En recevant, jeudi dernier, des descendants d'acteurs de la guerre de libération nationale, de tous les bords, le président français, faisant une opération de Com pour sa campagne électorale, est allé très loin dans ses propos. Emmanuel Macron qui entendait échanger «librement» sur la mémoire partagée entre la France et l'Algérie avec des jeunes triés sur le volet, voulant s'inscrire dans le débat actuel en France, s'est laissé emporter -volontairement- par un nationalisme exaspéré. À 6 mois de la présidentielle française, le langage adopté par le «président-candidat» annonce le retour du vieux cliché usité dans les anciennes campagnes électorales françaises portant sur la guerre d'indépendance de l'Algérie, l'immigration et le terrorisme. Cheval de bataille de Zemmour et Le Pen, ces thèmes vendeurs viennent d'être adoptés par Macron qui semble vouloir à tout prix remporter les enchères. Sinon, comment expliquer sa dure déclaration vis- à-vis de la classe dirigeante en Algérie qu'il accuse de vivre de la «rente mémorielle»? «Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs, mais du système politicomilitaire qui s'est construit sur cette rente mémorielle», a répondu Macron à une jeune Algérienne qui assurait au président français que la jeunesse en Algérie n'avait pas de «haine» envers la France. Cela rappelle les déclarations de Bernard Kouchner qui avait affirmé que les relations algéro-françaises ne pourront être normales tant que la génération de l'indépendance sera encore au pouvoir en Algérie, mais en beaucoup plus graves. Macron va même dire, en revenant sur sa décision de durcir drastiquement l'octroi de visas «il n'y aura pas d'impact sur ce qu'on évoque. On va s'attacher à ce que les étudiants et le monde économique puissent le garder. On va plutôt ennuyer les gens qui sont dans le milieu dirigeant, qui avaient l'habitude de demander des visas facilement». Il s'agit là de propos jamais entendus à ce niveau de responsabilité. Obnubilé par l'élection d'avril, Macron ne semble pas mesurer la gravité de ses déclarations. Les yeux bandés, il tentera de mettre de l'eau dans son vin en affirmant avoir «un bon dialogue avec le président Tebboune», mais enivré, vraisemblablement par les idées de Zemmour, il a raté son coup puisqu'il rajoutera juste après «mais je vois qu'il (le président Tebboune, ndlr) est pris dans un système qui est très dur». Un système «fatigué» et «fragilisé» par le Hirak, dira Macron dont le message latent est clair. Pas besoin de le décoder. Le président français semble dire qu'il n'a rien contre le peuple pris en otage, mais tout contre le système. Il essaye ainsi de porter l'habit du hirakiste algérien pour gagner la sympathie de la diaspora, convaincu de son adhésion totale au mouvement de protestation. Un bon paquet de voix qui lui permettront de garder son costume présidentiel pour les 5 prochaines années. Macron qui travaille sur sa réélection en chevauchant sur la vague de l'extrême droite, s'est attaqué aussi à l'Histoire de l'Algérie soutenant que l'«histoire officielle totalement réécrite ne s'appuie pas sur des vérités, mais sur un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France». Il dira que «la nation algérienne post1962 s'est construite sur une rente mémorielle», assurant qu'à l'origine de la «désinformation» et de la «propagande», il y a les Turcs qui «réécrivent complètement l'histoire». Il va même jusqu'à mettre en doute l'existence d'une nation Algérie en disant que «la construction de l'Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Estce qu'il y avait une nation algérienne avant la colonisation française? Ça, c'est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu'a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie et la domination qu'elle a exercée. Et d'expliquer qu'on est les seuls colonisateurs, c'est génial. Les Algériens y croient». En voulant tirer le tapis sous les pieds de ses concurrents de l'extrême droite, Macron ne se gêne pas pour brouter dans leurs prés. Il a commencé par rendre hommage aux harkis avant d'annoncer, sans préalables, la réduction de l'octroi des visas et a fini par une déclaration qui vaut un casus belli. Si on rappelle que la colonisation française était pour Macron «un crime contre l'Humanité» en 2017, on voit bien que l'homme a tourné casaque. Souffre-t-il de la maladie d'Alzheimer? Ses électeurs peuvent-ils le croire, aujourd'hui qu'il se dédit? Un président qui se veut crédible peut-il changer de cap? On ne gagne pas une élection en cachant la vérité à son peuple et Macron tente d'effacer d'un revers de la main les 132 ans de crimes, enfumades et massacres commis par la France coloniale. Il s'autorise même de se poser des questions, toute honte bue, sur l'existence de la Nation algérienne pour justifier l'amnésie mémorielle de la France officielle. Il s'agit là d'une digression impardonnable qui n'a jamais été commise par aucun président français. Mais on voit bien que le président français rêve de voir l'insoumise Algérie s'aligner sur l'Occident. Pure illusion de Macron que de pouvoir installer à la tête du pays, un régime de Béni oui-oui ou est-il juste nostalgique de l'époque de Jacques Foccart, le gaulliste historique, homme de l'ombre qui a oeuvré à pérenniser la présence de la France en Afrique, par tous les moyens dont disposent ceux qui ne s'embarrassent pas de légalité! La surprenante sortie de route du président de «La République en marche» qui avait multiplié les gestes en faveur d'un apaisement sur la question mémorielle, confirme que ce denier ne vient pas seulement de trébucher mais que son aveuglement l'a complètement égaré.