Chaque année, un thème est mis à l'honneur lors de la Journée mondiale de l'hémophilie : cette année « S'adapter au changement : soutenir les soins dans un monde nouveau », a été sélectionné. C'est dans ce contexte qu'une journée d'étude et de sensibilisation, initiée par la Direction générale de la prévention et de la promotion de la santé, en collaboration avec l'Association nationale de l'hémophilie, s'est tenue jeudi à la salle des conférences du centre commercial Park-Mall de Sétif. L'objectif majeur de cette manifestation est de mieux faire connaître la maladie et les autres troubles de la coagulation du sang, mais également d'en améliorer la prise en charge. Lors de son intervention, le Dr Djamila Nadir, sous-directrice de la prévention et de la promotion de la santé au ministère, a affirmé que l'Algérie a fait d'énormes progrès en matière de prise en charge des malades atteints d'hémophilie. « Le département adopte depuis 2018 une stratégie nationale de prophylaxie chez les hémophiles ayant permis de leur assurer une éducation thérapeutique qui vise notamment à leur permettre de garantir une certaine assiduité dans le respect du traitement (sous forme d'injections) et de se prendre en charge eux-mêmes, notamment durant la pandémie de la Covid-19 pendant laquelle la majorité des patients ne se rendaient plus aux hôpitaux ». Le Dr Nadir a également indiqué que l'évolution de la prise en charge des hémophiles en Algérie, depuis 2007, démontre que le pays a consenti d'énormes efforts dans ce domaine, soutenant que le pourcentage des médicaments qui leur sont destinés représente 8 % du total des médicaments. À cet effet, le budget consacré à cette catégorie de patients durant l'année 2021 a été multiplié par 30, comparativement à l'année 2007, a-t-elle déclaré. La même responsable a souligné qu'il « existe actuellement quatre centres de référence à travers le territoire national afin de prendre en charge le suivi médical global des hémophiles. Outre le suivi médical des adultes, le ministère tend à travers ces centres à cibler les enfants dont la maladie a été diagnostiquée précocement, afin de les mettre à l'abri d'une hémorragie pouvant survenir au niveau musculaire ou articulaire, et pouvant se développer jusqu'à provoquer une paralysie définitive ». Le ministère de la Santé, explique-t-elle, s'attelle actuellement à harmoniser le travail des structures sanitaires concernant le protocole thérapeutique, la création des dossiers médicaux électroniques, la prise en charge des patients et l'inscription de tous les médecins spécialisés dans le traitement des patients atteints de cette maladie pour en assurer la formation, dira-t-elle. Pour sa part, Mme Lamhene Latifa, présidente de l'Association nationale des hémophiles algériens et membre de la Fédération mondiale des hémophiles, a affirmé que « l'association ne cesse d'œuvrer pour l'implication des parents et leur engagement à faire assurer les meilleures conditions possibles à domicile en prenant un maximum de précautions pour éviter les chutes et les accidents domestiques qui peuvent être fatal chez le jeune enfant. L'association et les professionnels de la santé doivent jouer un rôle majeur dans l'éducation thérapeutique des patients qui permettra d'améliorer la prise en charge et d'éviter des complications provoquant un handicap au fil du temps. « On doit tout faire pour ne pas marginaliser l'enfant en milieu scolaire ni dans son environnement familial pour qu'il puisse s'épanouir et vivre normalement avec sa maladie. En ce qui concerne la prophylaxie, certains patients, notamment ceux localisés dans les grandes villes, ont tous accès à la prophylaxie (enfants et adultes). Cependant, pour les malades localisés dans les wilayas dépourvues de médecins hématologues, l'accès au traitement se fait souvent à la demande dans les hôpitaux. Notre mission est donc de définir un circuit de distribution du traitement, de définir l'éducation thérapeutique et la prophylaxie avec le même protocole. L'essentiel est d'arriver à adopter un consensus national pour permettre à tous les malades d'accéder au même traitement ». En matière de statistiques, Mme Lamhene a affirmé que la forme majeure de l'hémophilie touche en Algérie près de 3 000 personnes. En prenant en compte les formes les plus sévères de la maladie de Willebrand, très proche de l'hémophilie, et les autres maladies de la coagulation du sang, on estime en Algérie à 3 600 le nombre de personnes affectées par un processus de coagulation défaillant. Pour sa part, le Pr Belkacem Bioud, médecin-chef du service pédiatrique au CHU de Sétif, a mis en avant la nécessité de « prendre en charge les malades par un staff médical pluridisciplinaire », appelant dans ce sens à soumettre les enfants présentant des ecchymoses et des douleurs articulaires (chutes ou accidents) à des analyses biologiques « simples et moins coûteuses », susceptibles de les prémunir avant d'éventuelles complications. Le professeur a également mis en garde contre « la circoncision des enfants avant l'âge de deux ans », ajoutant que dans certaines régions du pays, on assiste toujours à cette opération à la naissance du bébé ou à ses premiers mois, l'exposant à des complications pouvant entraîner son décès, s'il est atteint d'hémophilie. Pour rappel, l'hémophilie est une maladie hémorragique qui touche 1 individu sur 10 000. Elle est due au déficit ou à l'absence d'une protéine qui intervient dans la coagulation du sang : le facteur VIII ou le facteur IX. L'hémophilie A, la plus commune, se caractérise par un déficit en facteur VIII. L'hémophilie B, cinq fois plus rare, concerne le facteur IX. Le plus souvent héréditaire, l'hémophilie peut également survenir de façon isolée suite à la mutation d'un gène sans que les parents en soient atteints. On naît hémophile, on ne le devient pas. Récessive, l'hémophilie ne s'exprime pas forcément. Les femmes sont le plus souvent dites « porteuses » et ne présentent aucun symptôme. À l'inverse, les hommes ayant reçu le gène muté de leur mère vont déclarer la maladie. La mutation étant portée par le chromosome X. L'hémophilie entraîne alors un allongement du temps de coagulation du sang responsable d'hémorragies dont la gravité dépend de l'intensité du déficit en facteur VIII ou IX. C'est ainsi qu'on distingue l'hémophilie mineure, modérée ou sévère. Cette dernière forme, la plus grave, représente 50% des cas. Les hémorragies concernent le plus souvent les muscles ou les articulations des coudes, genoux ou chevilles. Des hémorragies répétées au niveau d'une même articulation peuvent être responsables d'arthrites invalidantes. Imed Sellami