�J�avais seulement vingt ans quand j�ai commenc� � enseigner la langue et la litt�rature arabes au lyc�e d�El Harrach en Alg�rie. Ma vocation d�enseignant ne s�est pas limit�e aux publics d��l�ves, puis d��tudiants � La Sorbonne ; j�ai toujours r�pondu avec empressement aux demandes de publics extr�mement vari�s dans les cinq continents pour donner des conf�rences nombreuses en fran�ais, en anglais, en arabe et m�me en tamazight� (berb�re). (Mohammed Arkoun : Humanisme et Islam, Combats et propositions, Vrin, Paris, 2006, p. 7). Par Mourad Benachenhou Les autorit�s coloniales, qui ont administr� ill�galement et ill�gitimement l�Alg�rie entre 1830 et 1962 n�ont jamais cach� leur intention d��radiquer aussi bien l�Islam que la langue arabe, tout comme d�ailleurs, la langue berb�re (m�me si beaucoup l�ont oubli�). Un g�nocide culturel programm� et syst�matiquement appliqu� Une politique syst�matique de destruction des institutions religieuses et scolaires musulmanes a �t� mise en �uvre d�s les premi�res ann�es de l�occupation coloniale. Dans un rapport r�dig� en 1847, rapport tr�s souvent cit� par divers historiens de la p�riode, Alexis de Tocqueville, pourtant partisan convaincu de la n�cessit� pour l�occupant de s�emparer de tout le territoire alg�rien, n�a pas manqu� de noter que tout �tait fait pour d�truire la soci�t� alg�rienne en la coupant de ses racines linguistiques, culturelles et religieuses. Il a fait la constatation suivante : �Partout nous avons mis la main sur ces revenus [ceux des fondations pieuses ayant pour objet de pourvoir aux besoins de la charit� ou de l�instruction publique] en les d�tournant en partie de leurs anciens usages. Nous avons r�duit les �tablissements charitables, laiss� tomber les �coles, dispers� les s�minaires. Autour de nous, les lumi�res se sont �teintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cess�. C�est-�-dire que nous avons rendu la soci�t� musulmane beaucoup plus mis�rable, plus d�sordonn�e, plus ignorante et plus barbare qu�elle n��tait avant de nous conna�tre.� Ce rappel a pour objet de mettre, une fois encore, en exergue la r�sistance multidimensionnelle men�e par le peuple alg�rien contre un occupant d�cid� � effacer de la m�moire humaine l�existence m�me des Alg�riens et de leur histoire. Mohammed Arkoun, un phare du renouveau culturel alg�rien Ce rappel vise �galement � souligner que la survie culturelle, linguistique et religieuse du peuple alg�rien t�moigne de son attachement � ses sp�cificit�s, telles que son histoire les a cr��es. Il est �vident que, sans des hommes de foi et de culture, comme l��mir Abdelkader, le cheikh Abdelhamid Ben Badis, Messali Hadj et des intellectuels de la trempe de Mohammed Arkoun, un combattant de la cause culturelle et religieuse nationale, la soci�t� alg�rienne aurait sombr� dans le no man�s land des peuples colonis�s qui ont perdu tout rep�re civilisationnel du fait de l�action d�lib�r�e de g�nocide culturel poursuivie par l�occupant colonial. Une origine sociale modeste, une personnalit� intellectuelle hors du commun Mohammed Arkoun est, en effet, n� et �lev� dans une famille de neuf fr�res et s�urs, et a grandi dans un contexte historique peu propice � l��mergence d�une �lite intellectuelle profond�ment enracin�e dans sa soci�t�, El�ve, entre 1941 et 1945, dans une �cole secondaire tenue � Oran par les missionnaires chr�tiens P�res Blancs, il est soumis � un enseignement qui met l�accent sur le pass� ant�islamique de l�Alg�rie. Il choisit de consacrer sa vie � l��tude et � l�enseignement de la langue et la philosophie arabes. Une carri�re d�universitaire particuli�rement brillante le conduit jusqu�� une chaire de professeur � l�universit� prestigieuse de La Sorbonne fond�e en 1253 par un �averro�ste latin�, l�abb� Robert de Sorbon (1201-1274). L�autobiographie d�Arkoun, qui donne une liste impressionnante de publications originales en fran�ais et en arabe et de traductions de ses �uvres en anglais, n�erlandais, bahasa (langue de l�Indon�sie), sans compter les �crits �mineurs� dans diff�rentes publications, est publi�e sur le site internet suivant : http://www.ibnrushd. org/CV-Arkoun.htm. Un intellectuel reconnu � travers le monde Toutes les grandes universit�s du monde se sont fait un honneur de l�inviter � prononcer des conf�rences ; et il est rest� dispos� � r�pondre aux invitations qui lui �taient faites, impr�gn� qu�il �tait de sa mission d��ducateur et de clarificateur dans le domaine de recherche auquel il a consacr� sa vie, � savoir le renouveau de la philosophie musulmane. Homme de dialogue, il prononce une de ses derni�res conf�rences sur le th�me suivant �Penser la tol�rance, l'intol�rance et l'intol�rable depuis 1945� en avril 2009 � l�Universit� de F�s. Ses �crits ont �t� comment�s dans des revues acad�miques de toutes les langues importantes du monde. M�me un universitaire japonais, le professeur Natto Yosuke de l�Universit� de Tokyo, a consacr�, dans la langue japonaise, une longue �tude � sa pens�e, sous le titre de �Une introduction � l��tude de Mohammed Arkoun� (dans Annales de l�Association japonaise pour les �tudes sur le Moyen-Orient, num�ro 11, 31 mars 1996 pp. 319-340). Une philosophe allemande, Ursula G�nther, lui a m�me consacr�, en 2004, un ouvrage de 277 pages intitul� : Mohammed Arkoun : Un critique moderne de l�interpr�tation de l�Islam. Une pens�e originale et profonde Ce n�est, �videmment, pas l�abondance de ses �crits ou sa disponibilit� � exposer sa pens�e � tous les auditoires devant lesquels il a �t� invit� � prendre la parole au cours de ses quelques soixante ann�es d�activit�s de recherche et d�enseignement, qui l�ont rendu universellement c�l�bre et acclam�, et reconnu comme l�un des plus grands penseurs contemporains. Il a apport� un �clairage nouveau � l��tude de la philosophie de l�Islam, �clairage qui constitue une rupture avec les voies choisies par les penseurs musulmans depuis le XIXe si�cle, y compris les r�novateurs dont l�influence continue � se faire ressentir, comme Jamal Eddine el Afghani (1838-1897), le cheikh Mohammed Abduh (1849-1905), et bien d�autres penseurs musulmans, qui, au cours du XXe si�cle et jusqu�� pr�sent, ont poursuivi leur �uvre de r�flexion et de mise � jour de la pens�e islamique. (voir leur liste sur le site http://en.wikipedia.org/wiki/List_ of_Muslim_reformers). Un r�novateur courageux de la philosophie musulmane Arkoun est-il en rupture totale avec ses pr�d�cesseurs ? Il pourrait sembler, en effet, qu�il ait adopt� une d�marche plus radicale qu�eux dans sa tentative de redonner un souffle nouveau � la pens�e islamique. Aucun des fondateurs du courant r�novateur de l�Islam, qui a apparu et pris forme sous le choc de l�invasion coloniale qu�ont connu les pays musulmans au cours du XIXe si�cle, et de l�effondrement de l�Empire ottoman, qui a entra�n� la disparition du califat, en 1923, n�a �t� aussi loin que lui dans l�effort de r�novation de la pens�e musulmane, tirant son inspiration du Saint Coran. Une lecture rapide de ses �crits donne cr�dit � cette interpr�tation de ses �crits. Il n��tait pas, cependant, ni homme de provocation, iconoclaste pr�s � mettre � bas les principes de base de l�Islam pour prouver son originalit�, ni homme de conciliation, dispos� � accepter de prendre des positions de compromis, pour m�nager les sensibilit�s des uns et les pr�judices des autres. Il a �t� un �tudiant particuli�rement attentif de la pens�e musulmane, telle qu�elle s�est d�velopp�e dans les si�cles d�or de l�Islam, au temps des Abbassides ; il a �tudi� plus particuli�rement les �crits de Ibn Miskazayh (932-1030), auteur d�un manuel de philosophie morale inutile Raffinement des m�urs, et d�un livre intitul� Les clefs du bonheur, qui insistent non sur la n�cessit� de l�homme de s�adapter � sa soci�t� et � son si�cle, mais �galement sur la n�cessit� d�ouvrir son esprit aux id�es des penseurs non musulmans (visant sp�cifiquement alors le philosophe grec Aristote) s�il veut atteindre le but supr�me qui est le bonheur dans la vie, tout en pr�servant ses valeurs religieuses de musulman. (Voir Arkoun : l�Humanisme arabe aux IVe/Xe si�cles : Miskawayh, philosophe et historien, th�se de doctorat, Vrin, 1970). Briser la scl�rose intellectuelle bloquant une interpr�tation correcte du Saint Coran Dans son �uvre, Arkoun accorde une importance centrale � la relecture et la r�interpr�tation du texte du Coran, dans la m�me lanc�e que le cheikh Abdou, dont on sait qu�il a �t� l�auteur d�un commentaire m�thodique du Livre Saint en douze tomes. Comme Arkoun l�a souvent soulign�, une lecture utilisant toutes les m�thodes scientifiques de recherche et de commentaires actuellement � la disposition de l��tudiant du Saint Livre doit permettre de briser la scl�rose qui a atteint la pens�e islamique et a permis � beaucoup de faire des commentaires et de tirer des conclusions infond�es et extr�mistes de ses enseignements, que ces personnes soient anim�es de bons ou de mauvais sentiments � l��gard de l�Islam, Arkoun a voulu que se relance, de mani�re originale et en rupture avec la tradition, l�effort de renouveau de la pens�e islamique, effort qui ne remet en cause ni les fondements, ni les rites de cette religion. L�id�e est que, de m�me que les �coles juridiques actuellement accept�es sont le fruit de penseurs originaux, de m�me, l�interpr�tation du Coran, dans le respect des principes fondamentaux de l�Islam, peut �tre renouvel�e tout en gardant ce qui constitue l�inchang� et l�inchangeable dans ce texte sacr�. Arkoun ne remet pas en cause l�aspect r�v�l� du Coran ; il veut qu�on s�efforce de mieux le comprendre en s�aidant de techniques de recherches offertes par l�avancement de la science. Rompre les cha�nes de la tradition Il n�est ni h�r�tique, ni iconoclaste dans son approche ; il veut seulement lib�rer la pens�e musulmane tirant son inspiration du Coran, du poids de la tradition qui ne fait que r�p�ter, sans en comprendre totalement le sens, les commentaires faits par d�autres dans le pass�. (Voir Arkoun : Lecture du Coran, seconde �dition, �diteur : Aleef, Tunis, 1991, et Penser l�Islam d�aujourd�hui, Editions Lafomic, Alger 1993). Voici ce qu��crit Arkoun � ce sujet : �Repenser la tradition islamique aujourdhui est un acte intellectuellement urgent et n�cessaire, politiquement et culturellement d�stabilisant, et psychologiquement et socialement d�licat. Nous sommes, en fait, oblig�s de mettre � nu de mani�re beaucoup plus claire que l�a faite la critique classique, les fonctions id�ologiques, les manipulations s�mantiques, les ruptures culturelles et les incoh�rences intellectuelles qui se sont r�unies pour d�l�gitimer ce que, pendant des si�cles, nous avons �t� conduits � penser � et � vivre � qu�il exprimait l�authentique expression de la Volont� divine manifest�e dans la R�v�lation� Nous devons emprunter les m�thodes actuelles de pens�e ouvertes par les sciences de l�homme et de la soci�t� Pour �tre encore plus clair, la pens�e religieuse est � la recherche de penseurs ind�pendants, apr�s avoir �t�, pendant des si�cles, soit le monopole de fonctionnaires z�l�s, soit la cible de pol�mistes ayant d�autres objectifs.� (dans : L�Islam contemporain face � la Traditionactes du s�minaire sur l�Architecture musulmane, Grenade, Espagne-21-23 avril 1986, p. 241-traduit de l�anglais). Arkoun appelle, non � un rejet brutal de la Tradition, mais � une relecture du Coran, qui utilise les techniques modernes d��tude de texte, tout en reconnaissant le caract�re extr�mement d�licat d�une telle op�ration. Une t�che difficile, mais n�cessaire pour d�senclaver l�Islam Il est conscient que cette t�che d�passe les capacit�s intellectuelles d�un seul homme, et appelle d�autres penseurs � continuer le travail d��lucidation qu�il a entam�. Il ne veut ni choquer, ni cr�er une nouvelle h�r�sie, seulement rappeler que la Tradition a �t� cr��e par des hommes, qu�elle n�est pas d�inspiration divine, et que d�autres hommes peuvent la r�viser en s�aidant d�une approche plus scientifique du texte r�v�l� du Saint Coran. Il n�ignore pas que les commentateurs du Livre Saint ne sont pas tous libres d�arri�re-pens�es, entre autres de la part de tous ceux qui utilisent tel ou tel de ses versets pour avancer leurs propres objectifs politiques ou autres. Il fustige ceux qui s�improvisent commentateurs du Coran, et qui refusent de faire l�effort intellectuel n�cessaire pour se lib�rer des pratiques du pass� et ne font que reproduire les m�mes approches, ce qui ne fait en rien avancer la cause de l�Islam. Il note, et cette remarque peut �tre facilement confort�e par des exemples tir�s des �crits de certains sp�cialistes autoproclam�s de la pens�e musulmanes ou de la th�ologie islamique : �L�attitude r�formiste affich�e par un nombre croissant d�apprentis imams n�a jamais d�pass� jusqu�ici des bricolages ex�g�tiques qui redonnent une certaine confiance aux croyants et croyantes entra�n�s en fait vers les usages ritualis�s et id�ologiques d�un islam de combat politique.� (id ; p.26). Lorsque l�on veut mener �uvre de revivification de l�Islam, on ne peut se contenter de r�p�ter ad aeternam et ad libitum les m�mes commentaires, les m�mes analyses qui ne font en rien avancer la cause de l�Islam, et qui donnent l�impression que le fameux missionnaire am�ricain de la premi�re moiti� du XXe si�cle, l�inspirateur et le ma�tre � penser de l�id�ologie islamophobe moderne, Samuel M. Zwemmer, (1867- 1950) (dont les adeptes se sont regroup�s dans une universit� qu�ils ont nomm�e : Universit� Internationale de Colombia) aurait vu juste en pr�disant l�effondrement de l�Islam. Ce sont des penseurs comme Mohammed Arkoun qui constituent le meilleur d�menti � tous les espoirs nourris par ceux qui font profession de s�attaquer � l�Islam que cette religion est encore vivante et qu�elle a des d�fenseurs intellectuellement capables de relever les attaques des ennemis jur�s et �destructeurs � de notre religion. Comme Arkoun l�a affirm�, il s�est donn� pour mission de �d�senclaver l�Islam, le forcer � sortir de sa cl�ture dogmatique �rig�e en citadelle de r�sistance aux d�fis de l�histoire, alors que le monde attend des r�ponses responsables � des d�fis urgents et pr�cis� (dans : Humanisme et Islam : combats et propositions, op. cit. p. 15). Un homme � l��coute du monde Arkoun ne s�est pas content� d��tre un �philosophe dans un fauteuil, alignant les mots et les id�es avec bonheur et originalit�, trop perdu dans ses r�flexions �sot�riques pour voir les drames qui se jouent autour de lui. Il n�a jamais h�sit� � avancer sa propre analyse des �v�nements contemporains qui touchent le monde musulman. Il a pos� un regard critique sur la �globalisation� qui est en train de d�shumaniser les rapports entre les peuples, en mettant l�accent sur l�enrichissement mat�riel et en r�duisant � peu de choses la spiritualit� si importante pour la paix entre les diff�rentes cultures et religions�. Il a �galement pris acte de l�importance historique de l��v�nement du 11 Septembre, dont il estime que les tenants et les aboutissants, au-del� de son aspect dramatique, sont loin d�avoir �t� totalement d�chiffr�s. Il reproche, au passage, le peu d�empressement mis par les intellectuels musulmans � tenter de voir clair dans les circonstances de cet �v�nement, comme dans ses cons�quences futures. Il affirme ainsi sa position sur cet �v�nement pr�sent� comme la fin d�une �re et le d�but d�une nouvelle �poque : �Dans la perspective historique o� je place mes enqu�tes et mes analyses, l��v�nement du 11 Septembre 2001 n�est qu�un avatar apr�s tant d�autres d�une lutte � plusieurs enjeux, � plusieurs dimensions on encore analys�s avec objectivit� par les historiens. Du c�t� musulman, les contributions � cette histoire critique et exhaustive sont rares et trop timides, tant l�id�ologie de combat a soit d�tourn� les �nergies vers des luttes politiques sans-succ�s notable, soit impos� l�autocensure aux meilleurs esprits� (op cit. p. 28). Il souligne, cependant, une sorte de r�p�tition de l�Histoire, qui a pris pour pr�texte cet �v�nement : �On est retourn� sans transition, sans souci des l�gitimit�s, juridiques et morales, � la realpolitik des puissances conqu�rantes de l�Europe coloniale des XIXe/XXe si�cles. Contre toute attente, les Etats-Unis sont revenus � la conqu�te de type colonial en la l�gitimant par les promesses d�instauration de r�gimes d�mocratiques dans la sph�re g�opolitique appel�e Grand-Moyen-Orient.� (p. 37). Arkoun et le drame du peuple palestinien Rien des �v�nements politiques actuels qui interpellent les Arabes et les musulmans n�est �tranger � Arkoun. Il n�est nullement insensible au drame du peuple palestinien qui constitue un d�menti cinglant � toutes les proclamations de progr�s de l�humanit� vers un humanisme qui reconnait � tous le droit de vivre leur vie individuelle et dans leur communaut�, selon les valeurs qui leur sont propres. Il est particuli�rement dur � l��gard des puissances occidentales qui ont contribu� au d�clenchement de ce drame et sont impuissantes, ou peu dispos�es, � y trouver une solution. Voici ce qu�il �crit � ce sujet : �J�ose � peine �voquer la trag�die isra�lo-palestinienne si lourde de sang vers� et d�injustices accumul�es depuis 1916. Ce conflit incarne � lui seul les �checs de tous les h�ritages religieux et philosophiques dont se r�clament les protagonistes du conflit et davantage les d�mocraties modernes qui, par leur gestion du probl�me juif, et des peuples arabes colonis�s ont programm� juridiquement, socialement, culturellement l�antihumanisme radical, les mythoid�ologies, les mythohistoires int�rioris�es par les m�moires collectives, les imaginaires sociaux, les c�urs individuels. � p.38. En conclusion : 1) Mohammed Arkoun est un homme de pens�e, un philosophe dont la richesse de la pens�e ne peut se contenir dans le terme �d�islamologue� qui lui a �t� coll� par tous les commentateurs ayant �crit sur lui ou l�ont jug� digne de recevoir leur hommage lors de l�annonce de son d�c�s. 2) Loin d��tre un iconoclaste ou un h�r�tique de l�Islam, Arkoun peut �tre consid�r� comme un de ses r�novateurs les plus originaux � quoiqu�il faille le reconna�tre � son approche a �t� souvent mal comprise et mal appr�ci�e par ceux sur l�esprit desquels p�se le lourd poids de la Tradition. 3) Il �tait profond�ment imbu des �uvres philosophiques de l��ge d�or de la civilisation arabomusulmane, et il en tire la substance de ses appels � casser le poids des traditions. 4) La foi musulmane de Arkoun, comme son attachement � la culture � la fois arabe et berb�re � son compagnonnage avec Mouloud Mammeri est l� pour le prouver � ne peuvent souffrir d�aucune r�serve. 5) Il �tait profond�ment attach� � l�Islam et a �uvr� pour redonner un souffle nouveau � la pens�e musulmane, tout en �tendant ses analyses au-del� de la simple revivification de la philosophie et de la th�ologie musulmanes par le retour � une m�thode de commentaire du Saint Coran, utilisant tous les atouts de la pens�e moderne. 6) Il reste conscient de la sup�riorit� de l�Islam, comme religion, bien qu�il ait �t� �lev� dans un contexte scolaire peu propice � la religion musulmane. 7) Il s�est voulu un �ducateur attentionn� et un homme de son si�cle, observateur et analyste des drames qui touchent plus sp�cifiquement les pays arabomusulmans. 8) Voici, en dernier mot, ce qu�il �crit sur l�Islam : �La civilisation de l�islam vise l��mancipation de l��me et sa lib�ration des entraves des passions et des app�tits en sorte qu�elle ait Dieu pour but, qu�elle soit emprunte d�humanit�, qu�elle travaille pour Dieu, et fasse le bien pour tout le monde.� (op. cit. p. 43). 9) Arkoun a beaucoup donn� � l�Islam et � son pays d�origine, qu�il n�a jamais reni�. Ce don pr�cieux d�id�es et d�engagement qu�il a offert par une vie consacr�e � l��tude et � la r�flexion va-t-il un jour lui �tre retourn� sur la forme d�un hommage national ? C�est l� une question pour laquelle on attend avec curiosit� et impatience la r�ponse.