Au feu nourri auquel sont soumises les institutions financières et monétaires internationales que sont le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), pas uniquement en Algérie, se joignent des voix d'un peu partout, comme ce fut le cas, il y a deux jours, de celle de l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie, Abderrahmane Hadj-Nacer. Les critiques à l'encontre des deux institutions de Bretton Woods ne datent pas de ces derniers jours, comme pourraient le penser certains. La toute dernière provient de l'expert financier qu'est Abderrahmane Hadj-Nacer dont l'analyse de la situation économique et financière que traverse le monde, notamment depuis la crise des subprimes de 2007, la crise bancaire et financière de 2008 puis la toute dernière induite par la pandémie de Covid-19, a abouti à ce que le monde subit aujourd'hui comme bouleversements sur le double plan économique et financier. Dans un long entretien accordé à la version francophone de l'agence multimédia Sputnik News, M. Hadj Nacer a abordé, entre autres sujets, la crise née avec l'apparition de la pandémie de coronavirus. La gestion de la crise de Covid-19 a montré que « face au multilatéralisme qui, manifestement, se renforçait avec la montée en puissance de la Chine et la non-disparition de la Russie, il y a eu une sorte de tentative d'accélération de prise du pouvoir par l'argent dominé par l'Occident », selon M. Hadj-Nacer qui rappelait à l'occasion la tentative de la Chine et de la Russie de créer un système financier parallèle au système du FMI et surtout de la Banque mondiale, mais le dollar a bloqué, du moins essayé, l'émergence de ce nouveau système en «s'instituant comme étant la règle de droit international au détriment du droit international, c'est-à-dire que le droit américain était devenu le droit international au détriment du droit de l'ONU». L'historique de la domination des Occidentaux, a rappelé l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, remonte à la reconstruction de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale, et après la création du FMI et de la Banque mondiale lors de la Conférence de Bretton Woods, alors que les Etats africains étaient sous domination coloniale. Et bien que ces institutions aient permis la reconstruction de l'Europe, les pays africains n'en ont pas tiré profit pour se développer ; au contraire, «les institutions comme la Banque mondiale et le FMI sont devenues des instruments de domination des pays du Sud», analyse M. Hadj Nacer qui assimile les pays du Sud à des «supermarchés» réservés à l'Occident, l'Afrique étant l'ultime de ces grands «supermarchés» du fait que sur notre continent, «on a détruit les élites et la capacité de produire des élites». Si la crise de 2008 a été «banale» et surtout montré qu'il y avait une volonté «d'enrichir les banques d'affaires internationales qui avaient une capacité d'orienter l'économie mondiale», la crise née de la pandémie et sa gestion «a montré un développement tout à fait nouveau. En effet, face au multilatéralisme qui, manifestement, se renforçait avec la Chine et la Russie, il y a eu une sorte de tentative d'accélération de prise du pouvoir par l'argent dominé par l'Occident». Ainsi, est apparue au grand jour, plus que jamais auparavant, la domination de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (les Gafam), les entreprises qui ont le plus bénéficié des injections monétaires «inimaginables» dans le but de renforcer leur contrôle sur l'économie et la population mondiales. La solution, si les pays du Sud veulent s'en sortir, ils se doivent de «former une élite nationale dans toutes les disciplines, capable de comprendre, d'anticiper et d'apporter les réponses aux défis posés à son pays en arbitrant et en profitant des contradictions des intérêts des différentes grandes puissances mondiales». Azedine Maktour