Alger mène l'une des batailles les plus rudes, les plus cruciales aussi sans doute, au sein de l'Union africaine pour fermer la porte de l'organisation à Israël. Partagée, l'UA bouillonne, les armes s'affûtent déjà en vue du prochain sommet durant lequel la question de la présence de Tel-Aviv sera définitivement tranchée. «Il faut donc espérer que le Sommet marquera un sursaut salutaire d'une Afrique digne de son Histoire et ne cautionnera pas une cassure irrattrapable», annonçait, hier, le ministère algérien des Affaires étrangères en conclusion à un long communiqué qui en dit long sur les enjeux en cours au sein de l'organisation africaine. L'Algérie parle aujourd'hui de «cassure» et pointe un doigt accusateur à l'encontre de Moussa Faki, président de la commission de l'Union africaine qui admettait, le 22 juillet dernier, la qualité de membre observateur à Israël. Une première au sein de cette organisation jusque-là fermée aux jeux troubles du Maroc, ce pays représentant en réalité le pont que Tel-Aviv a franchi pour faire son entrée à l'UA. Avec d'autres pays hostiles à cette intrusion, l'Algérie dénonce le fait accompli, la décision unilatérale de Moussa Faki, et adresse une motion de protestation dans l'attente d'une discussion plus générale et plus officielle aussi à Addis-Abeba. La 39e session du Conseil exécutif de l'Union africaine (UA) s'est achevée il y a moins d'une semaine, le MAE a publié hier un communiqué dans lequel il décrit la situation actuelle de l'UA autour de cette question. «Le débat de plusieurs heures que les ministres africains des Affaires étrangères viennent d'avoir sur la question controversée du statut d'observateur accordé à Israël par Moussa Faki a mis en évidence une profonde division des Etats membres de l'Union africaine.» Le chef de la diplomatie algérienne fait aussi savoir qu'à l'instar de l'Algérie, plusieurs pays se sont opposés à la décision qualifiée de «malencontreuse» et «dangereuse» du président de la Commission Moussa Faki et ils ont défendu «l'intérêt suprême de l'Afrique qui s'incarne dans son unité et celle de ses peuples». Il regrette aussi et surtout que «la proposition du Nigeria, élaborée avec l'Algérie, tendant à restaurer immédiatement le statu quo ante n'ait pas été acceptée par une minorité activiste représentée par le Maroc et quelques-uns de ses proches alliés dont la République démocratique du Congo qui a assuré une présidence particulièrement partiale de la séance». Selon Ramtane Lamamra, «les plaidoiries de l'Afrique du Sud et de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en faveur de la juste cause du peuple palestinien ont mis «opportunément en perspective l'atteinte grave portée par la décision de Moussa Faki au patrimoine historique de lutte de l'Afrique contre le colonialisme et l'apartheid». Le communiqué use de mots sans concessions à l'égard de Moussa Faki, sa décision d'admettre Israël au sein de l'organisation africaine est qualifiée «d'irresponsable» et «tend à rendre irréversible la division du continent». La même source indique que les ministres du courant majoritaire sont cependant «conscients de cette crise institutionnelle». Ces derniers «ont accepté de soumettre la question au Sommet des chefs d'Etat de l'Union africaine prévu au mois de février prochain». L'échéance est de toute importance et son issue dépendra visiblement du maintien de la cohésion au sein de l'organisation africaine mais aussi des futurs rapports entre Etats à travers le continent. La «division» évoquée dans le communiqué du MAE n'est pas un vain mot et prend tout son sens dans cette conjoncture très particulière marquée par d'intenses tentatives du remodelage des enjeux régionaux africains. L'alliance Tel-Aviv/Rabat risque d'ouvrir la porte au diable. A. C.