La loi de finances 2022 a acté le ciblage des subventions. Plusieurs fois annoncée par le président de la République, ainsi que par les observateurs, comme une mesure nécessaire, cette nouvelle mesure est clairement énoncée dans l'article 187 de l'avant-projet de loi de finances 2022. «Il est mis en place un dispositif national de compensation monétaire au profit des ménages qui y sont éligibles», stipule l'article en question. Ce ciblage sera néanmoins conditionné par une «révision» et un «ajustement des prix des produits soutenus». C'est-à-dire qu'une baisse des subventions sur des produits de large consommation, à l'image de la semoule, le lait ou encore l'électricité, est sur les tablettes du gouvernement. Mais, rassure ce dernier dans le même article de l'avant-projet de loi, «un programme de transfert monétaire direct au profit des ménages qui y sont éligibles», sera déployé. En d'autres termes un apport financier destiné aux ménages à faible revenu viendra compenser la perte du pouvoir d'achat conséquemment à une levée partielle ou totale des subventions. Il est donc prévu, au terme du projet de loi de finances 2022, une refonte du système national des transferts sociaux. Il reste, cependant, que «les crédits alloués dans le cadre du programme national de compensation monétaire sont inscrits à l'indicatif du ministre chargé des Finances», lit-on dans le même article 187. Sur le principe, la fin des subventions généralisées relève de l'aspect seulement technique, puisqu'au plan politique, l'Exécutif a, à travers cette disposition, franchi la frontière, dont tous ses prédécesseurs s'en rapprochaient, sans oser sauter le pas. Il reste que les questions pratiques, pour ce genre de décisions, sont terriblement complexes. Il ne sera certainement pas aisé au gouvernement Benabderrahmane de mettre en application le ciblage des subventions. Il faut d'abord définir clairement «les modalités d'application de cet article», précise le document portant avant-projet de loi de finances 2022. Si la fixation par voie réglementaire de la liste des produits subventionnés concernés par la révision des prix, ne pose pas de problème particulier, il en sera autrement lorsqu'il s'agira d'identifier «les catégories de ménages ciblés, les critères d'éligibilité à cette compensation et les modalités de transfert monétaire». Outre les questions techniques à régler pour garantir une fluidité dans la perception de la contre-partie financière, la grande difficulté sera la hauteur de la barre au- delà de laquelle, le soutien de l'Etat n'aura plus cours. Le plafond salarial sera-t-il fixé à 40000DA représentant la moyenne de la rémunération en Algérie? Il sera difficile de se convaincre qu'un foyer gagnant cette somme mensuellement puisse se passer d'une levée même partielle des subventions. D'où la difficulté de l'équation que doit résoudre le gouvernement Benaderrahmane. En tout cas, l'avant-projet de loi de finances 2022 motive la volonté gouvernementale de revoir le système des transferts sociaux par le fait que «la majorité de ces dispositifs généralisés sont abusifs, du fait qu'ils profitent essentiellement aux couches des populations aisées». Le grand défi qu'aura à relever l'Exécutif sera de «garantir l'équité sociale», tout en accédant à des «préoccupations de la classe politique, notamment les députés», qui estiment nécessaire de ne pas faire bénéficier les plus riches de la solidarité nationale qui reviendrait légitimement aux couches sociales défavorisées. Le «dispositif de ciblage des subventions de l'Etat, au profit des ménages à faible et à moyen revenu», répond donc à cette double préoccupation. Ce qui se justifie, par ailleurs, la décision du ciblage tient dans la compatibilité impressionnante de ce qu'à coûté le système de subvention généralisée. L'avant-projet de loi de finances 2022 rapporte des chiffres parlants. Ainsi, on prend ce que l'Etat a dépensé en moyenne 3250 milliards de DA par an sur la période 2012-2017 en subventions. Ceci représente entre 30 et 41 milliards de $US. L'objectif de l'Etat, en plus de faire des économies, vise à réduire les phénomènes de gaspillage et de surconsommation. Le gaspillage, d'ailleurs, avéré, suppose que les prix sont trop bas. Mais il y a une jauge à ne pas franchir, au risque de faire basculer la classe moyenne dans la pauvreté.