Trois matches au premier tour, zéro but encaissé, la seule fois où cela était arrivé aux Anglais, ils avaient fini champions du monde, en 1966. De quoi commencer à rêver, malgré une attaque patraque et un adversaire relevé en huitièmes à Wembley ? Avant le début de la compétition, tout le monde se pâmait face à la puissance offensive des «Three Lions» anglais et ne demandait qu'à être ébloui par Harry Kane, Phil Foden, Jadon Sancho, Marcus Rashford ou Raheem Sterling... Ces espoirs semblaient d'autant plus fondés que l'Angleterre avait traversé son groupe éliminatoires en inscrivant 37 buts en huit rencontres. Mais pour le moment, seul l'ailier de Manchester City, auteur des deux buts de sa sélection dans cet Euro, a - à peu près - tenu son rang. Deux réalisations qui ont tout de même rapporté sept points à une Angleterre grâce à sa défense qui n'a pourtant jamais été son point fort. Depuis la fin des éliminatoires - il y a plus d'un an et demi déjà - Gareth Southgate a progressivement adopté une approche plus prudente dans le jeu. Lors de la dernière Ligue des nations, il avait tenté un retour à une organisation à trois centraux qui avait mené l'Angleterre en demi-finale du Mondial russe. La structure au secours des individualités Mais cela s'était soldé par un demi-échec, puisqu'ils avaient terminé 3e de leur poule derrière la Belgique et le Danemark. Il est depuis revenu à système en 4-2-3-1 ou 4-3-3 consolidé par un immuable double pivot défensif et des latéraux bridés dans leur expression offensive, surtout dès que les «Three Lions» se trouvent devant au score. Cette prudence assumée peut s'expliquer de plusieurs façons, la première étant les leçons tirées du sacre des Bleus de Didier Deschamps au Mondial russe, mais aussi d'autres équipes dans les grandes compétitions passées, où c'est souvent la meilleure défense qui l'emporte. Southgate est suffisamment lucide pour réaliser, qu'individuellement, ses défenseurs ou son gardien ne font pas partie, des tout, tout meilleurs dans leur domaine et que la structure doit apporter ce petit supplément de solidité dont les éléments pourraient manquer. Paradoxalement, la puissance offensive anglaise renforce ce sentiment - là encore un peu à l'instar de la France - qu'un but peut survenir n'importe quand, et que faire le spectacle est totalement secondaire. Contre les Croates comme contre les Tchèques, une fois le 1-0 acquis, l'Angleterre a assuré en fin de match, terminant mardi avec un milieu composé de Jordan Henderson, Kalvin Phillips et Jude Bellingham, certes capable de se projeter et de faire avancer le ballon par des passes, mais qui ne respirait clairement pas l'audace ou la créativité. «On peut faire plus» Les résultats, à défaut de la manière, sont là. L'Angleterre a réalisé sa 8e «clean sheet» (match sans encaisser de but) sur ses neuf dernières rencontres et a terminé en tête de son groupe sans jamais sembler en difficulté, même face au défi physique écossais. Mais Southgate ne peut pas être dupe de la relative faiblesse de l'adversité jusqu'ici et sait très bien que c'est une autre compétition qui commencera à partir des huitièmes, avec des adversaires d'un tout autre calibre dès le prochain match. L'arrière-garde anglaise tiendra-t-elle aussi bien le choc face à la France, une Allemagne requinquée ou un Portugal emmené par Cristiano Ronaldo, pour lequel le public anglais garde des yeux de Chimène ? «Quel que soit l'adversaire, ce sera très dur. Mais on le sait depuis le début et de mon point de vue, on va s'améliorer encore. On est déjà une équipe difficile à jouer, mais on peut faire encore plus», a promis le coach anglais. De fait, l'aventure risque fort de tourner court si l'attaque ne se réveille pas. En s'assurant l'avantage du terrain, et dans un Wembley dont la jauge passera à 40 000 spectateurs à partir de cette rencontre, au lieu de 22 500 mardi soir, l'Angleterre s'est au moins assurée le soutien du «13e homme». Et il y a fort à parier qu'il jouera en défense.