« Gazon maudit », titrait l'auteur du « Billet (pas) doux » dans le journal fétiche du chroniqueur ! Le titre ne fait évidemment pas référence à la fameuse comédie dramatique de Josiane Balasko (1994), mais aux terrains de la honte absolue, c'est-à-dire les pelouses de l'incompétence crasse du football algérien. Et il s'agit en l'occurrence du gazon du stade Tchaker de Blida, seule enceinte homologuée pour accueillir les matchs internationaux de l'équipe nationale. Son aire de jeu, semblable à une peau léprosée, est désormais tristement connue à travers le monde entier, et est devenue le symbole vert de la médiocrité managériale dans le foot national ! Cette pelouse nécrosée est une des métastases du cancer qui ronge le ballon rond en Algérie. Il a fallu, pour découvrir la profondeur du mal, que le sélectionneur national Djamel Belmadi s'en indigne en public et que deux joueurs-clés de la sélection s'en offusquent à sa suite, pour que les pouvoirs publics réagissent. Non pas pour trouver une solution définitive au problème, mais juste pour limoger, en deux temps, des responsables concernés. Mais le problème demeure entier car aucun stade du pays, pas même le nouveau stade olympique d'Oran, ne possède des pelouses acceptables. Pire, le pays ne dispose pas encore de stades modernes, les chantiers d'édification d'enceintes aux normes internationales accusent des retards inouïs en termes de délais de réalisation. Ces chantiers ont été lancés il y a au moins quinze ans et on ne sait même pas à quelle échéance ils seraient opérationnels ! C'est le cas des stades de Douéra et de Baraki dans l'Algérois et de celui de Tizi Ouzou dont l'achèvement est remis aux calendes grecques... algériennes ! Ailleurs, les délais de réalisation de stades autrement plus grands et plus complexes varient entre trois et sept ans. C'est le cas du Stade de France, de l'Allianz Arena de Munich, du Stade de Marrakech où l'EN de Belmadi a affronté récemment le Burkina Faso, du Complexe olympique de Radès à Tunis ou encore du stade Borg-el-Arab à Alexandrie, pour ne citer que ces exemples. Chez nous, on lance les chantiers à un rythme de tortue, et on les finit au rythme d'une limace ou d'un singe paresseux ! Avec les extraordinaires surcoûts que cela occasionne. Le problème des stades et de leur « gazon maudit » pose désormais, avec une grande acuité, la question de la cruciale modernisation du foot algérien qui doit chausser les crampons de la modernité managériale et revêtir le maillot étoilé de la performance. Réformes et modernisation d'autant plus capitales que le foot-DZ est structurellement archaïque en dépit des Fennecs de Djamel Belmadi, le palmier-dattier opulent qui cache le désert. Une élite nationale dont les prouesses sportives reposent sur les qualités managériales d'un entraîneur algérien d'exception, un patriote et un guerrier aguerri à l'étranger. Résultats éclatants fondés également sur des joueurs de grand talent, à tous les compartiments de jeu, dont beaucoup d'entre eux ont été formés en Europe et y jouent régulièrement dans ses championnats majeurs, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne et en France, entre autres. La profonde réforme du football ne doit plus souffrir le moindre retard. D'autant plus que ses problèmes structurels, l'inexistence de modèle économique rationnel, son organisation obsolète, son absence de système de formation, son arbitrage de faible niveau général, ses stades antédiluviens, son management anachronique et ses circuits de financement le plus souvent opaques sont archi connus ! C'est défoncer une porte ouverte que de rappeler donc que notre foot est indigent, à tous les points de vue, derrière la richesse, dans tous les sens du terme, de l'EN de Belmadi. Son modèle économique, en fait le non-modèle économique, est dérégulé, engagé dans une dangereuse spirale spéculative et gabégique, accentuée par de l'argent rarement traçable, surtout celui du privé. Il faudrait donc, et ce n'est pas la moindre des missions, encourager résolument le développement économique des clubs et construire des stades aux normes internationales. Créer de l'animation économique et culturelle autour de ses structures qui doivent être conçues comme des espaces de convivialité, des aires culturelles et de socialisation et des outils économiques générateurs de revenus. Par-dessus tout, la popularité du foot doit être placée au centre des préoccupations générales de cohésion sociale. Le foot est une pratique de masse et un spectacle de masse, rappel évident mais nécessaire. C'est un investissement hautement symbolique et éminemment politique. Plus que jamais, il doit affirmer son rôle social et citoyen. La puissance publique doit elle-même mettre en œuvre les valeurs universelles du football en pacifiant notamment les stades et en responsabilisant l'ensemble de la chaîne d'acteurs. Bref, mener une réforme progressiste et progressive de la gouvernance du foot. Sur la base d'un processus ordonné, apaisé, consensuel. En somme, mobiliser toutes les énergies et favoriser les synergies entre foot professionnel et foot amateur, en faveur d'une révolution professionnelle et démocratique sereine. Pour que le ballon algérien tourne vraiment rond ! N. K.