La présence d'Israël au sein de l'UA a plongé l'organisation africaine dans une situation très sensible qui offre, à ce stade, très peu de visibilité quant aux répercussions futures que peut engendrer cette affaire. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - L'entrée de Tel-Aviv en qualité de membre observateur au sein de l'Union africaine n'a pas surpris outre mesure les spécialistes en géostratégie qui s'étaient basés sur deux éléments principaux pouvant précipiter l'officialisation de l'ancrage israélien en Afrique. D'abord la cadence avec laquelle Israël entreprend depuis de longs mois sa percée dans un continent où il entretient désormais des relations avec quarante-six pays, ce qui tranche grandement avec le passé tumultueux qui ne lui permettait nullement d'accéder à de tels résultats, puis en dernière instance, la normalisation des relations avec Rabat. Tournant le dos à la rue marocaine hostile à ce rapprochement contre nature, Mohamed VI offre aussi à ses amis la clé de la porte de l'UA. Même si le statut qui lui est concédé se limite au poste d'observateur, il revêt une importance capitale aux yeux des concernés. Rabat ne dissimule ni sa joie ni ses intentions. Dans une de ces dépêches datée du mois de juillet dernier, la MAP (agence officielle de presse marocaine) qualifie cet «événement» de «défaite pour la diplomatie algérienne». Ces propos émanent directement du palais royal, ils cachent difficilement la satisfaction de pouvoir s'appuyer sur un allié de taille au sein d'une organisation qui a déjoué tous les plans du défunt Hassan II et de son fils. Le porte-parole de la diplomatie israélienne annonce (le 22 Juillet dernier) que «l'ambassadeur d'Israël en Ethiopie a présenté ses lettres de créances en tant que membre observateur auprès de l'Union africaine». Il ne fournit pas plus de détails, mais ne cache pas sa satisfaction. Des réactions suivent. L'Egypte, l'Algérie, les Comores, la Tunisie, Djibouti, la Mauritanie et la Libye soumettent sans tarder une note d'objection à l'Union africaine. Il s'agit d'une «note verbale remise au président de la commission de l'Union africaine, Moussa Faki» par les ambassades des pays concernés basés à Addis-Abeba (siège de l'UA). Elle exprime leur objection à la décision d'accorder à Israël le statut d'observateur à l'UA et rappelle le soutien de l'Organisation africaine à la cause palestinienne. Les pays concernés s'élèvent aussi contre le fait que la demande israélienne n'ait pas été examinée conformément au règlement constitutif de l'UA «ce qui représente un vice de procédure et un dépassement inacceptable de la part du président de la commission, de son pouvoir discrétionnaire», rapportent des médias arabes. Ils demandent un débat interne sur la question. L'Algérie a, elle, réagi deux fois à cette situation. Dans un communiqué publié le 25 juillet dernier, le MAE exprimait le refus d'accepter Israël comme nouvel observateur à l'UA. Il indiquait aussi et surtout que cette décision avait été «prise sans le bénéfice de larges consultations préalables avec tous les Etats membres», et qu'elle n'avait «ni la vocation ni la capacité de légitimer les pratiques et les comportements dudit nouvel observateur dont les positions sont totalement incompatibles avec les valeurs, les principes et les objectifs consacrés dans l'acte constitutif de l'Union africaine». Mardi, le MAE algérien est une nouvelle fois intervenu sur la question lors d'une conférence de presse animée à l'issue d'une réunion des pays voisins de la Libye. Sans le citer, il s'est adressé à Moussa Faki (président de la commission de l'UA) pour lui rappeler que l'entrée d'Israël en qualité de membre observateur au sein de l'UA est «une décision administrative qui porte préjudice à l'unité de l'organisation panafricaine et à l'action commune». «La crédibilité de l'UA, ajoute-t-il, ne peut être construite dans les forums internationaux en déclarant un principe et en faisant le contraire (...) l'Algérie est l'un des grands soutiens de l'UA, elle est soucieuse de son unité et de l'unité de l'Afrique». Lamamra annonce pour la première fois l'existence de concertations entre pays africains autour de ce dossier qui permettront à l'UA de prendre un nouveau départ concernant cette question. «Nous souhaitons vivement que les esprits et les consciences s'éveillent et que des décisions soient prises afin de préserver la crédibilité de l'Afrique et l'unité de l'UA, d'autant que des pays amis qui ont un poids politique considérable soutiennent entièrement la position algérienne», poursuit le MAE avant de faire savoir que «la situation est plus claire qu'auparavant», rappelant que des pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe se sont opposés à cette décision. Plusieurs médias arabes ont récemment annoncé la programmation d'une réunion du Conseil exécutif des ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union africaine, prévue en octobre prochain. La position de l'Algérie et des autres pays africains à l'égard de l'entrée d'Israël à l'UA serait inscrite à l'ordre du jour. A. C.