Depuis plusieurs années, s'il est un sujet sur lequel tout le monde s'accorde, c'est bien celui de la réforme des subventions, du moins le système de subventions qui ne profite pas exclusivement à ceux auxquels il est destiné en principe. Sujet sensible par excellence, la réforme des subventions s'est imposée avec une acuité jamais aussi égalée qu'en ce moment du fait de la conjoncture difficile que traverse l'Etat sur le plan financier, qu'illustrent les abyssaux déséquilibres budgétaires. Il était dit depuis un moment que l'Algérie irait irrémédiablement au démantèlement de son si particulier système de subventions, démantèlement au mieux progressif afin de ne pas «heurter» violemment des pans entiers de la population. Les institutions internationales, tels le FMI et la Banque mondiale, n'ont jamais manqué l'occasion de conseiller aux autorités algériennes, depuis le début 2015 et la crise induite par la chute brutale des prix des hydrocarbures notamment, de revoir le mode des subventions en mettant en avant ce que cela coûte sur les dépenses budgétaires faramineuses de l'Etat. Dépenses publiques dont les subventions qui pèsent lourdement et, le comble, ne profitent que relativement aux petites et moyennes bourses. Eu égard aux prédictions qui font état de la poursuite, en 2022, de la hausse des prix des matières premières à l'international, sur la lancée de ces derniers mois, la note risque d'être extrêmement lourde pour le budget de l'Etat déjà fortement ébranlé sans cela. Les limites des subventions généralisées ayant été prouvées depuis un bon bout de temps, avec leurs conséquences désastreuses pour les équilibres financiers de l'Etat, voici qu'il semble venu, pour les pouvoirs publics, le temps de prendre le problème à bras-le-corps et enfin décider à qui doivent aller les 3 milliards de dinars dépensés en moyenne annuelle au titre des subventions depuis quelques années. L'idée a été déclinée le mois dernier, lorsqu'il présentait le plan d'action de son gouvernement, par M. Aïmene Benabderrahmane qui dévoilait sa stratégie pour la réforme du système de subventions. Il expliquait alors que cette réforme allait commencer par se faire avec l'instauration d'une espèce de revenu supplémentaire au profit exclusif des ménages nécessiteux en guise d'indemnisation des conséquences que va induire la suppression des subventions directes. De prime abord, cela ne semble pas tâche aisée que de mettre en œuvre le plan destiné à remplacer le système des subventions ayant eu cours en Algérie, à commencer par l'identification de toute la population en droit de recevoir cette aide sociale de «l'après-subventions». En tout état de cause, il est attendu que les modalités d'application seront fixées par voie réglementaire notamment, la liste des produits subventionnés concernés par la révision des prix, les catégories de ménages ciblés, les critères d'éligibilité à cette compensation, et les modalités de transfert monétaire, est-il expliqué dans le projet de loi de finances 2022. Dans le même avant-projet de loi de finances, le gouvernement indique que ce qu'ont coûté les subventions entre 2012 et 2017 avoisine en moyenne annuelle 3 250 milliards de dinars, soit 19,3 % du PIB. Dans le même document, il est expliqué que les subventions implicites, c'est-à-dire celles allouées pour les produits énergétiques et les subventions d'ordre fiscal, constituent 80% du total des subventions au moment où les subventions explicites allouées pour la «couverture» des prix des produits alimentaires et des logements, constituent le cinquième du total des subventions. Comme sur beaucoup d'autres questions, le gouvernement n'a qu'une restreinte marge de manœuvre pour protéger le pouvoir d'achat des Algériens et arriver à maintenir le caractère social de l'Etat sans provoquer un désastre sur les couches les plus défavorisées de la population avec la levée progressive des subventions. Mais à voir ce à quoi devrait aboutir l'exercice 2021 sur certaines dépenses publiques, l'Algérie n'a plus le temps ni les moyens pour continuer à accorder des subventions à tout-va et à n'importe qui. Avec, entre autres, des dépenses budgétaires en hausse de 25% par rapport à l'année dernière et un déficit du Trésor qui devrait atteindre 16,5% du PIB, l'heure n'est plus aux tergiversations. Azedine Maktour