Que des islamistes algériens, déclarés ou non, se réjouissent secrètement ou ouvertement de la victoire militaire des Talibans en Afghanistan ne devrait pas nous étonner ou nous choquer. Que les Américains ne changent rien à leur attitude vis-à-vis de ces mêmes Talibans ne doit pas paraître étrange, même après l'attentat meurtrier contre leurs soldats et des civils afghans. Même si les républicains jouent l'amnésie et ne désespèrent pas de remettre le cowboy Trump sur selle, on sait que c'est ce dernier qui a conclu le deal que Biden s'acharne à respecter. Ce qui est bien dans la tradition américaine de ne jamais revenir sur des accords engageant les intérêts supérieurs des Etats-Unis, ici la promesse des Talibans de ne pas s'attaquer à eux. C'est une donnée permanente et immuable de l'attitude des USA en matière de relations extérieures, même si l'Amérique a encore un réservoir de consciences soucieuses de morale. Ces consciences peuvent s'insurger contre le peu subtil manège que nous jouent l'Amérique et ses élus: les républicains menaçant Biden de destitution, et ce dernier rejetant la faute sur eux. Mais s'il y a bien un sujet sur lequel ils sont d'accord, c'est la nécessité urgente de préserver les intérêts américains, même si le prix à payer est trop lourd pour les autres peuples du monde. Fidèles à eux-mêmes et à leur vieille tradition, les Américains ont promis des représailles après l'attentat de Kaboul, mais si elles ont été immédiates, elles n'ont pas été à la mesure des attentes. En matière de riposte, les Américains et leurs protégés israéliens nous ont habitués à mieux, si j'ose dire, puisque leurs représailles ont toujours été disproportionnées, par rapport au mal subi. Or, s'il y a eu disproportion, cette fois-ci, elle a plutôt profité à Daesh, puisqu'un tir de drone aurait tué une «cible» importante, en l'occurrence un haut responsable des milices intégristes. Puis l'armée américaine nous apprend qu'il s'agissait non pas d'une, mais de deux «cibles» tuées lors d'une «attaque aérienne sans pilote», dans la province afghane de Nangarhar. Si on regarde une carte de l'Afghanistan, on constate que cette province frontalière de Nangarhar est située à l'est de l'Afghanistan, et donc plus proche de Peshawar, au Pakistan, que de Kaboul. Sa capitale administrative, Jalalabad, est l'avant-dernière grande ville du pays à avoir été conquise le 15 août dernier par les Talibans, qui y ont réprimé des manifestations hostiles. C'est dans cette province que les spécialistes situent en général la plus forte présence des milices de Daesh qui ne seraient pas alliés des Talibans, malgré la proximité idéologique certaine. C'est cette proximité idéologique qui a fait de l'Afghanistan des Talibans un sanctuaire de l'organisation d'Oussama Ben Laden «Al-Qaïda», et qui a justifié l'intervention américaine en 2001. Pourtant, un fait est survenu lors de la prise de Kaboul qui pose encore plus de questions: le jour même de la prise de Kaboul, les Talibans ont investi la prison et ont sorti de sa cellule l'un des chefs de Daesh, Abou Amr Al-Khorassani, pour le fusiller sans autre forme de procès. On peut se demander d'ailleurs si cette exécution sommaire d'un des chefs de l'Etat islamique (EI) en Afghanistan ne ferait pas partie du marché conclu par les Américains avec les Talibans. Ce qui serait une autre explication commode aux attentats de Kaboul, considérés aussi comme des représailles après la liquidation de l'émir Al-Khorassani dans la prison de la capitale. Seulement, avant d'entrer dans Kaboul, les nouveaux maîtres du pays avaient déjà attaqué d'autres prisons comme celles de Kandahar, de Jalalabd, ou de la base aérienne de Bagram. Des milliers de détenus ont été ainsi libérés, parmi lesquels des Talibans, mais aussi et surtout des terroristes de Daesh d'Al-Qaïda, qui pourraient bientôt opérer à partir de l'Afghanistan. C'est du moins ce qu'appréhendent les services de renseignement occidentaux qui ne croient pas du tout à un revirement brutal des Talibans en matière de soutien au terrorisme. Ces appréhensions sont corroborées par un rapport d'évaluation, cité par la presse, et qui estime à plus de 5 000 le nombre de prisonniers islamistes libérés ou évadés lors de cette guerre. Ce sont pour la plupart des cadres expérimentés en matière de terrorisme, et c'est ce qui fait craindre un retour des Talibans à leur traditionnelle politique d'aide et de soutien au terrorisme. Il suffit pour cela de voir les divers rapports publiés en 2020 sur la politique de répression des libertés, notamment celles de femmes, menées par les Talibans dans les zones sous leur contrôle. Bien sûr, de nombreux «experts» tentent de nous convaincre que les Talibans ont appris de leurs erreurs et qu'ils vont atténuer leur rigueur doctrinale pour devenir fréquentables. Que ne l'ont-ils fait lorsqu'ils en avaient l'opportunité, et dans les régions qu'ils ont conquises et où ils ont exercé un pouvoir de fer durant ces derniers mois, voire ces dernières années. Les islamistes algériens sont trop malins pour se tromper de la sorte et miser sur le mauvais cheval. Chassez le naturel ! A. H.