D'intéressantes nouveautés chez les éditions Média-Plus de Constantine : Assia Djebar, le manuscrit inachevé de Mireille Calle-Gruber et Anaïs Frantz, ainsi que Ici on noya les Algériens de Fabrice Riceputi, précédé de Une passion décoloniale par Edwy Plenel (préface de Gilles Manceron). Le livre Assia Djebar, le manuscrit inachevé apporte un éclairage nouveau sur l'écriture d'Assia Djebar, écrivaine majeure de la littérature francophone, élue à l'Académie française en 2005, en publiant un texte inédit, manuscrit inachevé qui devait s'intituler Les Larmes d'Augustin et constituer un «quatuor algérien» avec les trois romans : L'Amour, la fantasia (1985), Ombre sultane (1987) et Vaste est la prison (1995). Au centre du volume, le tapuscrit des trois premiers chapitres du roman, qui ne s'appellera jamais Les Larmes d'Augustin. L'inachèvement de ce texte, écrit et projeté pendant vingt ans, reste un mystère. Aussi pour ses initiateurs, publier un tel document, c'est instituer le manuscrit en archive, afin d'en assurer la transmission et l'héritage. Pour ses initiateurs, toujours, «faire lire un manuscrit inachevé, c'est aussi s'obliger à en respecter l'inachèvement, c'est-à-dire l'accompagner d'une réflexion critique méthodologique. Par quoi il devient objet de recherche». Depuis sa rencontre avec Assia Djebar, en 1987, Mireille Calle-Gruber a accompagné l'œuvre de l'écrivaine algérienne par la publication d'études et de colloques, mais aussi d'inédits d'Assia Djebar et d'entretiens avec elle. Elle a prononcé la Laudatio d'Assia Djebar lors de la remise du doctorat honoris causa de l'université d'Osnabrück (Allemagne) à l'écrivaine. Assia Djebar, de son côté, projetait de tourner un film sur le roman de Mireille Calle-Gruber : Tombeau d'Akhénaton. Anaïs Frantz est docteure en littérature et civilisation françaises. Sa thèse de doctorat a paru aux éditions Honoré Champion sous le titre Le Complexe d'Eve : la pudeur et la littérature. Lectures de Violette Leduc et Marguerite Duras en 2013. Elle enseigne dans les Universités américaines de Paris et travaille au sein du groupe «Violette Leduc» de l'Item (équipe «Autobiographie et Correspondances») sur les manuscrits de Violette Leduc. Elle a également publié plusieurs ouvrages avec Mireille Calle-Gruber dont Politique et Poétique du genre dans les migrations. Femmes entre les deux rives de la Méditerranée (Presses de Tanger, 2011). Le titre complet du livre de Fabrice Riceputi et d'Edwy Plenel est Ici on noya les Algériens. La bataille de Jean-Luc Einaudi pour la reconnaissance du massacre policier et raciste du 17 Octobre 1961. «Sous le pont Saint-Michel coule le sang : chaque fois que je franchis la Seine à cet endroit de Paris, que dominent la préfecture de police et le vieux Palais de justice, j'improvise cette rengaine, dérivée du vers qui ouvre Le pont Mirabeau, le célèbre poème de Guillaume Apollinaire. Apposée sur l'un des parapets, une plaque discrète témoigne désormais de cette tragédie, moins visible que les grandes lettres noires peintes à l'époque par des militants solidaires de la cause anticolonialiste algérienne, dont une photographie anonyme garde le souvenir : ''Ici on noie les Algériens''», écrit Edwy Plenel. Il rappelle également le poème de Kateb Yacine au lendemain du massacre du 17 Octobre 1961 : «Peuple français, tu as tout vu Oui, tout vu de tes propres yeux. Tu as vu notre sang couler Tu as vu la police Assommer les manifestants Et les jeter dans la Seine. La Seine rougissante N'a pas cessé les jours suivants De vomir à la face Du peuple de la Commune Ces corps martyrisés Qui rappelaient aux Parisiens Leurs propres révolutions Leur propre résistance. Peuple français, tu as tout vu, Oui, tout vu de tes propres yeux, Et maintenant vas-tu parler ? Et maintenant vas-tu te taire ?». «À travers la figure exemplaire de Jean-Luc Einaudi, ce livre de Fabrice Riceputi rend hommage à celles et ceux, historiens et militants, militants devenus historiens, qui ne se sont pas tus et qui ont choisi de parler. Et de parler clair et franc. Car, dans cette longue bataille mémorielle qui se poursuit encore, il ne s'agit pas seulement d'entendre l'appel à la vérité de l'Histoire, mais d'être au rendez-vous, aujourd'hui même, d'un passé plein d'à-présent. Le 17 Octobre 1961 est une date française aussi bien qu'algérienne», explique encore Edwy Plenel. Pour Gilles Manceron (dans la préface), «ce livre rend justice à un auteur qui ne revendiquait pas le titre d'historien, mais dont la contribution a pourtant été essentielle à la connaissance d'un épisode important de notre histoire contemporaine. En effet, c'est grâce à l'enquête solitaire et assidue conduite par cet éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse qu'a pu être connu ce crime d'Etat longtemps occulté que fut la répression massive perpétrée par la police à l'automne 1961 contre les travailleurs algériens de la région parisienne (...) Un événement qui, comme l'ont écrit les deux historiens britanniques Jim House et Neil MacMaster, a été la répression la plus meurtrière d'une manifestation pacifique de toute l'histoire contemporaine de l'Europe occidentale». Assia Djebar, le manuscrit inachevé de Mireille Calle-Gruber et Anaïs Frantz (Presses Sorbonne Nouvelle, Paris, 2021) sera disponible dans les librairies en Algérie en novembre 2021. Ici on noya les Algériens de Fabrice Riceputi, précédé de Une passion décoloniale par Edwy Plenel, a été publié en France par Le Passager Clandestin en septembre 2021. Sa sortie en Algérie aux éditions Média-Plus est prévue dans quelques jours et coïncidera avec la date commémorative du 17 Octobre. Kader B.