Vives tensions entre Alger et Paris. La présidence de la République a annoncé, hier, le rappel de l'ambassadeur d'Algérie à Paris pour consultations, une mesure intervenue trois jours seulement après la convocation du représentant de l'Etat français en Algérie. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Mercredi dernier, le gouvernement algérien avait tenu, comme on le sait, à protester officiellement contre la décision de réduire drastiquement l'octroi de visas à l'Algérie (une mesure qui touche également le Maroc et la Tunisie). Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement français, avait tenu le même jour des propos peu diplomatiques, évoquant des menaces proférées à l'égard des dirigeants de ces pays, accusés de ne pas vouloir rapatrier des immigrés en situation irrégulière. Selon le journal Le Monde, Emmanuel Macron est revenu sur le sujet un jour plus tard. Ce journal rapporte des propos incendiaires tenus à l'égard des dirigeants algériens. Il s'agit de déclarations faites dans le cadre d'une longue discussion qui s'est déroulée au cours d'une rencontre sur des questions de mémoire qui s'est tenue à l'Elysée, en présence d'un groupe de jeunes algéro-français. Le journal Le Monde, l'un des médias à avoir été autorisé à être présent ce jour-là, rapporte dans les détails les déclarations de Macron. Abordant la décision de réduire drastiquement l'octroi de visas à l'Algérie, au Maroc et à la Tunisie, ce dernier a tenu à signifier que cette mesure concerne principalement les dirigeants. « Il n'y aura pas d'impact sur les étudiants et le monde économique, on va plutôt ennuyer les personnes qui sont dans le milieu dirigeant qui avaient l'habitude de demander des visas facilement. Un moyen de pression pour dire à ces dirigeants que si vous ne coopérez pas pour éloigner des gens qui sont en situation irrégulière, on ne va pas vous faciliter la vie .» Ces propos semblent bizarrement davantage s'adresser à l'Algérie puisqu'il n'évoque à aucun moment le Maroc ni la Tunisie, alors qu'il enchaîne des déclarations tout aussi incendiaires envers Alger qui détient une « histoire officielle totalement réécrite, qui ne s'appuie pas sur des vérités mais sur une haine de la France. La nation algérienne post-62 s'est inscrite sur une rente mémorielle qui dit que tout le problème, c'est la France ». Il ajoute : « La construction de l'Algérie est un phénomène à regarder. Est-ce qu'il y avait une Nation algérienne avant la colonisation française ? Il y avait de précédentes colonisations, moi je suis fasciné de voir la capacité qu'a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie et la domination qu'elle a exercée, expliquer que nous sommes les seuls colonisateurs, c'est génial et les Algériens y croient .» Des mots très durs s'ensuivent : « Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs, mais du système politico-militaire qui s'est construit sur cette rente mémorielle. On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak l'a fragilisé. J'ai un bon dialogue avec le Président Tebboune, mais je vois qu'il est pris dans un système qui est très dur .» Plusieurs questions se posent dès lors, et il s'agit en premier lieu de s'interroger sur ce changement de ton radical adopté par Macron. D'un ton mesuré, très diplomatique lorsqu'il s'agissait de questions sensibles et même conciliant parfois à l'heure de s'exprimer sur des événements algéro-algériens, il est passé à ce qui s'apparente à une véritable déclaration de guerre que ses prédécesseurs n'ont jamais osée, au plus fort des tensions entre les deux pays. Cette déclaration s'apparente aussi clairement à une menace qui exprime en gros l'intention de faire perdurer cette situation dans le cas où les dirigeants n'acceptent pas de récupérer les personnes en situation irrégulière se trouvant sur le sol français. Les vives critiques de Macron peuvent-elles cependant être mises uniquement sur le compte d'une guerre autour de l'immigration ? Le fait aurait peut-être pu être valable sans ces déclarations faites face à de jeunes binationaux à l'Elysée. Son attitude reste grave, même si sa démarche s'inscrit dans un plan de précampagne électorale et s'adresse aux milieux de droite et d'extrême droite, qui menacent sérieusement sa reconduction à la tête de l'Etat. La première réaction d'Alger ne s'est pas fait attendre. Des développements sont attendus. La publication ultérieure d'un communiqué officiel a été annoncée hier par les services de la présidence de la République. A. C.