C'est verser dans le truisme que de dire que la FAF, la sensible et stratégique Fédération algérienne de football, aura, jeudi soir, entre ftour et shor de Ramadhan, un nouveau patron. Un profil inédit à sa tête ; bref, un nouveau visage, une tête de top-manager, venu du monde de l'entreprise publique où il a su gérer et fructifier l'argent du contribuable. On connaît les conditions dans lesquelles est survenue sa candidature finalement unique. Pas faute de candidatures rivales ou d'ambitions fortes en face, mais en raison de l'adhésion finale de la concurrence potentielle à une personnalité à bien des égards consensuelle. En fait, un assentiment, une affiliation, une adhésion (aux idées) et une association finale à un fou du ballon qui tourne rond sur les pelouses vertes. Un passionné de football devenu sur le tard premier dirigeant d'un club historique auquel il a pu éviter, en trois coups de cuillère à pot, le purgatoire domestique. Et, en presque le temps d'un match avec prolongations, qui a su donner de nouvelles couleurs à son rouge-et-blanc, en le mettant vite sur le chemin du succès sportif national, et déjà placé à mi-chemin de la gloire africaine que le club algérois de son cœur n'a jamais arpenté par le passé. Mais en vérité, là n'est vraiment pas la vraie question. Elle ne réside pas tant dans le choix du timonier, dont l'apport est certes important, mais plutôt dans les nouveaux enjeux vitaux d'une profonde réforme du vaisseau FAF. Et ceux, bien sûr, d'une cruciale modernisation du foot algérien qui doit, plus que par le passé, chausser les crampons de la modernité managériale, et se vêtir du maillot étoilé de la performance sportive régulière. Réformes et modernisation d'autant plus capitales que le foot-DZ est structurellement archaïque en dépit des Fennecs de Djamel Belmadi, sa vitrine rutilante. Une élite nationale dont les prouesses sportives récentes reposent davantage sur les qualités managériales d'un entraîneur algérien exceptionnel, un guerrier aguerri à l'étranger. Et, naturellement, fondées sur des joueurs de grand talent, à tous les compartiments de jeu, dont beaucoup d'entre eux ont été formés en Europe et y jouent dans ses championnats majeurs. Une restructuration et une rénovation dictées aussi par la crise protéiforme consécutive à l'avènement planétaire du péril Covid-19. D'où le branle-bas de combat à travers le monde. Malgré l'absence de compétitions officielles et une activité foot réduite à presque néant depuis le début du confinement dans la plupart des pays du monde, les crânes d'œuf de la Fifa ne chôment pas. Ils sont en réflexion soutenue pour mettre en place différentes réformes devant répondre à la crise financière qui impacte fortement les clubs, sans exception, et affecte profondément toutes les économies. Plusieurs axes d'étude, dont l'auguste New-York Times se fait lui-même écho, font débat à l'échelle du monde. Avec un dénominateur commun : lancer un plan de sauvegarde du football pour éviter les faillites en cascade ! Que faire ? Peu de dirigeants du football mondial ont pour écrivain de prédilection le fameux V.I.O.L., alias Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, l'auteur en 1901 de l'ouvrage au même titre interrogatif. Et pourtant, le ballon rond est à l'arrêt même s'il continue de tourner devant des gradins vides et d'un froid glacial. La sphère de cuir tourne en rond et les caisses se vident. Et voilà les premiers dirigeants de l'ONU du football tourmentés eux aussi par des questions brûlantes. Mais à Zurich, où Lénine résida, la Fifa est dans le doute. Elle n'est même plus sûre de quoi que ce soit ! « Notre monde comme notre sport seront différents après le retour à la normale », dit Gianni Infantino, son président, dans un surprenant oxymoron. Prière, lançait-il encore, de « contribuer de manière positive et mettre l'intérêt global au-dessus des intérêts individuels ». Paradoxalement, jusqu'à la crise universelle, le chauve italo-suisse voulait imposer coûte que coûte un projet de championnat du monde des clubs qui aurait surchargé davantage le calendrier et menacé grandement un équilibre des pouvoirs déjà fragile entre les continents. Partout, et notamment en France où le débat est le plus intense, on souligne notamment que le modèle économique et, par conséquent, son organisation, doivent changer. Ici ou là, on appelle à une action volontariste visant à construire un football plus fort, économiquement plus sain et moins dépendant des droits TV. Autrement dit, appliquer la « stratégie du choc » développée par l'essayiste américaine Naomi Klein. Selon elle, lorsqu'une crise exogène intervient, comme c'est le cas du coronavirus et de ses variants, il faudrait alors en profiter pour modifier l'intérieur même des structures, dans le cas présent, celles du football censées être peu touchées par les phénomènes extérieurs, et donc fonctionner en autarcie. Quid alors du football algérien et, au sommet de sa pyramide, la FAF ? On connaît ses problèmes structurels, l'inexistence de modèle économique digne de ce nom, son organisation obsolète, son absence de système de formation, son arbitrage de faible niveau général, ses stades antédiluviens, son management anachronique et ses circuits de financement le plus souvent opaques. Sans compter, derrière, un système de communication embryonnaire, superficiel et parcellaire. Surtout incongru à l'ère du numérique, alors que les TIC ont favorisé la propagation du concept de disruption au-delà même de la sphère économique. C'est défoncer une porte ouverte que de rappeler alors que le foot algérien est pauvre, à tous les points de vue, derrière la richesse, dans tous les sens du terme, de l'EN de Belmadi. Son modèle économique, en fait le non-modèle économique, est, hors implication du secteur public économique dans le foot de l'élite, dérégulé, engagé dans une dangereuse spirale spéculative, accentuée par de l'argent rarement traçable. Il faudrait donc, et ce n'est pas la moindre des missions, encourager résolument le développement économique des clubs et édifier des stades aux normes internationales. Créer de l'animation économique et culturelle autour de ses structures qui doivent être conçues comme des espaces de convivialité, des aires culturelles et de socialisation et des outils économiques générateurs de revenus. Par-dessus tout, la popularité du foot doit être placée au centre des préoccupations générales de cohésion sociale. Le foot est une pratique de masse et un spectacle de masse, rappel évident. Un investissement hautement symbolique et éminemment politique. Plus que jamais, il doit affirmer son rôle social et citoyen. La puissance publique doit elle-même mettre en œuvre les valeurs universelles du football, en aidant la FAF, entre autres actions civiques, à pacifier les stades et à responsabiliser l'ensemble de la chaîne d'acteurs. Bref, renforcer puissamment la légitimité de l'instance fédérale désormais amenée à conduire une réforme progressiste et progressive de la gouvernance du foot. Sur la base d'un processus ordonné, apaisé, consensuel. En somme, mobiliser toutes les énergies et favoriser les synergies entre foot professionnel et foot amateur, en faveur d'une révolution professionnelle et démocratique sereine. N. K.