Au risque d'envenimer encore le conflit au Yémen, la décision de Donald Trump va provoquer un drame humanitaire imparable dans ce pays. À dix jours de la fin de son mandat, le gouvernement américain de Donald Trump a annoncé dimanche soir qu'il allait inscrire les houthis sur la liste noire des groupes "terroristes", afin de contrer l'influence de l'Iran, leur principal soutien face au pouvoir du président de transition, Abd Rabbo Mansour Hadi, appuyé depuis 2015 par une coalition militaire menée par l'Arabie Saoudite. Cette mesure américaine est redoutée pour ses implications sur la situation humanitaire désastreuse au Yémen. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a expliqué qu'il notifierait le Congrès de cette décision afin de renforcer la "dissuasion contre les activités néfastes du régime iranien". Cette sanction vise à tenir les houthis "pour responsables de leurs actes terroristes, notamment pour les attaques transfrontalières menaçant les populations civiles, les infrastructures et le transport maritime", a déclaré Mike Pompeo. Faisant suite à l'inscription sur la liste noire de trois chefs des houthis, dont leur principal dirigeant Abdel Malek al-Houthi, cette annonce était attendue aussi depuis l'élection présidentielle du 3 novembre aux Etats-Unis. Plusieurs organisations non gouvernementales et institutions internationales redoutaient que le président Trump, battu dans les urnes, ne cherche à frapper un grand coup diplomatique contre l'Iran, son ennemi juré au Moyen-Orient, avant l'arrivée à la Maison-Blanche, le 20 janvier, du démocrate Joe Biden, qui souhaite renouer le dialogue avec Téhéran. Selon ces organisations, cette décision risque de provoquer une paralysie de l'acheminement de l'aide humanitaire au Yémen et un basculement du pays en guerre dans la famine. Car après plus de cinq ans de guerre, le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule Arabique où 80% de la population dépend désormais de l'aide internationale, est déjà en proie à ce que l'ONU a qualifié de pire crise humanitaire au monde. Sur le pays plane la "menace imminente de la pire famine que le monde ait connue depuis des décennies", avait mis en garde, à la fin du mois de novembre, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, exhortant Washington à "ne pas faire tanguer le bateau". Les Etats-Unis aussi, qui reconnaissent qu'"il existe des inquiétudes quant à l'impact que ces désignations auront sur la situation humanitaire au Yémen", ont annoncé par la voix de Pompeo qu'ils prévoient de "mettre en place des mesures pour réduire leur impact sur certaines activités et importations humanitaires". Réagissant à cette annonce, les Houthis au Yémen ont condamné hier leur désignation comme groupe "terroriste" et ont dit se réserver le droit d'y riposter. "Les Américains sont à l'origine du terrorisme. La politique et les actions de l'administration Trump sont du terrorisme aussi. Ses politiques reflètent une pensée en crise et sont condamnables, et nous avons le droit d'y riposter", a déclaré sur twitter un haut responsable des rebelles, Mohamed Ali al-Houthi. Les houthis qui avaient anticipé cette mesure ont estimé, en novembre 2020, que Trump n'avait pas le droit de prendre une telle décision après avoir perdu l'élection présidentielle. "Les déclarations de cet homme n'ont plus aucune signification", et "s'il désigne Ansarullah comme terroriste, cela viendra d'une personne non compétente qui est en train de devenir complètement dingue", avait déclaré Sultan Al-Samee, vice-président du conseil politique d'Ansarullah, le nom du mouvement des houthis. Le royaume saoudien, un allié de Washington, a, lui, déjà classé les houthis comme groupe "terroriste" en 2014, avant de prendre la tête en mars 2015 d'une coalition appuyant le gouvernement yéménite contre les rebelles.