L'oxygène est devenu un enjeu stratégique en cette vague de variant Delta du Covid-19. Cette molécule est produite par des «gaziers», des entreprises spécialisées dans la séparation des gaz de l'air. En fait, le cœur de métier de ces opérateurs sont l'azote et l'oxygène industriels, deux gaz essentiels dans plusieurs secteurs, notamment les hydrocarbures. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - La production d'oxygène médicinal nécessite un processus de purification afin qu'il réponde à des normes très strictes en matière de santé publique. L'objectif étant d'obtenir une pureté estimée à 99,5%. En Algérie, les producteurs d'oxygène médicinal sont Linde Gas qui produit quotidiennement 160 000 litres, Calgaz Algérie 130 000 litres, Sidal 20 000 litres et Aurès Gaz avec une production théorique de 20 000 litres. Mais cette production est très complexe notamment en période de grandes chaleurs et de fortes demandes. Les gaziers doivent faire en sorte de produire en quantité suffisante tout en ménageant leurs équipements. Une panne dans une unité serait catastrophique, sachant qu'une pièce de turbine nécessite au moins douze mois d'attente pour l'obtenir auprès des fournisseurs. Autre problème auquel sont confrontés certains gaziers en cette période de grandes chaleurs : les baisses de tensions électriques. Les fluctuations électriques peuvent causer l'arrêt des turbines et donc de la production. Le redémarrage des machines peut prendre jusqu'à 48 heures. Il faut donc gérer la production en prenant en compte les facteurs climatique, électrique, et même hydraulique qui sont essentiels à la fabrication de l'oxygène médicinal. Fuites et sous-dimensionnement Au final, le principe consiste à livrer les quantités produites aux structures sanitaires qui disposent d'équipements de stockage, notamment des réservoirs cryogéniques pour l'oxygène médicinal sous forme liquide. Habituellement, les Directions de la santé de wilaya (DSP) et les directions des CHU émettent des avis d'appels d'offres nationaux pour trois produits : l'oxygène liquide qui est rempli dans les cuves cryogéniques, l'oxygène gazeux contenu dans les bouteilles ou obus, et le protoxyde d'azote qui est un gaz spécial utilisé dans les blocs opératoires comme anesthésiant. Les directions sont libres de décider de la durée du contrat avec un fournisseur : une année, deux ou cinq ans. D'autres hôpitaux optent pour la formule du gré à gré. Cependant, un des principaux problèmes qui explique cette soudaine crise d'oxygène est lié aux capacités de stockage dans les structures sanitaires. En effet, il existe un sous-dimensionnement des capacités des cuves cryogéniques par rapport aux besoins réels en ces temps de crise de Covid-19. Dans les établissements de santé algériens, la gestion et le stockage de cette molécule vitale ont toujours été secondaires. À cela est venu s'ajouter le problème de fuites dans les réseaux d'oxygène, qui provoque quotidiennement des pertes importantes en molécules. La logique aurait voulu que les autorités sanitaires augmentent le nombre de réservoirs cryogéniques et réparent les réseaux au lendemain de la première vague de coronavirus, c'est-à-dire en juin 2020. Cette opération aurait dû être pilotée par le ministère de la Santé dans le cadre d'un plan puisque les réservoirs cryogéniques sont importés. L'augmentation des cas de Covid-19 depuis la mi-juillet a provoqué l'effondrement du système de gestion de l'oxygène médicinal. Les moyens logistiques des producteurs ont été impactés car ils ont dû augmenter les rotations entre les sites de production et les hôpitaux. Une situation qui a obligé le gouvernement à faire appel à deux autres opérateurs afin de renforcer la production : les sidérurgistes Tosyali (Oran) qui fournit quotidiennement 100 000 litres et AQS (Jijel) 50 000 litres par jour. La Sonatrach a également été appelée en renfort à travers sa filiale Cogiz, spécialisée en gaz industriels, qui a mis à la disposition de certains gaziers ses remorques cryogéniques. T. H.