C'est une véritable course contre la montre qu'engagent les pouvoirs publics dans la gestion de la crise de l'oxygène médical. Face à une demande record et à des situations dramatiques, le gouvernement annonce l'importation de concentrateurs et l'acquisition d'unités de production d'oxygène. Après avoir centralisé la gestion de ce produit vital, le ministère de la Santé délègue aux walis cette prérogative. Dans ce contexte anxiogène, une aide psychologique d'« urgence » sera proposée non seulement aux malades et leurs familles mais également au personnel médical. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Ce sont des situations dramatiques qu'ont eu à vivre de nombreuses structures hospitalières en raison de la grande tension sur l'oxygène médical dans certains cas et sa rupture pure et simple dans d'autres. Depuis plusieurs jours déjà, la tension est grande au niveau de la quasi-totalité des structures de santé. Le manque d'oxygène est à l'origine de la hausse record du nombre de décès, assurent les médecins. Face à ces drames, le Premier ministre a pris la parole ce jeudi, annonçant une série de mesures urgentes. Avant lui, le ministère de la Santé annonçait la fin de la gestion centralisée de la crise engendrée par le manque d'oxygène. Ce n'est plus au niveau de la cellule initialement installée au niveau du Premier ministère que les demandes et autres doléances doivent désormais être adressées. La gestion de l'oxygène au niveau des établissements de santé est désormais du ressort des walis. Importation de concentrateurs et d'unités de production Le Premier ministre affirmait jeudi que « l'immensité du territoire national nécessite la mise en place des mécanismes permettant de répondre à tous les besoins en temps opportun », annonçant une série de mesures devant permettre d'assurer la disponibilité de l'oxygène et de répondre à la forte et « brusque » demande sur ce produit vital. Lesquelles ? Il s'agit de l'importation de 15 000 concentrateurs d'oxygène, dont 1 050 déjà réceptionnés, et 750 autres qui devaient arriver hier. Aimene Benabderrahmane a évoqué l'acquisition de 2 250 concentrateurs entre les 3 et 5 août prochain, tandis que d'autres cargaisons seront reçues par lots à compter du 10 août. L'Algérie a également passé commande pour l'acquisition de dix unités de production d'oxygène d'une capacité de 20 000 et 40 000 litres. Elles seront réparties sur les grands établissements hospitaliers. À cela s'ajoute l'importation de plus de 160 000 litres d'oxygène pour soutenir la production nationale qui oscille entre 400 000 et 420 000 litres par jour. Avant même que les pouvoirs publics n'annoncent cette série de mesures, la société civile avait lancé de très nombreuses initiatives. Des opérations ont été lancées pour importer des concentrateurs en mobilisant les Algériens établis à l'étranger. De très nombreuses associations ont ainsi répondu aux appels désespérés de personnes nécessitant de l'oxygène en urgence. S'en sortir avec « un minimum de pertes humaines » Face à la gravité de la situation, le ministre de la Santé réunissait, jeudi, une fois de plus, les directeurs de la santé. Le Pr Benbouzid, qualifiant la situation épidémiologique de « très inquiétante », les a appelés à travailler « d'arrache-pied et dans le calme » afin de sortir de cette crise avec « un minimum de pertes humaines ». Le ministre de la Santé avoue que « les efforts déployés par la cellule de coordination auprès du Premier ministère, soutenue par d'autres cellules locales », n'avaient pas encore porté tous leurs fruits promettant que « les choses vont s'améliorer lorsque les hôpitaux seront dotés d'appareils et de concentrateurs d'oxygène et s'approvisionneront indépendamment ». S'il affirme que l'Etat s'emploie à assurer la disponibilité des concentrateurs d'oxygène « dans les plus brefs délais », le ministre de la Santé reconnaît qu'une opération d'acquisition de 6 000 concentrateurs « n'est pas facile, compte tenu de la demande importante à travers le monde, notamment par les grandes puissances ». Au cours de cette même réunion, le directeur général des services sanitaires au ministère a fait le point sur le taux Le Pr Lyes Rehal a fait savoir que, actuellement, on compte 13 000 personnes hospitalisées, dont 1 446 en réanimation, reconnaissant que des citoyens peinent à trouver un lit d'hôpital dans certaines wilayas où le taux de saturation est à plus de 71%, comme c'est le cas dans 20 wilayas d'entre elles. La préoccupation majeure, a-t-il ajouté, est de doter les lits de tous les équipements nécessaires notamment les concentrateurs d'oxygène. Le nombre de lits mobilisés s'élève à 21 234 lits, pour un taux de saturation national de 50%. Le ministre de la Santé a d'ailleurs appelé les directeurs de la santé à réquisitionner des infrastructures extrahospitalières pour l'accueil des malades qui ne nécessitent pas plus de 10 litres d'oxygène. Soutien psychologique d'urgence Les drames vécus au quotidien par les familles prises de panique à l'idée de ne pas pouvoir se procurer de l'oxygène s'ajoutent à ceux qui perdent quotidiennement des proches, créant, depuis plusieurs jours, une véritable atmosphère anxiogène à laquelle plus personne ne semble pouvoir échapper. Le ministère de la Santé réagit en mettant en place un dispositif de soutien psychologique. Le ministère affirme en effet que « la situation que nous traversons a un impact psychologique sur nos concitoyens dans l'immédiat ainsi que sur le moyen et long terme », évoquant « un dispositif d'accompagnement psychologique de la population en général, des personnes atteintes de Covid-19 et de leurs familles, ainsi que des professionnels engagés dans la lutte contre la pandémie ». Un suivi rendu indispensable en raison du « développement récent et stressant de ces derniers jours » qui impose une «aide psychologique d'urgence ». Il s'agit de prendre la mesure « en prévision des conséquences à moyen et long terme sur la santé mentale de nos concitoyens, une feuille de route est tracée pour les mois et même les années à venir ». N. I.