C'est dimanche qu'a pris fin la mission du FMI en Algérie, entrant dans le cadre des consultations au titre de l'article IV de l'institution. Une mission intervenant dans une conjoncture très fertile sur le plan économique, aussi bien à l'échelle domestique qu'internationale, au regard notamment de tout ce qu'a induit la pandémie de Covid-19 comme effets. Geneviève Verdier, cheffe de mission déléguée pour les consultations auprès de l'Algérie, conformément à l'article IV des statuts du Fonds monétaire international (FMI), était hier en conférence de presse pour rendre compte du contenu de ses entrevues avec le chef du gouvernement, de quelques-uns des membres de son équipe et du gouverneur de la Banque d'Algérie. Des observations et des points abordés lors de son séjour algérois qui ont permis à la cheffe de division du département Moyen-Orient-Afrique du Nord et Asie centrale du FMI de s'étaler sur la situation économique que traverse le pays notamment depuis qu'a surgi la pandémie, entraînant une contraction du PIB de 4,9% en 2020. Une conjoncture qui, en sus des mesures sanitaires mises en œuvre pour freiner la pandémie, a vu les autorités du pays prendre un vaste train de décisions visant à atténuer l'impact de la crise sur l'économie, a confié la chargée de mission du FMI. Mesures notamment d'ordre fiscal, des augmentations des dépenses de santé, des allocations de chômage, des transferts en faveur de ménages à faible revenu, des réductions du taux directeur de la Banque centrale et du ratio des réserves obligatoires, ainsi que l'assouplissement des règles prudentielles applicables aux banques, a relevé l'envoyée du FMI. «Des mesures qui ont permis de protéger l'économie, mais la pandémie a permis de mettre encore en évidence les facteurs de vulnérabilité de l'économie algérienne.» En raison de déséquilibres macroéconomiques de longue date, les autorités du pays disposent d'une marge de manœuvre considérablement réduite, selon l'évaluation de Mme Verdier qui estime que la politique budgétaire expansionniste menée depuis plusieurs années a contribué à porter les déficits extérieurs courants à des «niveaux élevés malgré une politique de compression des importations» et à entraîner de vastes besoins de financement qui ont été dans une large mesure satisfaits à travers la Banque d'Algérie. Les déficits extérieurs et budgétaires se sont creusés en 2020 alors que les réserves de change sont à «un niveau adéquat», passant de 62,8 milliards de dollars en 2019 à 48,2 milliards de dollars à la fin de 2020, note la déléguée du FMI qui a relevé «une reprise graduelle en cours avec un PIB qui devrait dépasser les 3% cette année grâce à la remontée des prix et de la production des hydrocarbures, alors que l'inflation s'est accélérée pour atteindre 4,1% en moyenne annuelle en juin 2021 sous l'effet d'une augmentation des cours internationaux des produits alimentaires et d'un épisode de sécheresse en Algérie». Une reprise en cours, mais la croissance devrait s'essouffler à moyen terme, prédit la spécialiste du FMI, en raison de l'érosion probable de la capacité de production des hydrocarbures due à la baisse des investissements décidée en 2020 et des politiques limitant l'accès au crédit pour le secteur privé. «Malgré le rebond et l'amélioration du solde extérieur en 2021, il est urgent de rétablir une stabilité macroéconomique», conseille Geneviève Verdier qui a fait part de l'avis de l'équipe l'ayant accompagnée dans sa mission, avis selon lequel «la persistance de déficits budgétaires élevés à moyen terme engendrerait des besoins de financement sans précédent, épuiserait les réserves de change et présenterait des risques d'inflation, la stabilité financière et le bilan de la Banque centrale». Globalement, de l'avis du FMI, la capacité des banques à prêter au reste de l'économie pourrait être fortement entravée, ce qui induirait des conséquences négatives pour la croissance. Dès lors, la mission du FMI recommande «un ensemble complet et cohérent de politiques monétaire et budgétaire et de taux de change afin de réduire les vulnérabilités de l'Algérie». En effet, recommande-t-elle, un ajustement budgétaire général qui donne en même temps la priorité aux mesures de protection des plus vulnérables devrait être mené en 2022 et devrait s'échelonner sur plusieurs années pour maintenir la viabilité de la dette. «Cet ajustement devrait être étayé par des politiques visant à améliorer le recouvrement des recettes, à réduire les dépenses et à accroître leur efficacité», prodigue la cheffe de mission du FMI avant de conseiller que soit interdit le financement monétaire (la planche à billets) afin d'endiguer l'augmentation de l'inflation et l'épuisement rapide des réserves de change tout en diversifiant les ressources de financement budgétaire y compris en recourant à l'emprunt extérieur, explique-t-elle. «Une plus grande flexibilité du taux de change contribuera à renforcer la résilience face aux chocs externes et resserrement de la politique monétaire permettra d'endiguer les pressions inflationnistes», a ajouté la cheffe de mission du FMI qui a conclu ses recommandations par l'exigence de mettre en œuvre des réformes fondamentales visant à renforcer la transparence et la gouvernance des institutions juridiques budgétaires et monétaires, entre autres menus conseils. Azedine Maktour