un potentat, générant une bureaucratie tatillonne, et le problème récurrent de l'instabilité des lois. Il dira que 10 grands dossiers provenant du patronat ont été réceptionnés en attendant un texte en cours d'élaboration qui y précisera son implication. Mais il s'insurge contre l'absence de textes d'application de lois déjà votées, comme c'est le cas pour la loi sur les hydrocarbures, la loi sur la monnaie et le crédit, les transferts. Il annonce, sur les ondes de la radio, que bientôt le dossier de la Fonction publique sera mis à l'étude, parce qu'il faut sortir du carriérisme et des motivations anciennes pour un esprit patriotique. «L'administration, c'est le cancer», dit-il. La «confiance» doit-être de rigueur dans les relations administration-opérateurs économiques. «Il est inadmissible qu'un dossier d'investissement soit rejeté parce qu'il manque un quelconque document.» Et comme pour enfoncer le clou, il observe que l'économie de marché n'a pas lieu et qu'elle reste à construire. Pourtant, il faut sortir de l'Etat-providence et aller vers l'Etat régulateur, selon lui, disant que la régulation devrait être la règle et non l'ingérence directe de l'Etat. Rédha Tir a, par ailleurs, annoncé la mise sur pied d'un tableau de bord national, appelé «Tahat», du nom d'une montagne du Sud algérien (Tamanrasset), se déclinant sous la forme d'un observatoire. Sortir du discours lénifiant pour des outils pratiques de gestion des diverses affaires économiques et sociales semble être le credo du nouveau président du Cnese. Brahim Taouchichet