De notre envoyé spécial à Tamanrasset, Brahim Taouchichet La célébration de Yennayer, cette année, est sciemment déplacée dans la capitale du Hoggar, Tamanrasset. Le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA), sous la houlette de son secrétaire général, Si El Hachemi Assad, a choisi de célébrer Yennayer dans une ville du Grand-Sud algérien. Le slogan retenu est révélateur de l'événement, un moment festif d'identité et de rencontre, «toumest, tougest». Ce deuxième rendez-vous de fête de l'An amazigh intervient après celui tenu à Tadmaït. Mais il convient aussi de rappeler que c'est dans un contexte débarrassé de polémique suite à l'institutionnalisation de tamazight, langue nationale et sa constitutionnalisation. En outre, signalait le patron du HCA, il y a un acquis de taille, celui de faire du premier jour de Yennayer une fête nationale officielle, une journée chômée et payée en Algérie uniquement. Le Haut-Commissariat à l'amazighité, en coordination avec la wilaya de Tamanrasset, a tenu à faire les choses en grand et mettre en avant sa portée nationale et populaire. Les autorités locales civiles et militaires sont venues en force donner leur caution, en quelque sorte, à l'événement. Le coup d'envoi a donc été donné ce dimanche avec les discours d'usage, dans l'enceinte de la maison de la culture Dassine de la ville, des principales institutions concernées. Toutes les interventions étaient simultanément traduites en tergui. Exception qui confirme la règle, El Ouezdri Lémghili, président de l'Assemblée communale (P/APC), a tenu, lui, à faire son allocution uniquement dans la langue locale. Quant au programme concocté pour les festivités qui se dérouleront de ce dimanche à mercredi, l'ambition exprimée est d'en faire une occasion de débats et d'études studieuses à travers des ateliers qui seront animés par d'éminents chercheurs et professeurs en langue amazighe. L'ambition affichée est de donner un contenu académique, scientifique aux travaux. Il est donc question d'une encyclopédie de la langue amazighe. Capter les talents, recueillir des manuscrits en tamazight et ses variantes figurent aussi parmi les priorités dans une démarche de coédition. L'option du HCA est donc aussi d'impliquer les autres institutions, à l'image du ministère de la Culture, l'Aarc (Agence pour l'action et le rayonnement culturel), sponsor de l'événement, la Direction de la culture de la wilaya de Tamanrasset, ville qui manque cruellement d'infrastructures culturelles. C'est pourquoi, afin de surmonter ce handicap, des khéïmate ont été montées aux alentours proches de la Maison de la culture, sur la place du 1er-Novembre, la « placéta », comme l'appellent les riverains. C'est à partir du boulevard Serssouf qu'est partie une parade, à sa tête la troupe du Haras El Djoumhouri. Elle sera suivie de plusieurs carrés dont celui de la Gendarmerie nationale, des troupes folkloriques, de la société civile, des scouts, de la Direction du tourisme, du Croissant-Rouge algérien, ainsi que de deux camions surmontés de symboles locaux (en tifinagh) qui rappellent les plaques de signalisation de la ville ou le fronton de l'aéroport inauguré ce samedi 8 janvier. D'autres secteurs prendront part à la parade. La soirée d'hier conclura cette marche publique. Des associations musicales de la wilaya de In Guezzam feront de l'animation. Il est ainsi loin le temps où évoquer Yennayer était perçu comme une hérésie. C'était à la Télévision nationale le 12 janvier 1997, nous dit M'Hand Zerdoumi, qui se rappelle le premier article écrit sur le sujet avec M'Hand Saadoumi. Il aura fallu le courage du rédacteur en chef, Malek Oulmi (natif de Laghouat), pour passer outre la censure et les incompréhensions de l'époque. Les luttes du mouvement de revendication berbère auront, ainsi, trouvé leur aboutissement, appelé à être davantage approfondi. Il reste que Yennayer, ces dernières années, n'est plus un sujet de curiosité, étant désormais rentré dans les mœurs faisant renaître une coutume ancestrale. B. T.