De Tunis, Mohamed Kettou Jadis, carrefour des civilisations, la Tunisie est, aujourd'hui, une terre de confluence des divers types de virus corona qui circulent à travers le monde, y compris le variant nigérian. L'annonce de l'entrée de ce variant après l'indien delta a été faite lundi dernier dans un climat d'inquiétude quant à l'expansion de l'épidémie à des taux divers dans tout le pays. De nouvelles mesures de protection de la population ont été prises au cours d'une réunion du Comité de lutte contre le coronavirus sous la présidence du chef du gouvernement. Celui-ci, lui-même en confinement, l'a dit tout haut : «La situation est très grave.» En effet, depuis plus de deux semaines, la Tunisie vit une situation «catastrophique» dans toutes les régions, en particulier Kairouan (Centre), Béja, Siliana, Jendouba ou El-Kef (Nord-Ouest). Les cas de contamination et de décès augmentent chaque jour et les structures sanitaires saturées ne répondent plus aux besoins des patients, ni en matériels ni en moyens humains. A partir d'aujourd'hui, le couvre-feu sera prolongé de deux heures, de 20h jusqu'au lendemain à 5h. Un contrôle plus strict sera effectué pour imposer le respect des mesures barrières par une population qui brille par sa désinvolture et son inconscience. C'est d'autant plus nécessaire que les hôpitaux affichent quasiment complet. D'où le recours, grâce au concours de l'armée, à l'installation d'hôpitaux de campagne dans certaines régions qui souffrent d'un déficit en équipements sanitaires. Cependant, l'idée d'un confinement général de six semaines a été longuement débattue, sans être retenue en raison de son coût économique et social. Elle a été écartée, aussi, vu son caractère inutile tant que le confinement n'est pas accompagné de l'intensification de la vaccination, indique Nissaf Ben Alaya, porte-parole du ministère de la Santé publique. Aussi, s'est-on limité à reconduire les mesures précédentes en y apportant certains correctifs, en fonction du taux de l'expansion de l'épidémie dans les régions. 5 251 nouvelles contaminations, 106 décès Dans cette ambiance morose, le chef de l'Etat Kaïs Saïed, aux pouvoirs limités, a dépêché mardi dernier un avion militaire pour transporter d'Allemagne des équipements sanitaires, oxygène en particulier, et multiplie ses contacts avec des parties étrangères en vue de permettre à la Tunisie d'acquérir, le plus tôt possible, les équipements qui l'aideraient à sortir de la situation dans laquelle elle se débat. Situation si grave que le Conseil de l'ordre des médecins de la capitale n'a pas hésité à appeler le gouvernement à décréter «l'état de catastrophe sanitaire». Au même moment, les responsables de la santé dans les régions insistent auprès du gouvernement pour qu'il réagisse rapidement, afin de multiplier le nombre des lits de réanimation qui ne dépasse guère les 259, et de fournir les quantités nécessaires en oxygène de plus en plus rare. En chiffres, rien que pour la journée du lundi, le ministère de la Santé a fait état d'un nouveau record : 5 251 nouvelles contaminations et 106 décès dans les hôpitaux publics et les cliniques privées. Ainsi, le nombre des décès atteint 14 843 depuis le début de la pandémie. Quel serait le nombre des décès dans les foyers ? Personne n'en parle. Mais, là où le bât blesse, c'est au niveau de l'absence de prise de conscience dans toutes les régions du pays. Le gouvernement a beau prendre les mesures, parfois draconiennes, mais il pèche par son incapacité à les mettre à exécution. Quand l'explosion de cette pandémie se conjugue avec une grave crise politique, économique et sociale, l'avenir ne peut être que frappé d'opacité. C'est, du moins, l'avis de nombreux hommes politiques et de bon nombre d'observateurs. Quant au peuple, il espère et attend une manne du ciel. Arrivera-t-elle ? M. K.