Un très gros procès est programmé pour ce dimanche au tribunal de Sidi-M'hamed. Pour la première fois de son histoire, l'Algérie verra comparaître un ancien garde des sceaux auquel il est reproché son immixtion dans les affaires de justice. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Tayeb Louh est sous la coupe de plusieurs chefs d'inculpation jugés graves et qui font, d'ailleurs, de son dossier l'un des plus sensibles que la justice ait eu à gérer jusque-là. Dans un communiqué publié en août 2020, la Cour suprême avait fait savoir qu'il était poursuivi à la fois pour «abus de fonction, entrave à la justice, incitation à la partialité et incitation en faux en écriture officielle». L'enquête diligentée par la justice a duré deux années pleines et elle avait été confiée à ses débuts à l'office national de répression de la corruption, un organisme chargé des affaires les plus complexes. Les investigations et les auditions menées dans les milieux proches de l'ancien ministre ont permis de recueillir des déclarations accablantes de plusieurs magistrats, pas moins de neuf personnes, qui témoigneront à charge contre le mis en cause. Sont notamment attendus les témoignages de deux magistrates qui affirment avoir été rétrogradées, mutées et privées d'une partie de leur salaire pour avoir refusé d'obtempérer aux ordres que leur dictait l'ex-ministre pour trouver des arrangements dans les dossiers de certains oligarques. Tayeb Louh se retrouvera face à des juges qui l'accusent d'avoir pesé de tout son poids pour obtenir des sentences en faveur de Ali Haddad, Mahieddine Tahkout et autres noms connus. Ces ordres, comme toutes les directives de ce genre données étaient transmis par l'ancien inspecteur général du ministère de la justice, Tayeb Hachemi, également incarcéré. C'est par les aveux de ce dernier aux enquêteurs qu'a été levé le voile sur la manière avec laquelle s'est déroulée l'annulation du mandat d'arrêt international lancé à l'encontre de Chakib Khelil, de son épouse et de ses deux fils. L'enquête est également remontée jusqu'aux événements qui ont conduit au limogeage du plus haut magistrat de Ghardaïa, durant les élections législatives de 2017. Les preuves retenues à l'encontre de Tayeb Louh ne se limitent, cependant pas, seulement aux témoignages de magistrats. Elles sont aussi basées sur une série de SMS reçus ou transmis. C'est cette affaire de SMS qui a également valu l'inculpation de Saïd Bouteflika qui comparaîtra lui aussi dans ce même procès. Des messages téléphoniques ont été échangés par l'ancien conseiller de Abdelaziz Bouteflika et Tayeb Louh au sujet de certains dossiers de justice. Dans ses réponses aux enquêteurs, Saïd Bouteflika a déclaré qu'il ignorait tout de ces affaires et que son rôle se limitait à rendre service aux personnes qui le sollicitaient. Il a également révélé qu'il était totalement étranger au dossier Chakib Khelil, car c'est l'ancien chef d'Etat qui suivait personnellement cette affaire. Tout ceci fait que le procès de Tayeb Louh promet d'être riche en révélations et détails sur bien des événements qui se sont déroulés au cours de ces dernières années. Il sera, cependant, très probablement reporté, annoncent plusieurs sources, qui évoquent l'état d'esprit de Saïd Bouteflika après le décès de son frère. A. C.