Par le docteur Abderrahmane Mebtoul �La modestie permet de progresser. L'arrogance est un frein� (Proverbe chinois) 1- Mohamed-Salah Mentouri dit Kamel, son nom du temps de la r�sistance, n� le 9 avril 1940 � Hamma Bouziane (wilaya de Constantine), wilaya ancestrale de culture mais �galement de r�sistance durant la guerre de Lib�ration nationale, dans une famille de militants de la cause nationale, l�a�n�, le professeur Bachir Mentouri, ayant rejoint l�ALN en tant que m�decin, ayant �t� le premier maire d�Alger, de 1966 � 1975, puis d�put� de 1977 � 1982 et ayant re�u, � titre posthume, la m�daille d�Athir du m�rite national, vient d��tre rappel� � Dieu le 5 septembre 2010 � l��ge de 70 ans. Que Dieu Le Tout-Puissant puisse l�accueillir dans Son Vaste Paradis et lui accorder Gr�ce et Mis�ricorde. Mohamed Salah est d�abord un patriote convaincu ayant �t� membre de l�OCFLN durant la guerre de Lib�ration nationale, membre de l'Union g�n�rale des �tudiants musulmans d'Alg�rie (UGEMA) de 1960 � 1962. Ensuite un commis de l�Etat et un homme politique ayant exerc� d�importantes fonctions dont celle de directeur g�n�ral de la S�curit� sociale (de 1970 � 1980), Secr�taire g�n�ral du secr�tariat d�Etat, puis du minist�re de la Formation professionnelle (mars 1982-janvier 1984), vice-ministre charg� des Sports, puis vice-ministre charg� du Tourisme, pr�sident du Comit� olympique alg�rien (novembre 1989, en juin 1991, ministre du Travail et des Affaires sociales, puis, en octobre 1991, ministre de la Sant� et des Affaires sociales. Il est �lu pr�sident du Conseil �conomique et social (Cnes) le 7 d�cembre 1996, un poste dont il d�missionnera en mai 2005, et en 2001, pr�sident de l�Association internationale des conseils �conomiques et sociaux. Enfin, il est un intellectuel dipl�m� de l�Ecole des hautes �tudes commerciales de Lausanne, licenci� en droit, et titulaire d�un DES de sciences �conomiques. 2.- J�ai connu Mohamed-Salah en tant que ministre mais surtout en tant que pr�sident du Cnes, o� il avait eu l�amabilit� de m�inviter tant aux audiences des ministres que de me demander mon humble avis en tant qu�expert, comme bon nombre d�autres de diff�rentes sensibilit�s, concernant les rapports de conjoncture partant de la devise que le plus grand ignorant est celui qui pr�tend tout savoir, ayant profond�ment le respect et la consid�ration pour le savoir. J�ai connu un homme toujours �l�gant, discret, voire secret, pesant chaque mot, courtois, une grandeur d��me, la franchise loin de la langue de bois et sa d�votion patriotique dont le seul souci �tait de construire pour l�Alg�rie. Et depuis cette date, il est devenu un ami fid�le ainsi que d�ailleurs bon nombre des membres de sa famille dont je citerai Fatiha, sa soeur, l�ancienne ministre d�l�gu�e � la R�forme financi�re une des rares expertes internationales alg�riennes en finances. Mais, la raison essentielle de cette longue amiti� est cette symbiose d�id�es malgr� des sensibilit�s diff�rentes. Comment ne pas rappeler au passage, le dialogue f�cond avec le d�funt Abdelhak Benhamouda de l�UGTA, cette phrase pleine d�humour du regrett� � Si Sa�d, l�actuel secr�taire g�n�ral de l�UGTA � pourquoi es-tu souvent avec Mebtoul, malgr� vos divergences id�ologiques, que complotez- vous ? Or, m�me diff�rent, le dialogue, fondement de la tol�rance est permis et n�cessaire. Mohamed-Salah �tait justement cet homme tol�rant et de dialogue. C�est pour quoi il voulait sinc�rement faire du Cnes une institution cr�dible, un lieu de d�bats contradictoires � partir d�analyses de critiques afin d�aboutir � une grille de lecture selon les standards internationaux, �loign�s des standards st�rilisants de l�autosatisfaction triomphaliste. Il voulait faire du Cnes une force de propositions afin que le gouvernement corrige ses erreurs et c�est sous sa pr�sidence qu�a �t� propos� le pacte national de croissance afin de parvenir � un consensus, qui ne signifiait pas unanimisme, signe de d�cadence de toute soci�t�. Cette vision bas�e sur la concertation �conomique et sociale, en fait sur la d�mocratisation des d�cisions, allait forc�ment a contrario avec la vision dictatoriale administrative autoritaire de certains segments du pouvoir. Le but du bureaucrate n�est-il pas de donner l�illusion d�un gouvernement m�me si l�administration fonctionne � vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la soci�t� majoritaire, en �vitant un dialogue serein, en donnant l�illusion d�une bonne gouvernance par de l�activisme dans un monologue lassant avec ses propres collaborateurs, se distribuant des points d�autosatisfaction � l�image de Narcisse, qui coup� du monde, se regardait chaque jour dans une glace et affirmait : je suis le plus beau, je suis le seul � avoir raison, cette attitude ne pouvant que conduire le pays au suicide collectif. C�est pourquoi, cette vision de dialogue, gr�ce � cette gouvernance se fondant sur des analyses sans complaisance et des propositions concr�tes de redressement national a permis � Mohamed-Salah Mentouri de faire du Cnes un acteur incontournable de la sc�ne politico-�conomique nationale. Il a refus� de faire de cette institution consultative une simple caisse de r�sonance du gouvernement, comme le montrent clairement les rapports de conjoncture publi�s r�guli�rement tous les trimestres, sous sa pr�sidence, d�ailleurs largement reproduits tant au niveau national qu�international. A-t-il �t� �cout� ? L� n�est pas le probl�me du fait des rapports de force contradictoires depuis des d�cennies montrant des divergences profondes sur la voie � suivre concernant la future politique socio-�conomique dont le manque de coh�rence et de visibilit� et l�instabilit� juridique en sont l�illustration, le tout se jouant sur le partage de la rente des hydrocarbures. Ce qui d�passe une simple institution comme le Cnes. L�important est de dire la v�rit�, rien que la v�rit�, et son m�rite est d�avoir �mis des id�es, en montrant qu�un commis de l�Etat, et ils sont nombreux contrairement au verdict populaire d�sabus� par l�actuelle gouvernance, peut �tre cr�dible et honn�te et travailler uniquement pour les int�r�ts sup�rieurs du pays. 3- Ceci �tant dit, depuis son d�part, le Cnes, est devenu une chambre d�enregistrement des dol�ances de l�ex�cutif alors que tous les Cnes de par le monde sont des institutions de propositions productives. Pour preuve r�cemment, le ministre des Finances annon�ait 10 % de taux de croissance hors hydrocarbures, le Cnes rench�rissait aussit�t 11 % (qui dit mieux) et juste apr�s le ministre des Finances annon�ait un autre chiffre de 9 %. Et il en est de m�me pour le taux de ch�mage contenu dans le dernier rapport de conjoncture. Le Cnes, outre que sa composante n�a pas sensiblement vari� depuis des ann�es alors que ses statuts l�exigent devant tenir compte de l��volution des forces �conomiques et sociales du pays, �volutives et non statiques, est devenu de surcroit une administration, un bureau voulant r�cemment s��riger en bureau d��tude comme par exemple le dernier rapport de conjoncture ayant ax� l�indice du d�veloppement humain (IRH) avec l�assistance de plusieurs experts du Pnud et de la Banque mondiale, indice d�ailleurs d�menti par le dernier rapport du Pnud qui a r�trograd� l�Alg�rie apr�s les tests de coh�rence. Mission d�ailleurs posant probl�me avec la nouvelle composante gouvernementale et la cr�ation d�un minist�re charg� de la statistique. J�ose esp�rer que la voie que nous a trac�e le d�funt aura une port�e op�ratoire. Ne d�sesp�rons pas, car malgr� parfois leur arrogance, certains politiques, peut-�tre avec un peu de retard mais avec des surco�ts exorbitants pour la nation, appliquent consciemment ou inconsciemment les id�es de quelques sombres intellectuels. Cela est peut-�tre le cas de mon ami Mohamed-Salah Mentouri. Je suis convaincu que ce sont les id�es qui m�nent le monde. Aussi, nous avons, nous intellectuels (qui ne saurait s�assimiler aux dipl�mes mais la transmission des id�es d�o� le r�le important des m�dias surtout avec la r�volution Internet), une lourde responsabilit� vis-�-vis des g�n�rations futures, le r�le de l�intellectuel n� �tant pas de produire des louanges par la soumission contreproductive pour le pouvoir lui-m�me en contrepartie d�une distribution de la rente, mais d��mettre des id�es constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de v�rit� pour faire avancer la soci�t�. Aussi esp�rons qu�apr�s la r�habilitation de la Cour des comptes, ce sera celle du Cnes, et ce, dans le cadre de int�r�ts sup�rieurs du pays. On ne saurait geler les institutions de la r�publique au profit de relations personnalis�es informelles, institutions m�me imparfaites, mais devant �voluer et se corriger positivement � travers le temps, car �tant le fondement d�un Etat de droit et un des facteurs fondamentaux du d�veloppement de l�Alg�rie. En r�sum�, l�entrave principale au d�veloppement en Alg�rie trouve son explication en une gouvernance mitig�e, provenant de l�entropie impliquant la refonte de l�Etat, largement influenc�e dans ses nouvelles missions par l�internationalisation de l��conomie. En fait, la solution durable passe par une gouvernance renouvel�e et la valorisation du savoir, pilier du d�veloppent du XXIe si�cle comme aimait � le r�p�ter le tr�s cher regrett� Mohamed-Salah Mentouri. Et pour ce dernier facteur strat�gique, comment ne pas appeler la r�cente enqu�te inqui�tante, de l�importante revue am�ricaine Foreign Policy de juillet 2010, classant l�Alg�rie parmi les plus vuln�rables au monde avec une note de 8,6 sur 10 pour la disparition et la dispersion de l��lite, s�agissant d�une des notes les plus mauvaises du monde et de conclure : �Les tr�s bas salaires et l�environnement politique d�favorable hypoth�quent l�avenir de l�Alg�rie qui risque de se retrouver sans son intelligentsia pour construire son avenir.� Aussi, il me semble imp�ratif de r�fl�chir aux voies et moyens n�cessaires pour contr�ler et r�duire cette entropie � un niveau acceptable afin de r�aliser cette transition strat�gique d�une �conomie de rente � une �conomie hors hydrocarbures supposant un profond r�am�nagement au niveau des structures du pouvoir. Tout en ayant �t� au c�ur du pouvoir, Mohamed- Salah Mentouri avait cette prise de conscience de ces mutations n�cessaires au profit exclusif des g�n�rations futures, de l�Alg�rie. Amiti�s fid�les