Un déplacement professionnel m'a empêché de produire une nouvelle chronique pour ce jeudi 8 avril 2021. Je vous propose celle du 30 mars 2017. Il restait exactement deux années au pouvoir de l'oligarchie avant le soulèvement du peuple pour imposer la fin de la mascarade des mandats sans fin... En se détournant de ses options fondamentales qui sont l'essence même de sa révolution, l'Algérie a dévié de sa trajectoire. Elle n'avait pas dévié de sa trajectoire idéologique du temps de Boumediène ou de Ben Bella. Avec eux, c'était un autre problème, celui de la légitimité posée par certains, mais l'option socialiste que tous les deux ont défendue et tenté d'appliquer n'était pas une lubie personnelle ou pure folie. Car la question fondamentale est là : la Révolution algérienne, dès son déclenchement, voulait répondre à l'attente des paysans pauvres et sans terre, donner de l'emploi à ceux qui n'en ont pas, édifier un Etat fort et juste, unir le front anti-impérialiste en Afrique, nouer des relations fortes avec les pays progressistes. Il n'a jamais été question de créer un Etat bourgeois qui ouvrira les portes aux exploiteurs et perpétuera le système injuste de la colonisation sous le drapeau de l'indépendance. Sur un autre plan, les velléités de révisionnisme qui tentent de donner un rôle important aux Ulémas au moment du déclenchement de la révolution ne reposent sur aucune vérité historique ; les réactionnaires utilisent le passé, le maquillent et le dénaturent, pour se projeter dans les luttes partisanes actuelles (...) Les Ulémas n'étaient pas favorables au déclenchement de la Révolution en 1954(*), comme l'était Messali. Les premiers ont rejoint le Front en 1956 et le second a créé le MNA pour faire la guerre aux révolutionnaires indépendantistes. Messali est le chef du sinistre Bellounis, bombardé général et serviteur attitré de l'armée française qu'il jura de servir avec ses milliers d'hommes. Et quand j'apprends que la femme de ce traître a revendiqué le statut de martyr pour son mari, et sur une chaîne algérienne de surcroît, je me dis que l'épisode Feriel Bengana est peut-être le début de quelque chose de plus sordide et de plus réfléchi ! Par ailleurs, je me suis interrogé sur la campagne menée contre les discrets Ahmadis qui sont devenus un «danger» pour le pays alors qu'il y a d'autres sectes beaucoup plus pernicieuses qui disposent de partis politiques, de chaînes de télévision et de centaines d'associations, dont personne ne se préoccupe. Revenons maintenant aux options économiques et à cette «Algérie poubelle» qui n'en peut plus de recevoir bateau après bateau, chargés de miel saoudien, de biscuits turcs, de jus du Golfe, de figues de Barbarie en barquettes et de 50 000 produits dont la majorité est constituée de camelotes qu'aucun pays n'accepterait. D'ailleurs, si vous faites un tour dans n'importe quelle supérette, vous allez voir un tas d'ordures sucrées entassées les unes sur les autres qu'on vous propose à des prix cassés. Ils appellent ça «promotion» ! Voilà nos devises, notre argent collectif, l'argent du pétrole. Et encore, ils sont bien gentils de montrer quelques restes car vendre ou ne pas vendre n'est pas leur problème. Dans tout pays qui se respecte, importer répond à des besoins précis. Dans n'importe quel pays, le gouvernement veille à économiser l'argent public pour le mettre au service de l'économie et du bien-être du peuple. Notre argent est siphonné par des importateurs véreux, véritables barons devenus trop puissants pour être stoppés dans leurs trafics transfrontaliers. Et ici, je fais une halte pour ne pas incriminer les professionnels de l'importation qui travaillent selon des normes universelles et permettent aux ménages de disposer de tous les produits indispensables à la vie quotidienne, et au bon prix. Je parle de ces monstres qui amassent des fortunes grâce à la surfacturation. Vendre leurs produits est le dernier de leurs soucis. Qui achèterait d'ailleurs les pierres qu'ils ont ramenées par conteneurs ? Et on aurait pu les comprendre tant est humaine l'avidité du gain mais le plus grave est qu'ils n'ont pas pensé à investir dans l'industrie renaissante, ni à aider ce pays qui en a fait des nababs. Non ! Ils sont nés pour tuer l'économie nationale. Avec l'argent qu'ils gagnent, ils alimentent le circuit du change parallèle. Sans leur argent recyclé au noir, le dinar algérien se porterait beaucoup mieux. J'ai compris que le gouvernement, coincé par la crise, a voulu économiser ses devises, comme le ferait n'importe quel gouvernement. Et j'ai écouté avec beaucoup d'attention le brave Tebboune, un patriote qui a fait preuve d'une compétence avérée dans la gestion de l'immobilier national. Chargé du ministère du Commerce, il a sorti son épée pour faire la guerre aux lobbies de l'importation. J'étais heureux. J'allais écrire à tous ceux qui me disaient : «La caravane passe, aboie, mon cher Maâmar !» pour leur signifier que l'on est toujours incompris quand on évoque les choses avant les autres... Et puis, le fameux trou noir reprend vie ! M. Tebboune disparaît des écrans radar et la mafia de l'import remporte la victoire par KO. Et pourtant, dois-je rappeler que ces décisions, inattendues, de revenir à l'ancien système d'importation, n'ont aucun sens, aucun intérêt économique car elles court-circuitent un effort collectif du gouvernement qui a déjà donné des résultats plus que satisfaisants au niveau du ciment et du rond à béton notamment. Mais n'est-ce pas plutôt le retour à la conception du tout import de la décennie précédente, synonyme de désindustrialisation ; car tout produit fabriqué ici est un produit de moins pour l'importation ? Pourtant, nous sommes liés à la parole donnée aux martyrs, nous sommes les enfants d'une révolution qui n'a pas été menée pour remplacer les anciens colons par une espèce de mutants analphabètes, grossiers, surgis de la planète du cabas trabendiste des années 1980 et 1990, des exploiteurs encore pires que les anciens colons. L'Algérie est la fille d'une révolution progressiste, anti-impérialiste. Et puisque l'on vient de célébrer la date de l'assassinat du martyr Ben M'hidi, permettez-moi de vous rappeler ce qu'il attendait de nous. Avons-nous trahi ? Avons-nous respecté la parole donnée ? À vous de conclure : «Le peuple algérien reprend une autre fois les armes pour chasser l'occupant impérialiste, pour se donner comme forme de gouvernement une république démocratique et sociale, pour un système socialiste comportant notamment des réformes agraires profondes et révolutionnaires, pour une vie morale et matérielle décente...» (Fin de citation). M. F. (*) Ecoutez le témoignage de Boudiaf sur le refus des Ulémas de s'engager en 1954 : https://youtu.be/kxT2fsBOmtE