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L'obsession du prestige et du pouvoir
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 12 - 2021

Au-delà du contexte dans lequel elle s'est déroulée et des passions nationalistes suscitées, la «Coupe des Arabes» (traduction émiratie) de la Fifa a été remportée par l'inattendue Algérie. Je dis bien inattendue parce que, de toute évidence, et compte tenu de ce qui s'est passé sur le terrain, la victoire de la sélection nationale ne figurait pas au programme des organisateurs. Le Qatar, ou l'équipe venant après au cas où, n'a pas emporté sa coupe, et ce n'est pas faute de moyens matériels, mais l'équipe d'Algérie a fait mentir l'adage de l'argent qui fait le bonheur. On glosera longtemps sur cette «Coupe arabe» remportée par des «Amazighs», ou mieux des Nord-Africains, qui ont répondu de belle manière à ceux qui les voyaient juste remplir les stades. Ils ont rempli les stades, il est vrai, même dans la partie féminine où les Qataries d'origine ont regardé les matchs à la télévision, mais ils sont repartis avec le trophée tant mérité. Avec une sélection, renforcée par deux ou trois joueurs clés de l'équipe détentrice de la Coupe d'Afrique, l'Algérie a frappé un grand coup, nonobstant des délires patriotiques, très courants. On ne boudera pas notre joie ni notre plaisir d'avoir vu des matchs à fortes charges d'adrénaline, et on n'en voudra pas aussi aux surfeurs du moment qui aiment le football sur injonctions.
Ils sont de plus en plus nombreux, comme s'il y avait une conscription nationale ouverte aux opportunistes, à rivaliser de patriotisme, jusqu'à dénoncer ceux qui aiment le football pour ce qu'il est. Quant à ceux que le football ne passionne pas ou qui font le choix d'un autre sport, ils doivent réapprendre à aimer le football, surtout lorsqu'il ressuscite les espoirs de tout un peuple. Vous n'aimez pas le football et vous trouvez qu'on en fait trop autour de ce sport qui déchaîne les passions et suscite souvent des incidents, parfois mortels, dans les stades et au-dehors ? Vous êtes libres de le penser, de l'écrire dans les journaux qui veulent bien vous publier, ou sur les réseaux sociaux, et même de le crier haut et fort dans la rue. Ne tombons pas dans les généralités, encore moins dans l'anarchie génératrice de troubles et de discorde entre les croyants, et disons que ça pourrait se passer dans quelques rues. Quand on n'aime pas un plat, on doit avoir au moins la décence et la discrétion de ne pas en dégoûter les autres, vous diront ces messieurs qui confondent la politique et la «meloukhia». Ils ne comprennent pas que vous n'aimiez pas le football, surtout en période de haute ferveur patriotique, et que vous ne voyez rien de fraternel dans les évacuations de joueurs en civières. C'est alors la discorde, le football, ce n'est pas une religion, mais il a ses idoles.
Au-delà du résultat final de cette Coupe arabe, je retiens surtout la très discrète apparition de l'Arabie Saoudite, et sa rapide disparition du tournoi, comme si elle ne faisait pas le poids. Or, après ses aspects financiers qui ont emporté l'adhésion de la Fifa, cette compétition était aussi importante pour le prestige des nations participantes, et nous en savons quelque chose. Dans ce cas, l'Arabie Saoudite, dont l'homme fort, Mohammed Ben Salmane, est très sensible aux questions de prestige, ne devrait pas avoir perdu de vue cet aspect en envoyant une équipe faible. Certes, le royaume est encore engagé dans les phases qualificatives à la Coupe du monde au Qatar, mais il est premier de son groupe, et il peut se permettre d'engager deux équipes. Malgré ses moyens, l'Arabie Saoudite a perdu dès le premier match contre le royaume frère de Jordanie, qui peut d'ailleurs s'attendre à des sanctions ultérieures, et contre le Maroc. Pas de représailles en vue, contre le voisin de l'Ouest, puisque les deux monarchies sont désormais engagées dans une compétition plus vaste, la dangereuse normalisation avec Israël. Il faudra donc retenir que le pays arabe le plus puissant, le plus riche, et surtout le plus influent, n'a pas survécu au premier tour de la Coupe arabe, après deux défaites et un match nul. Et quel match nul, puisqu'il a été obtenu in extremis contre la Palestine (1-1).
Le Qatar n'a pas remporté sa coupe, mais il a quand même obtenu un grand succès politique, en scellant la semaine dernière avec Mohammed Ben Salmane la réconciliation entre les deux pays. Cela s'est passé mardi 14 décembre à Riyad lors du dernier sommet du Conseil de coopération du Golfe qui s'est tenu dans la capitale saoudienne, mais en l'absence du roi Salmane. C'est donc son fils et héritier qui a présidé les travaux du sommet auquel le Qatar avait été officiellement invité lorsque l'émir Tamim Bin Hammad l'avait reçu en grande pompe à Doha. Du coup, Mohammed Ben Salmane apparaît désormais aux yeux des Etats-Unis et des puissances occidentales comme le véritable maître du pays, et qui est vu comme un roi sans couronne. Le roi Salmane Ben Abdelaziz (85 ans) fait désormais de rares apparitions publiques à cause de ses problèmes de santé, et il semble bien avoir abandonné les rênes du pays. Reste à savoir s'il se contentera de continuer à régner tout en laissant son père porter la couronne ou s'il suivra l'exemple de l'actuel émir du Qatar, en se faisant couronner du vivant de son père.
A. H.


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