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«La liquidation des entreprises publiques est une catastrophe pour le pays»
Saïda Neghza à «LSA Direct» :
Publié dans Le Soir d'Algérie le 06 - 03 - 2021

Saïda Neghza, cheffe d'entreprise, présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) et de Business Africa, qui englobe toutes les organisations patronales africaines, et de Business Med (organisation patronale de la Méditerranée), a évoqué à «LSA Direct», avec un franc parler continu, plusieurs questions et aspects liés au commerce extérieur, import et export : la liquidation des entreprises publiques, les pratiques douanières, la relation qu'ont les opérateurs avec les banques et bien d'autres sujets.
Ahmed Kessi - Alger (Le Soir) - « La femme est présente en force dans plusieurs domaines en Algérie », a estimé Saïda Neghza, alors que par le passé, elle « n'était pas admise » dans certains milieux exclusivement réservés aux hommes, en particulier le secteur du bâtiment, travaux publics et hydraulique (BTPH).
Evoquant les débuts de sa carrière, quelle a entamée à l'âge de 17 ans, par la création d'une société de torréfaction de café, Mme Neghza les qualifient de « très difficiles » car étant une femme. Ce qui l'a amenée à exercer plusieurs activités : importation de produits agroalimentaires, de café, de pneus.
En 2002, elle se lance dans le BTPH. « En 2004, j'ai créé une société avec des partenaires espagnols (toujours dans le BTPH) ». En 2007, elle diversifie son champ avec l'acquisition de gisements de marbre, de gravier et d'une sablière.
Ses activités, dit-elle, sont perturbées par la «Issaba », qui a exercé des pressions énormes sur elle. Elle affirme, de manière formelle, que « si la Issaba planquée à l'ombre, financée par celle emprisonnée, n'est pas neutralisée, on n'avancera pas d'un pas».
«Ces gens-là travaillent contre le Président»
Evoquant la période « cauchemardesque » pour de nombreux cadres nationaux, celle de la liquidation d'entreprises publiques, à l'instar de l'Enapal (Entreprise nationale des produits agroalimentaires) par Ouyahia — période qui a ouvert la voie à l'importation tous azimuts de produits agro-alimentaires dont ont bénéficié les amis et les copains — elle la qualifie de « véritable catastrophe pour le pays. Ils ont liquidé des entreprises et jeté en prison des hommes d'une probité remarquable, animés d'un patriotisme avéré ».
Sauvegarder les entreprises publiques, capables de créer de l'emploi et de produire est le « défi » à relever, selon la cheffe d'entreprise, puisque, explique-t-elle, « l'Algérien est beaucoup plus attaché aux entreprises publiques qu'à celles privées. Il a une énorme confiance en elles ». Interrogée sur la situation actuelle qui prévaut dans le pays, elle dira : « A présent, il y a encore des saboteurs de l'Algérie, certains hommes qui cassent les entreprises nationales capables de produire, de créer des emplois .» Et de poursuivre : « Alors que le chef de l'Etat affiche une bonne volonté politique et de bonnes intentions, certains de ses proches collaborateurs ne lui rapportent pas la réalité constatée sur le terrain .»
Pour que le Président ne prenne pas des orientations sur la base de faux rapports, il faut que son entourage soit « trié sur le volet ».
La présidente de la CGEA recommande, pour ce faire, de « ne mettre dans son entourage immédiat que ceux qui ne lui mentent pas, qui agissent en patriotes, qui aiment d'abord le pays».
Revenant au domaine de l'importation où les opérateurs, déclare-t-elle, « souffrent le martyre », elle dira qu'« au moment où le Président recommande l'allègement des factures, les services de douane, en faisant pression sur les importateurs, les poussent à les gonfler pour détourner de la devise. Ce qui génère des pertes colossales pour l'Etat ».
A ce titre, il y a lieu de s'interroger sérieusement, selon elle : « Ces gens travaillent contre le Président, contre l'Etat, ou contre le peuple ? »
Les pratiques de l'administration douanière, qui ne suit pas la Bourse de Londres, poussent certains importateurs à se rétracter du marché. Le risque d'une pénurie de café au cours du mois de Ramadhan prochain est réel. « Ceux qui travaillent en dehors de la loi, qui s'adonnent à des pratiques douteuses, travaillent en fait contre le Président », souligne la présidente de Business Africa.
«L'ancien ministre de l'Industrie ? Un accident de parcours»
A propos du fait que le Président ait décidé de revoir la problématique d'attribution des terrains dans les zones industrielles, lors du dernier Conseil des ministres, en associant au dialogue le patronat, Mme Neghza assène du coup : « Tous les ministres qui sont passés par ce secteur, depuis Bouchouareb, doivent rendre des comptes. La nomination du dernier ministre a été un accident de parcours. Il ne sait que critiquer », tout en précisant que le dialogue « n'existe pas » en Algérie.
Son souhait ? « Que c'est l'Etat qui crée ces zones , et que l'investisseur vienne avec son matériel, comme cela existe ailleurs : en Turquie, au Maroc, en Amérique, en Tunisie, etc. ». Ceci pour, explique-t-elle, « éviter les blocages au niveau des administrations et institutions ».
Abordant la relation qu'ont les opérateurs avec les banques et l'idée de l'ouverture des banques en Afrique, elle tranche net : « À proprement dire, on n'a que des guichets mais pas de banques, alors qu'elles doivent jouer le rôle de véritable partenaire.» Et d'ajouter : « Le système bancaire est défaillant en Algérie. Comment voulez-vous ouvrir des banques ailleurs, en Afrique ? Menons une véritable réforme d'abord .»
Quant à la manière dont l'Algérie peut tirer profit de Business Africa qu'elle préside également, la présidente balaie tout d'un revers de main: « C'est difficile de parler de l'exportation pour l'Afrique. C'est même impossible ! Avec les problèmes douaniers et de la bureaucratie ambiante », tout en citant l'exemple d'un homme d'affaires, sans le nommer, qui a perdu 50 milliards en voulant se lancer dans le marché africain.
Les pays qui profitent de Business Africa, cite-t-elle, sont « le Liban, la Tunisie, et le Maroc ».
Pour ce faire, il faut, assure-t-elle, « d'abord changer les lois. L'Etat doit accompagner les hommes d'affaires. D'ailleurs, j'ai souhaité que la dette des pays africains que l'ex-Président a remboursée soit sous forme de budgets, pour que cela profite aussi aux hommes d'affaires algériens. L'Algérie a donné des milliards sans les fructifier ».
Commentant l'information selon laquelle le ministre des Affaires étrangères a annoncé une mesure dans ce sens pour l'accompagnement des hommes d'affaires, elle mentionne, d'emblée : « Un ambassadeur ou consul doit être, d'abord, un homme d'affaires. Les nôtres, hormis certains, font du tourisme en attendant de rentrer au pays. Je souhaite qu'à l'avenir, lorsque le MAE, le Premier ministre, ou un quelconque ministre se rendent à un pays donné, soient accompagnés par des hommes d'affaires comme cela se fait au Maroc, en Tunisie et ailleurs. »
Prônant une rupture avec les pratiques du passé, elle note que 30% des PME/PMI de la confédération ont mis la clé sous le paillasson à cause de divers blocages, qualifiant d'«insuffisantes » les aides de l'Etat octroyées dans le cadre de la gestion de la crise générée par la Covid-19, — qui ont consisté en l'annulation des redevances fiscales, de la CNAS, de la CACOBATPH d'une période de six mois, ainsi que la suppression des pénalités — car les PME/PMI sont fragiles, ne peuvent pas supporter les charges, contrairement aux grandes entreprises».
Comment l'économie algérienne est perçue par les hommes d'affaires africains et vice-versa ? Selon la responsable de Business Africa, « de nombreux pays souhaitent bien travailler avec l'Algérie, mais il y a un manque de soutien sur le terrain. Idem d'ailleurs dans l'autre sens. C'est impossible d'aller à la conquête de l'Afrique sans le concours de l'Etat ou du patronat ! Eux, ils ont une expérience solide en la matière, depuis les années cinquante, alors que nous, que depuis 1988 ».
Invitée à évaluer la situation des droits des femmes, à l'occasion de la journée du 8 Mars, Saïda Neghza appelle le Président à lui faire recouvrer ses droits car, selon elle, « ils ne sont pas garantis ».
A. K.


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