Gageons que la décision de Joe Biden de ne plus cautionner l'aventure saoudienne aura un gros impact dans la famille régnante de l'Arabie Saoudite. En droite ligne de ses engagements électoraux, le nouveau Président des Etats-Unis d'Amérique a prononcé son premier discours devant le Département d'Etat, soit moins de trois mois après son entrée en fonction. Il a abordé, entre autres questions de politique étrangère, la guerre que livrent les coalisés arabes sous la houlette de l'Arabie Saoudite contre le Yémen depuis 2015, pays parmi les plus pauvres au monde. Joe Biden a ainsi annoncé, jeudi dernier, la fin du soutien américain aux opérations de la coalition, appelant à la «fin» de cette guerre, marquant ainsi un tournant stratégique par rapport à Donald Trump, passé maître dans l'art de manipuler les monarchies du Golfe, en particulier en agitant le spectre de l'Iran expansionniste ! «Nous renforçons nos efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre au Yémen, une guerre qui a créé une catastrophe humanitaire et stratégique», a-t-il déclaré. Poursuivant : «Cette guerre doit cesser.» «Et pour souligner notre détermination, nous mettons fin à tout soutien américain aux opérations offensives dans la guerre au Yémen, y compris aux ventes d'armes», a ajouté le successeur du sulfureux Donald Trump, déterminé qu'il était à mettre à feu et à sang toute la région. Joe Biden doit également annoncer la nomination d'un diplomate de carrière chevronné, Timothy Lenderking, comme émissaire pour le Yémen, selon une source proche du dossier. Si la nouvelle administration aux affaires américaines retient comme plan de charge le réexamen de la politique US dans cette région stratégique du monde, nombre d'observateurs s'accordent à dire qu'il ne faut pas s'attendre à des changements radicaux. La nouvelle démarche a principalement pour souci de corriger les errements sous le couvert de la promotion de la démocratie et les droits de l'Homme. Sans entrer dans les méandres spécifiques des politiques de cette région, gageons, néanmoins, que la décision de Joe Biden de ne plus cautionner l'aventure saoudienne aura un gros impact dans la famille régnante de l'Arabie Saoudite. En effet, ce qui ne lui paraissait qu'une promenade de scouts, il y a cinq ans dans ce pays pauvre de la péninsule Arabique, s'est avéré être - au plan militaire - un fiasco total, en dépit des armes très sophistiquées que lui fournissait, à coups de milliards de dollars bien sûr, son soutien américain. Au contraire, les Houthis, qui contrôlent aujourd'hui la capitale du Yémen, Aden, et le nord du pays, se sont aguerris depuis le début de l'agression des neuf pays arabes coalisés. Bombardements, affrontements armés ont fait plus de 100 000 morts et 53 000 blessés. D'ores et déjà, l'on parle de crimes contre l'humanité provoquant, par ailleurs, la pire crise sanitaire, sachant que les deux tiers de la population totale du pays vit de l'aide humanitaire. Il y a des actions des coalisés qui font date. Exemples : le 28 septembre 2015, le bombardement d'une salle de mariage à Mokha (sud-ouest) fait 131 morts. Le 15 août 2016, la coalition bombarde l'hôpital de la ville d'Abs (nord-ouest). Le 8 octobre, un raid de la coalition lors d'une cérémonie funéraire à Sanaâ fait 140 morts et plus de 500 blessés. Malgré les dénonciations, la coalition n'a pas suspendu ses frappes aériennes. C'est bel et bien une guerre totale que se livrent les belligérants. Dès lors, c'est une nouvelle phase qui s'ouvre avec l'attaque contre l'Arabie Saoudite, à coups de missiles balistiques. Ni Riyad, ni les aéroports, voire la résidence du roi Salmane ne sont épargnés. L'Algérie, qui a refusé de faire partie de la coalition en dépit des sollicitations, a réaffirmé les constances de politique étrangère partant du principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et ne saurait cautionner une guerre contre un pays faisant partie de la Ligue arabe. Faut-il s'attendre à un tournant dans cette sale guerre qui profiterait, à court terme, au peuple yéménite, ravagé par la maladie et la faim ? Brahim Taouchichet