En ébullition depuis plusieurs semaines déjà, le front social s'emballe. Des débrayages sont prévus dans les secteurs de l'éducation dès aujourd'hui et de la santé dès demain. C'est dans ce contexte qu'intervient l'annonce de la préparation d'une loi-cadre relative à l'exercice syndical. Elle est accueillie avec beaucoup de prudence par les syndicats qui applaudissent la décision de réviser un texte datant de 1990, mais qui avertissent contre toute tentative de brider l'action syndicale, rappelant que la majorité des entités syndicales font de la politique une ligne rouge qu'ils ne franchissent pas pour garantir la cohésion de leurs instances. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - La trêve imposée par la pandémie de Covid-19 est bel et bien rompue. L'action syndicale, mise entre parenthèses depuis de longs mois déjà, reprend de plus belle dans une conjoncture marquée par une forte dégradation du pouvoir d'achat. C'est dans ce contexte qu'est intervenue, dimanche soir, l'annonce de la préparation d'un «projet de loi-cadre relatif à l'exercice de l'action syndicale dans différents secteurs qui régira les droits et obligations et défendra les intérêts des fonctionnaires et travailleurs, loin des tractations partisanes et politiciennes ». Un projet que les syndicats accueillent avec beaucoup de prudence. Si la loi 90-14 régissant les relations de travail et l'activité syndicale est qualifiée d'« obsolète », les syndicats avertissent sur les tentations d'entraver davantage l'activité syndicale sous prétexte de mettre les syndicats à l'abri de toute manipulation. Pour Khaled Keddad, président du Syndicat national des psychologues, « les syndicats sont conscients qu'ils ne peuvent choisir la voie de la politique car cela peut provoquer une explosion de leurs instances. Dans un seul syndicat, il peut y avoir plusieurs tendances politiques à titre individuel parmi les adhérents. C'est naturellement que le syndicat sait que la politique est une ligne rouge qui sert à garantir sa cohésion ». Commentant l'annonce de la préparation d'un projet de loi-cadre relatif à l'exercice syndical, le président du Snapsy rappelle que « le dossier de la révision de la loi sur l'exercice syndical est ouvert depuis au moins cinq années, on en parle depuis 2015. Il y a d'ailleurs un avant-projet qui a été discuté au niveau du ministère du Travail depuis que Tayeb Louh était au ministère. L'avant-projet avait été envoyé aux syndicats qui avaient formulé leurs propositions mais jusqu'à maintenant, rien n'a changé », ajoutant que « l'amendement de la loi 90-14 entre dans le cadre de la révision du code du travail et ce dernier date également de 1990, et depuis, il n'a pas été revu hormis des petits ajustements mais rien de nouveau là aussi ». Pour Khaled Keddad, d'autres priorités existent, estimant qu'« on aurait souhaité que la question des libertés syndicales soit évoquée. Pourquoi ne pas parler du renforcement des syndicats qui se démènent pratiquement sans aucune aide de la part des pouvoirs publics ? Il aurait fallu parler des libertés syndicales et de la protection des délégués syndicaux qui subissent beaucoup d'injustice allant jusqu'à leur suspension ». Autre réaction, celle du secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation. Boualem Amoura explique que « les lois existent déjà. Il faut juste les réactualiser. Je fais allusion à la loi 90-14 qui est dépassée par le temps car datant de 1990. C'est nous les syndicats qui avions demandé à ce qu'elle soit révisée et sur instruction du BIT, le ministère du Travail nous avait transmis sa copie en août 2019, et les syndicats avaient également soumis leurs propositions mais, depuis, le dossier a été oublié. Nous n'avons rien à inventer, il faut juste réviser les textes existants ». Le premier responsable du Satef ajoute que « ce qu'ils appellent loi-cadre sur l'exercice syndical, si c'est de l'entrave à l'exercice syndical, nous n'allons pas l'accepter. Nous refuserons que les libertés syndicales soient encore rétrécies. L'Algérie est signataire de la convention 87 de l'Organisation internationale du travail et doit respecter ses dispositions. Si le gouvernement veut aller vers une nouvelle loi-cadre, il doit respecter les engagements qu'il a pris à travers les conventions qui ont été ratifiées sans compter que lorsque des lois sont révisées, il est impératif que les syndicats soient associés ». N. I.