Entretien réalisé par Ilhem Tir Le directeur des recherches, ex-président du Conseil scientifique du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), le Pr Abdou Abderrahmane, estime que la recherche doit être orientée vers la production de connaissances et de données mettant en relief les forces et les faiblesses des différents domaines recensés et pouvant éclairer l'action économique. Dans cet entretien accordé au Soir d'Algérie, il revient sur les missions et le rôle inégalable du centre dans la sphère décisionnelle à l'occasion de la tenue d'une journée intitulée «Quel modèle de croissance pour l'économie algérienne post-Covid-19 ?». Le Soir d'Algérie : Les missions dévolues au Cread sont définies dans le décret de création en 1976 et liées directement à son domaine de compétence qui est l'économie et l'économie sociale. Quel bilan faites-vous de cette longue expérience ? Le Pr Abdou : Le Cread joue un rôle prépondérant dans la sphère décisionnelle et nous sommes consultés par les différentes institutions gouvernementales et privées dans la prise des décisions. Le Cread a su créer et préserver son identité scientifique et sa bonne réputation de prestation. Des acquis se sont cristallisés pour être incarnés symboliquement comme une image de marque de cette institution de recherche en économie de l'Algérie indépendante. Depuis sa création, des chercheurs en sciences sociales ont travaillé en symbiose collective, marquée par des pratiques de recherches alimentées par des vocations et des valeurs universitaires, de mérite, d'échange et d'engagement. Le Cread conçoit et réalise des projets de recherche avec des partenaires socioéconomiques et des établissements scientifiques nationaux et internationaux. Quels sont les principaux partenaires du centre ? Nous travaillons avec tous les ministères et entreprises, notamment les nationales et les multinationales installées en Algérie, pour développer une expertise que nous mettons au service du pays dans le domaine économique. Les domaines couverts par le centre sont : l'économie et la socio-économie appliquées au développement, la macroéconomie, les relations internationales et l'intégration régionale, - l'agro-économie et le développement rural, - les firmes, l'économie industrielle, la régulation et la concurrence des industries de réseaux ; l'économie sociale, l'éducation, la santé, la pauvreté, le chômage-emploi, le développement humain. Actuellement, nous élaborons avec le ministère du Travail des travaux relatifs au marché de l'emploi et un autre sur l'insertion professionnelle. Avec le ministère de la Santé, nous travaillons sur un observatoire de la Covid et avec le ministère du Commerce nous sommes en train de réaliser une étude sur les marchés informels en Algérie. La majorité des secteurs productifs ont été impactés par la crise sanitaire. Quels sont les choix qui s'imposent, selon vous, pour redémarrer l'économie ? La courbe de la pandémie de Covid-19 n'est pas près de s'infléchir. Aucun spécialiste ne peut prédire la fin de cette crise sanitaire. Après la deuxième et la troisième vague de la pandémie, on parle aujourd'hui de la quatrième et de la cinquième vague. Les impacts de cette crise sanitaire ont touché presque la majorité des secteurs productifs. Ils ont produit une dégradation des différents marqueurs de l'économie. La relance de l'économie algérienne reste tributaire des progrès réalisés dans le domaine de la vaccination. Certains secteurs, qui ont souffert plus que d'autres de la pandémie, commencent à reprendre leur activité comme la restauration, l'hôtellerie, les agences de voyages, les commerces, le transport aérien, le transport maritime, la logistique, etc. Il est temps de donner la parole aux universitaires pour donner leur point de vue afin de relancer l'économie nationale car les modèles économiques centrés sur les ressources et les modèles économiques qui ont une forte dépendance des circuits mondiaux d'approvisionnement ont été les premiers à ressentir les effets de cette crise sanitaire mondiale. «Quel modèle de croissance pour l'économie algérienne post-Covid-19 ?» est le thème de la journée organisée en partenariat avec la fondation allemande Konrad Adenauer. Quel est l'objectif espéré ? Tout d'abord, je tiens à préciser qu'avec la Konrad Adenauer Stiftung, nous travaillons depuis 2000. La fondation nous a accompagnés dans différents travaux scientifiques et sur différentes thématiques liées à l'économie à travers également la publication de différents ouvrages. Pour la thématique choisie pour cette journée, nous voulons discuter de la relance de la croissance, avec un focus sur l'économie algérienne en présence des chercheurs et des enseignants universitaires (économistes, sociologues, historiens), afin d'échanger les points de vue sur les principaux leviers de la relance économique pouvant stimuler la demande et promouvoir de nouveaux investissements Quelles sont les perspectives pour l'économie algérienne ? Elles sont grandes, notamment avec l'économie numérique qui doit se développer ainsi que les start-up et les initiatives. Il faut d'abord réfléchir sur les leviers susceptibles d'assurer une relance économique post-Covid durable. Faut-il opter pour des mesures transitoires privilégiant des interventions en amont sur les leviers fiscaux, comme la réduction des taxes, distribution d'indemnités, report des paiements des charges pour les entreprises, etc ? Ces mesures temporaires peuvent limiter la dégradation du chômage dans des proportions acceptables et maintenir la continuité des activités, même faible, des entreprises en attendant la relance de l'économie mondiale. I. T.