Le pari de faire vacciner 70% de la population-cible avant fin 2021 est bel et bien perdu. La vaccination contre le Covid-19, entamée il y a bientôt une année, continue de buter sur la réticence d'une grande majorité de personnes. Après avoir assuré la disponibilité des vaccins, les pouvoirs publics se heurtent à une résistance de larges pans de la société, y compris parmi le corps médial, sans compter les thèses les plus farfelues relayées par les réseaux sociaux. Jusque-là, le ministère de la Santé a multiplié les campagnes de vaccination en lançant des appels pour une grande adhésion. Force est de constater que cette stratégie n'a pas fonctionné. Les plus optimistes tablent sur le pass vaccinal pour booster le dérisoire taux de vaccination. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Il y a presque une année, le 31 janvier 2021, l'Algérie lançait officiellement la toute première campagne de vaccination contre le Covid-19, avec pour objectif de vacciner 70% de la population-cible, soit au moins 20 millions de personnes. Force est de constater que le but est loin d'être atteint. Le ministre de la Santé affirmait, la semaine dernière, que le taux de vaccination en Algérie des personnes âgées de plus de 18 ans avait atteint 28%, précisant que si on prenait en considération l'ensemble de la population, ce taux ne dépasse pas les 10 à 11%. Le Pr Benbouzid ne cache pas sa déception face à la cadence de la vaccination à chacune de ses sorties médiatiques. Et pour cause, les réticences viennent de son propre secteur puisque, dit-il, moins d'un tiers du personnel médical s'est, jusque-là, fait vacciner. Comment expliquer cet échec ? Plusieurs facteurs semblent se conjuguer. Le lancement de la toute première campagne a été laborieux en raison de la très faible quantité de vaccins que l'Algérie avait réussi à réceptionner. La question de la disponibilité ayant par la suite été réglée, le pays disposait de suffisamment de doses pour vacciner assez de personnes et atteindre enfin l'immunité collective espérée. Il n'en fut rien. Toutes les campagnes de vaccination, lancées tambour battant, se sont soldées par une très faible adhésion. Ni le personnel de la santé en première ligne de la lutte contre le Covid-19 ni celui de l'éducation, et encore moins celui de l'enseignement supérieur n'ont été sensibles au discours jusque-là développé pour les faire adhérer à la vaccination. Pire encore, des personnes opposées à la vaccination à l'intérieur même du secteur de la santé ont continué à défendre les thèses anti-vaccination. A cela s'est ajoutée la circulation d'informations totalement fantaisistes sur les conséquences de la vaccination sur la santé, puis sur la fertilité. Le personnel de la santé affecté aux centres de vaccination affirme que la question des risques de stérilité était celle qui revenait le plus souvent. Beaucoup d'observateurs ont reproché aux campagnes lancées par le ministère de la Santé leur caractère trop classique et pas assez offensif. Le discours du ministre de la Santé se veut pédagogique lorsqu'il assure que «ceux qui sont intubés, c'est zéro vacciné, pour les décès, 96 sur 100 n'étaient pas vaccinés. 80% des malades hospitalisés n'étaient pas vaccinés. C'est édifiant». Mais il est difficile d'en mesurer l'impact. Les journées fil rouge au niveau des radios et des télévisions ont, quant à elles, atteint leurs limites, forçant les pouvoirs publics à prendre un autre virage, si ce n'est celui de la vaccination obligatoire, celui de la mise en place de contraintes pouvant pousser les plus réticents à prendre le chemin des centres de vaccination. C'est ce que beaucoup de pays ont fait en instaurant le pass vaccinal pour l'accès à de nombreux espaces. A défaut de pouvoir convaincre les plus réticents des bienfaits de la vaccination, c'est en portant atteinte à leur liberté de circuler dans de nombreux espaces recevant du public qu'ils finiront par adhérer à la vaccination. Beaucoup de personnes réticentes ont bien fini par se faire vacciner pour espérer pouvoir voyager. C'est la philosophie du pass vaccinal adopté par plusieurs pays depuis un moment déjà. Certains pays sont même partis plus loin en imposant la vaccination à certains corps de métier. En France, par exemple, la vaccination est obligatoire pour tous ceux qui travaillent au contact des personnes fragiles. Cela concerne plus d'une dizaine de fonctions. L'Autriche a sauté le pas en instaurant la vaccination obligatoire dès le mois de février prochain. En Algérie, le débat sur l'obligation de la vaccination n'est pas engagé. Du moins, pas encore. N. I.