L'Arabie saoudite et l'Iran se sont livrés hier à une violente passe d'armes au sujet du Yémen, déclenchée par un tir de missile de rebelles yéménites pro-iraniens intercepté au-dessus de l'aéroport international de Riyad le week-end. Les autorités saoudiennes ont accusé l'Iran d'être derrière ce tir qui pourrait, selon elles, "équivaloir à un acte de guerre". L'Iran a rejeté des accusations "irresponsables et provocatrices" et accusé en retour Riyad de "crimes de guerre" au Yémen, pays ravagé par un conflit dévastateur. Cette passe d'armes sur le Yémen, doublée d'une dispute sur le Liban, est intervenue alors que l'Iran a marqué des points en Irak et en Syrie dans la guerre par procuration à laquelle se livrent au Moyen-Orient les deux poids lourds régionaux depuis des années. Disant chercher à contenir l'influence de l'Iran chiite, l'Arabie saoudite sunnite est intervenue, à la tête d'une coalition de pays arabes, dans le conflit au Yémen voisin en 2015 pour aider le pouvoir à freiner l'avancée des rebelles houthis accusés d'être soutenus par Téhéran. L'Iran se défend de fournir des armes aux houthis, mais ne cache pas sa sympathie pour eux. Dans un communiqué rendu public hier, l'Arabie saoudite a accusé l'Iran d'apporter un soutien militaire direct aux houthis qui menacent de fait le trafic aérien depuis le tir samedi d'un missile balistique vers l'aéroport de Riyad. Le tir du missile, intercepté et dont des débris sont tombés dans le périmètre de l'aéroport, constitue une "agression militaire flagrante par le régime iranien qui pourrait équivaloir à un acte de guerre", a affirmé à Riyad la coalition conduite par Riyad. Cette coalition se réserve le droit d'y riposter de "manière appropriée" et a décidé, en attendant, de renforcer le blocus du Yémen ; cela revient à fermer de "manière provisoire" les frontières aérienne, maritime et terrestre, sauf aux cargaisons humanitaires. À Téhéran, les Affaires étrangères ont affirmé que le tir de missile était "une action indépendante (des houthis) en réaction à plusieurs années d'agression des Saoudiens", et que Téhéran n'avait rien à voir là-dedans. La coalition sous commandement saoudien impose déjà un embargo à l'aéroport de la capitale Sanaa aux mains des rebelles et vérifie les cargaisons qui transitent par le port de Hodeida (ouest), sur la mer Rouge, utilisé par les rebelles. Pour Riyad, il ne fait guère de doute que les rebelles, qui contrôlent Sanaa et une bonne partie du nord et de l'ouest du Yémen, bénéficient de livraisons d'armes de l'Iran et de l'assistance d'experts iraniens en balistique, qui leur permet d'allonger la portée de leurs missiles pour pouvoir atteindre des centres vitaux en Arabie saoudite. Les houthis ont tiré à plusieurs reprises des missiles vers l'Arabie saoudite qui les a interceptés dans la plupart des cas. L'analyste Randa Slim du Middle East Institute se demande si la direction saoudienne, incarnée par le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, "a bien réfléchi à l'ampleur de l'escalade" qu'elle envisage. Ce qui est inquiétant, ajoute-t-elle, c'est que l'administration américaine de Donald Trump, alliée de Riyad, estime qu'une confrontation avec l'Iran est dans son intérêt et qu'elle "n'envoie pas un message de dissuasion à l'Arabie saoudite". R. I./Agences