Le MSP et son leader Abderrazak Makri sont l'incarnation de l'islamisme qui, faute d'avoir les moyens de sa politique, pratique la politique de ses moyens. Dit plus simplement et dans le cas précis, les gens du MSP sont des islamistes faibles. Ils auraient aimé avoir les troupes, la logistique et la force de l'engagement du FIS du temps de sa splendeur mais comme ils n'ont jamais rien eu de tout ça, ils se sont résignés aux ramasseurs de miettes et aux rôles de seconds couteaux dans un projet politique et sociétal qu'ils partagent pourtant entièrement avec les « autres ». Parce que, qu'on ne s'y méprenne pas, quand les « frères » ferment les yeux, les oreilles et la bouche sur la violence des... frères, ce n'est pas seulement pour séduire quelques indécis dans la nébuleuse islamiste qui, par ailleurs, n'est pas aussi harmonieuse que ça. C'est que convaincus qu'ils sont les seuls à pouvoir les battre quels que soient le terrain et le choix des armes, ils renoncent, stratégiquement ou tactiquement, à les affronter. Mais ils sont surtout convaincus que le temps travaille à leur faveur parce que les manières violentes dans l'action et le discours sont de plus en plus dépassées. Il faut être l'islamiste de son temps, quitte à enfourcher les méthodes les plus modernes de conquête du pouvoir. Convaincus enfin qu'en dehors de leur mouvance et du système, c'est le désert politique en matière d'ancrage populaire, ils attendent la fin à l'usure de ce même système pour cueillir le pouvoir, mûr pour leur tomber dans les bras. C'est ainsi qu'ils « collent » tous les régimes et « accompagnent » le système dans son parcours, sans jamais rater la moindre étape. Contrairement à ce qui est généralement entendu, les frères musulmans algériens n'ont pas « intégré » le système. Ils ont leur propre feuille de route dont l'idée principale est de... miner le système de l'intérieur. Ils sont dans la stratégie de l'entrisme mais ils nourrissent de plus grandes ambitions ; ce n'est pas parce que le système ne leur concède que des strapontins qu'ils vont s'en contenter éternellement. Et ils insistent pour à chaque fois renouveler leur extraordinaire disponibilité à la composition. Ils font ça avec leur propre discours mais ils sont là. Le dernier champ d'investissement en la matière est le mouvement populaire pour le changement de... système. Bien évidemment, Abderrezak Makri s'en est à chaque fois revendiqué et il vient de le faire encore à l'occasion d'un rendez-vous organique du MSP. Dans la vraie vie, on n'a pas vraiment vu ce parti dans la contestation populaire, personne ne se souvient de Makri à la tête d'une manifestation comme il le prétend mais ce n'est pas important. Pour l'essentiel, Makri est surtout revenu pour nous dire que le danger vient des... laïcs. Et s'il s'en prend à ceux qui portent le slogan « pour un Etat civil et non militaire », c'est parce que de l'autre côté, on n'avance pas (encore) à visage découvert. Pour le reste, le pouvoir «accompagne » le Hirak et le MSP aussi. Même si ce dernier... accompagne surtout le pouvoir ! C'est bientôt les législatives anticipées, si vous voyez ce que ça veut dire. S. L.