À l'issue d'un process lourd, ayant requis environ six mois de discussions et de négociations avec pas moins de 200 firmes de capital-risque et d'investisseurs à travers le monde, la plateforme Yassir a réussi à boucler une levée de fonds de 30 millions de dollars, il y a à peine quelques semaines. Un couronnement pour la start-up née en Algérie il y a plusieurs années lors desquelles elle s'est construit une belle renommée qui a franchi les frontières du pays pour devenir un label jusqu'à lui permettre de s'ouvrir grandes les portes de la Silicon Valley. C'est qu'elle a accompli du chemin la Yassir, cette petite boîte bien de chez nous née de la belle idée qu'a eue Noureddine Tayebi, diplômé de l'Ecole nationale polytechnique d'Alger qui, en raison de manque de débouchés, s'en est allé décrocher un doctorat de la grande université californienne de Stanford pour ensuite exercer dans la Silicon Valley. Noureddine Tayebi avait pourtant toutes les raisons de laisser tomber en raison des problèmes bureaucratiques rencontrés et du manque de sources de financement pas seulement en Algérie mais dans toute la région du Maghreb, dès le début de son aventure dans l'entrepreneuriat, qui plus est, dans un domaine aussi pointu que celui des nouvelles technologies appliquées à la vie de tous les jours. En fait, selon ses explications, livrées hier dans l'émission «Diasporama» du Soir d'Algérie, la plus grande contrainte, c'est l'entrepreneur lui-même «dans le sens où, il y avait un manque de culture, de bonne pratique, d'un état d'esprit qui permettrait de construire quelque chose qui pouvait aller au-delà du niveau local». C'est ce qui a contraint le diplômé de Stanford à s'impliquer dans toutes les étapes pour aboutir à la création de Yassir, connu depuis le temps qu'il est venu au monde grâce à son service VTC, alors que le business-model mis au point était, dès le départ, beaucoup plus étoffé que cela. «Dès le début, on avait l'ambition d'aller au-delà de l'Algérie, explique Noureddine Tayebi, en visant l'Afrique francophone, le Maghreb compris, où les services à la demande n'existaient pas et où le système légal était le même, hérité du système français.» Ce n'était pas évident, se rappelle le co-fondateur de Yassir, qui, en dénominateur commun aux pays visés par la start-up «dans ces pays, les gens n'étaient pas bancarisés, le cash prédominait à cause du peu de confiance que les consommateurs avaient en les banques». Il a fallu beaucoup de patience pour que se concrétise la confiance entre le prestataire de service à la demande et la clientèle, raconte N. Tayebi, avant d'aller vers le modèle de service en ligne avec paiement électronique. Jusque-là, le système en place est adapté à la réalité des pays de la région et du continent où le credo de la firme Yassir est de «rendre la vie facile à ses concitoyens en valorisant les potentialités et le talent locaux, en plus des valeurs sociales». Aujourd'hui, Yassir est présent dans 26 villes réparties à travers les pays où elle opère entre le Maghreb, l'Afrique subsaharienne, l'Europe, principalement la France, et le Canada. Et la firme ne compte pas s'arrêter de grandir, malgré les difficultés, dont les «archaïsmes du système de paiement, qui font encore obstruction dans les pays du Sud où elle opère que ce soit pour le service transport, la livraison, encore ce produit quasiment exclusif de livraison de... mouton qui a fait le buzz durant la période d'avant l'Aïd. Yassir, comme toutes les firmes naissantes qui se sont imposées, a, elle aussi, eu sa part de rumeurs, parfois malveillantes, à l'exemple de celle qui la donnait acquise par une des filiales d'Uber, en l'occurrence Careem. Une rumeur qui a fait l'actualité il y a un peu plus d'une année. De l'intérêt était manifesté par des investisseurs mondiaux beaucoup plus importants que Careem pour un rachat ou pour un investissement, reconnaît Noureddine Tayebi. Mais pour cette fameuse rumeur, «tout est parti après le départ d'une personne qui était employée chez Yassir et qui avait toujours accès au système de notification de la compagnie. Cette personne a été malhonnête, elle a envoyé à nos clients une notification disant que Yassir avait été racheté par Careem», révèle le co-fondateur de Yassir qui a également fait part d'une poursuite en justice contre l'indélicat ex-employé. Un épisode, en somme, de la longue et passionnante aventure qui n'a pas empêché Yassir de grandir comme l'illustre ce joli coup qui l'a vu, il y a quelques semaines donc, réussir à lever 30 millions de dollars pour lui donner une autre dimension. De quoi donner des idées aux startuppers du pays en attendant que voie le jour l'écosystème requis. Azedine Maktour