Un temps parasitées par le Makhzen, les relations entre l'Algérie et la Mauritanie sont aujourd'hui boostées par une volonté politique commune d'aller de l'avant. Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, chef de l'Etat mauritanien, est, depuis hier, à Alger pour une visite officielle de trois jours, du 27 au 29 décembre. Les observateurs avertis de la scène maghrébine soulignent le nouvel et vigoureux élan dans la coopération entre les deux pays, au demeurant ancienne. Sous l'instigation du Président Abdelmadjid Tebboune et Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, depuis leur accession à la magistrature suprême. À noter les déplacements fréquents dans les capitales des deux pays des officiels algériens et mauritaniens de haut niveau. Des visites couronnées par la tenue, novembre dernier à Alger, du Comité bilatéral frontalier algéro-mauritanien, suite à la signature, en avril dernier, à Nouakchott, d'un mémorandum d'entente sur sa création. L'objectif est donc de faire des relations économiques et des échanges commerciaux un modèle à suivre, susceptible d'ouvrir des perspectives prometteuses pour toute la région. Des chiffres en évolution Cette rencontre entre les deux Présidents intervient, à l'évidence, dans un contexte chargé de grandes questions qui interpellent. Il convient de rappeler, à ce propos, l'un des thèmes développés dans le cadre de la première session du comité frontalier algéro-mauritanien dont la sécurisation et la promotion des zones frontalières. Concrètement, l'ouverture d'un point de passage vers la Mauritanie. À ce propos, la ville de Tindouf a été choisie comme point de départ du tronçon routier qui reliera Tindouf à la ville mauritanienne Zouérate, pour faciliter la circulation des personnes et des biens, l'intensification des échanges commerciaux, le désenclavement des populations de cette zone frontalière. Il œuvre, comme indiqué, également à organiser et faciliter la circulation des personnes et des biens, promouvoir la coopération douanière, développer et encourager la coopération décentralisée. À signaler que parmi les projets prometteurs, figure la création d'une zone franche au niveau de la zone frontalière, l'organisation permanente des manifestations économiques et commerciales à Nouakchott, et l'encouragement des opérateurs économiques algériens et mauritaniens à vendre leurs produits dans les marchés des deux pays. Décision suivie d'effets puisque une foire d'exposition-vente de produits algériens a été tenue avec un engouement relevé auprès des consommateurs mauritaniens. De source officielle algérienne l'on fait ressortir le bond en avant enregistré par la valeur de ces exportations vers ce pays voisin qui a augmenté de 205% au cours du premier trimestre de 2021. Entre janvier et mars 2021, 111 opérations d'exportation vers la Mauritanie ont été réalisées via le poste frontalier terrestre Chahid-Mustapha-Ben-Boulaïd dans la wilaya de Tindouf, ce qui représente une augmentation de plus de 113% du nombre d'opérations d'exportation via ce point de passage. Porte ouverte sur les pays de l'Afrique occidentale (Sénégal, Ghana, Côte d'Ivoire), la Mauritanie acquiert désormais un statut stratégique dans les échanges commerciaux intra-africains. Pour cela, outre le transport routier, d'autres moyens ont déjà été expérimentés avec succès, dont le transport par avion cargo et par voie maritime pour des produits industriels semi-finis, agroalimentaires, l'électronique et les produits électroménagers. Un contexte fort et inédit L'épisode de l'assassinat des trois routiers algériens par le Makhzen rappelle que le nouveau contenu de cette coopération ne plaît pas. Au demeurant, le contexte infernal créé par la colonisation du Sahara Occidental, la «normalisation», avec échanges d'ambassadeurs, et autres retombées sur la région peut aussi être au centre des échanges entre les deux Présidents. Un point sensible et crucial pour la région, appelé à être inscrit à l'ordre du jour du prochain sommet arabe d'Alger en mars 2022. Le Président Abdelmadjid Tebboune a déjà annoncé la couleur, affirmant que la rencontre de très haut niveau doit revêtir un caractère unitaire et inclusif quant à la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe, le soutien à la lutte des Palestiniens et, sans doute aussi, la relance du débat sur la réforme de l'institution arabe, restée jusque-là un vœu pieux. Bien sûr, les deux pays, qui partagent de longues frontières dans la bande sahélo-sahélienne, auront à revoir la nouvelle donne introduite par la redistribution des cartes du fait du retrait (proclamé) de la France du Mali, les ambitions de la Turquie et les calculs de la Russie de Poutine en sa qualité de grande puissance. Du pain sur la planche, à vrai dire. Brahim Taouchichet