Le doyen des militants des droits de l'homme a tiré sa révérence. Ali Yahia Abdenour, l'infatigable avocat, est décédé à l'âge de 100 ans. Il laisse derrière lui un passé de militant et d'opposant qui, jusqu'à son dernier souffle, assumait ses convictions. Dans l'une de ses dernières sorties médiatiques, il appelait à la mise en place urgente d'un système démocratique. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Maître Ali Yahia Abdenour, avocat et défenseur des droits de l'Homme, n'est plus. L'homme à l'apparence si frêle sous laquelle il dissimulait un caractère bien trempé a rendu l'âme à l'âge de 100 ans. Son âge avancé, s'il ne lui permettait plus autant de sorties médiatiques, ne l'a pas empêché de faire connaître ses positions, notamment depuis le début du mouvement populaire en février. Dès le début des marches populaires, il s'excusait presque de ne pas pouvoir y prendre part. Il avait d'ailleurs écrit dans une tribune qu'« à 98 ans, il m'est difficile de marcher avec vous. Pourtant, vous savez que je suis un grand marcheur pour les libertés. Je suis heureux de voir le peuple se soulever contre ce pouvoir totalitaire et contre ce système politique qui a mis l'Algérie dans l'état où elle se trouve. Je suis avec vous d'esprit et de cœur. Vive l'Algérie démocratique ». L'été dernier, au moment où il recevait une délégation présidée par le médiateur de la République, il disait à ce dernier que « la situation du pays relève de l'urgence et les revendications populaires portées depuis plusieurs mois pour la mise en place d'un système politique démocratique et légitime s'imposent». Des prises de position en faveur des libertés qui sont restées constantes. Certaines lui avaient même valu de se faire des ennemis dans le camp des démocrates en raison de sa participation au contrat de Rome en 1995 ou lorsqu'il n'a pas hésité à défendre des anciens du FIS ou encore en soutenant la politique de la réconciliation. Le pouvoir n'appréciait pas non plus ses prises de position. Il avait été parmi les premiers à avoir réclamé le départ de l'ancien Président en actionnant les dispositions de la Constitution permettant de déclarer son incapacité à gouverner. Pour Ali Yahia Abdenour, les libertés ne pouvaient qu'être indivisibles. Son engagement en faveur de ces dernières remonte à la période coloniale. Il avait en effet rejoint très tôt les rangs du Parti du peuple algérien, puis le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques. Membre du Syndicat des enseignants après la grève à laquelle avait appelé le Front de libération nationale, il avait été incarcéré puis remis en liberté en 1961. À l'indépendance, il a présidé l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et fut élu membre de l'Assemblée constituante. En 1965, il a été nommé ministre des Travaux publics puis ministre de l'Agriculture avant de démissionner de son poste en 1968. En 1983, il a entamé une carrière d'avocat et fonda en 1985 la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh) qui a été reconnue officiellement en 1989. L'avocat compte à son actif plusieurs ouvrages, tels que Algérie : raisons et déraison d'une guerre, publié en 1996, et La dignité humaine en 2007. Le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) avait décerné son prix annuel des droits de l'Homme 2020 à l'avocat Ali Yahia Abdennour au regard de son long parcours en matière de défense des droits de l'Homme. N. I.