Cruel paradoxe de la militance politique en Algérie ! Plus les initiatives politiques de sortie de la crise de gouvernance dans laquelle se trouve le pays se multiplient, plus la visibilité du champ politique devient imprécise et source de grande préoccupation.Depuis plus d'une année on assiste, en effet, à une inflation de démarches lancées, tour à tour, sous le sceau du pouvoir comme la concertation sur le projet de révision constitutionnelle, ou bien à l'initiative de certains partis de l'opposition élargie à des personnalités nationales regroupées au sein de la Coordination nationale des libertés et de la transition démocratique (CNLTD) et, dernière tentative en date, celle du Front des forces socialistes (FFS). La caractéristique commune de toutes ces initiatives politiques est qu'aucune n'est parvenue à fédérer les énergies et à susciter l'adhésion populaire. Les consultations sur la révision de la Loi fondamentale, boycottées par une partie de la classe politique, ne constituent plus la priorité de l'heure du pouvoir. Mise en place pour créer une dynamique de changement, la CNLTD n'arrive pas à porter loin son discours parce que confrontée à des entraves sur le terrain de l'action politique et de la mobilisation populaire. Et le FFS, venu en sauveur de la nation, qui s'enlise dans un débat où l'on navigue à vue. Dans ce contexte de flou artistique, un nouvel acteur, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) tente une échappée solitaire en annonçant, par la voix de son président, Abderrazak Makri, le lancement prochain d'un autre cadre de concertation sous l'égide de sa formation. Partie prenante de la Coordination nationale, le MSP a surpris la classe politique, et particulièrement ses partenaires de la CNLTD, par cette sortie qui est déjà interprétée comme le signe de la volonté de ce parti de reprendre sa liberté d'action face aux difficultés éprouvées par cette coalition pour s'affirmer sur le terrain. Ce parti, qui connaît les arcanes du pouvoir pour avoir un temps siégé au gouvernement et compté parmi l'attelage de l'Alliance présidentielle, semble convaincu, à la faveur de l'expérience sur le terrain, que la transition politique sans le pouvoir est une chimère politique. Le FFS l'a compris avant lui en ouvrant ses consultations à toutes les forces politiques du pouvoir et de l'opposition. Les réponses en demi-teinte des uns et le refus catégorique des autres de s'associer à la démarche du parti d'Aït Ahmed semblent avoir creusé l'appétit politique du parti islamiste qui compte ainsi, avec cette nouvelle carte qu'il met dans le jeu politique, bonifier sa présence au sein de la CNLTD pour mieux négocier des espaces avec le pouvoir. C'est le sens de la perche qu'il tend aux autorités pour dépasser le bras de fer engagé avec l'opposition. A-t-il été mandaté par la Coordination nationale pour ce faire ou bien roule-t-il pour son propre compte, fidèle en cela à la pratique de l'entrisme qui fonde son action politique ? Quelles que soient les motivations politiques qui ont poussé le MSP à «déserter» d'une certaine manière le camp de ses alliés, en attendant peut-être la confirmation certaine du repositionnement du parti islamiste, l'initiative fragilise la CNLTD et fait le jeu du pouvoir.