ing�nieur d�Etat en informatique, master en technologie et management de l�environnement, membre du conseil national du RCD Il convient d'abord de souligner que l'engouement suscit� par la sortie du livre de Sa�d Sadi, Amirouche, une vie, deux morts un testament est un fait rare dans le paysage de l��dition en l'Alg�rie. Cela est probablement d� au fait de la rencontre des deux personnages : Amirouche qui demeure dans l'imaginaire populaire un symbole de d�termination et de sacrifice dans la lutte de l'Alg�rie pour son ind�pendance, et l'auteur lui-m�me, peu enclin � se satisfaire de lieux communs. Dans un pays �touff� par les non-dits et les codes occultes, il est utile de chercher � comprendre pourquoi la rencontre de ces deux parcours a provoqu� un tel s�isme. Qui est Amirouche ? Et par voie de cons�quence, sur un sujet confisqu� et instrumentalis� par le r�gime, qui n��tait-il pas ? On ne pouvait attendre moins que ces questions soient au c�ur du livre de la part d'un homme politique incarnant la visibilit� d'une alternative d�mocratique. Les r�actions, marqu�es par la haine, orchestr�es par le pouvoir dans un premier temps, n'ont pas tard� � donner le signal � d'autres �crits plus sophistiqu�s mais toujours int�ress�s de casser de l'opposant, du Kabyle et m�me de l'�ultralib�ral �, apprend-on r�cemment. En effet, pour la plupart des intervenants, la sortie du livre fut essentiellement une occasion de minimiser sinon nier la s�questration des restes des colonels Amirouche et Haoues et de faire le proc�s des positions politiques du pr�sident du RCD, la m�diatisation �tant garantie. Contagion n�gationniste Sur ce dernier registre, la palme revient aux cryptostaliniens. Ces derniers, r�duits partout dans le monde � ne revendiquer qu�un d�bordement � gauche de la sociald�mocratie, sont, dans une certaine mesure, dans leur r�le en cherchant � survivre. Les chefs-d��uvre de confusion sign�s par M. Teguia dans Le Soir d�Alg�rie n�attestent pas seulement d�une lecture � caract�re s�lectif, qui ne pr�te attention qu�� ce qui pourrait concerner les objectifs poursuivis, mais participent de la persistance dans l�errance id�ologique d�un courant que les plus lucides de ses acteurs n�ont pas encore r�invent�. La quasi-totalit� des cadres de l�ex- PAGS a tir� avec dignit� les le�ons d�un combat qu�elle a sinc�rement �pous�. Les ultimes reliquats de cette tendance n�en sont m�me plus � r�cup�rer et d�tourner les revendications �des masses laborieuses� mais � r�interpr�ter le monde et � d�nigrer ce que font les autres. Plus grave et plus pr�occupant est, sans doute, la convergence de ces attaques avec une v�ritable compagne n�gationniste sur les origines, les acteurs et les prolongements du Mouvement culturel berb�re, matrice d�mocratique de l�Alg�rie ind�pendante. Brutalement, des militants de l�ex-UNJA/CNE se revendiquent comme �les t�tes pensantes � d�Avril 1980 et rejoignent cette cohue avec un point commun : minimiser le leadership de Sa�d Sadi, allant m�me jusqu�� �crire qu�il n�a pas �t� arr�t� le 20 avril ! Il en est m�me qui avouent que leur but dans le recueil et la publication des t�moignages d�acteurs et de t�moins du Printemps berb�re est pr�cis�ment cet objectif. On ne peut d�ailleurs s�emp�cher de s�interroger sur l��mergence de cette pol�mique kabylo-kabyle qui tente de polluer le d�bat soulev� par le livre de Sa�d Sadi quand au d�tournement de notre pass� collectif. Il ne faut pas et il ne peut pas se faire qu�Avril 1980 con�u pour donner une vision nouvelle et contraire aux m�urs du parti unique subisse le sort r�serv� au 1er Novembre et � la Soummam. A ce titre, chaque acteur d�Avril 1980 est interpell�. Lignage politique et l�gitimit� Mais l'objet de cette intervention n'est pas de recenser ou de cataloguer des r�actions qui n'ont certainement pas alt�r� l'in�puisable source d�inspiration de la culture de l�intrigue et de l�opacit�. Dans ces manipulations de l�histoire et de l�identit�, l�antikabylisme figure en bonne place, l�origine commune de l�auteur et du chef de la Wilaya III n�a probablement pas contribu� � dissoudre un fantasme r�current et constitutif des visions officielles. Cependant, un fait doit �tre compt� � d�charge : les militants issus de Kabylie ont, eux aussi, pris l'habitude de s'effacer pour �sauvegarder l'unit� des rangs�. Comme si, quelque part dans la m�moire de tous, il �tait �crit que l'incarnation de la Nation, devant proc�der d'un �lignage� pr�cis, ne peut �tre le fait d'hommes ou de femmes qui se suffisent de leur alg�rianit� et qui revendiquent et assument leur autonomie de pens�e. Assez curieusement, l�ouvrage qui a d�clench� la fureur de tant d�agents, qu�a priori rien ne rapproche, n�est ni violent ni manich�en. Nuanc�, il essaie de comprendre une p�riode de notre pass� en contextualisant les situations. L�auteur, sans doute averti des attaques qui l�attendaient, s�interdit de juger et pr�vient qu�il ne s�agit pas de rechercher, un demi-si�cle apr�s l�ind�pendance, �des acteurs r�pondant � des crit�res de lutte tels qu�on voudrait les concevoir aujourd�hui �. Du reste, si l�on excepte un des derniers commentateurs qui sugg�re, sans trop insister, que les documents �peuvent �tre des faux� aucun n�a contest� un fait ou un t�moignage constituant la trame du livre. La lev�e de boucliers nationale est donc � rechercher ailleurs. L�ouvrage, qui apporte avant tout un �clairage sur le parcours politique du chef historique de la Wilaya lesquels tout est doute. Il y a m�me des responsables marginalis�s, voire sanctionn�s qui, du jour au lendemain, reprennent leur place dans l��chiquier sans que cela ne soul�ve ni interrogation ni indignation. Etant du s�rail, le conditionnement de la m�moire les replace automatiquement dans leur fonction. Le cas de l�actuel chef de l�Etat est exemplaire de cette capacit� du r�gime � r�cup�rer et recycler sa substance. Or, ni Amirouche ni Sa�d Sadi n�appartiennent � cette lign�e qui l�gitime, par principe, le statut d�un responsable. C�est la mise � nu de ce code non �crit qui impose les normes du pouvoir et de la m�moire qui soul�ve la temp�te politicom�diatique ayant suivi la sortie du livre de Sa�d Sadi. Un article comme celui-ci ne peut �puiser un tel d�bat qui, au fond, renvoie � la nature m�me du projet national en Alg�rie. Culture et d�veloppement L'accumulation de richesses mat�rielles et de puissance est une parfaite illusion si, au pr�alable, les fondamentaux de choix culturels et civilisationnels ne sont pas faits pour porter et alimenter une dynamique sociale et �conomique durable. D�nier � un homme politique de se pr�occuper de l'identit� et de l'histoire, c'est indirectement ne pas lui reconna�tre le droit � la repr�sentation populaire (nationale) ou � l'incarnation d'un id�al politique et social. De m�me que Boumediene a voulu exclure Amirouche de la repr�sentation symbolique nationale, les fraudes �lectorales v�rifient, scrutin apr�s scrutin, que le courant politique d�fendu par Sa�d Sadi ne peut �tre admis dans la carte politique alg�rienne pour cause de non-compatibilit� g�n�alogique avec le syst�me en place depuis l�ind�pendance et m�me avant. Comment peut-on croire qu'un homme politique n'est pas dans son r�le en traitant de questions d'histoire dans un pays o� l'essentiel des rep�res identitaires est confisqu� par le r�gime, pr�cis�ment pour une question de pouvoir ? A suivre la plupart des intervenants, le squattage syst�matique par l'islamisme de tous les espaces abandonn�s par le r�gime est un moindre mal, si c�est pour voir des acteurs ��trangers � la lign�e� venir bouleverser une matrice o�, finalement, chacun trouve son compte. A supposer que la politique �conomique en cours vienne au secours des millions d'Alg�riens qui manquent de l'essentiel � le doute �tant plus que permis � la formule magique qui voudrait que le progr�s �conomique conduise in�vitablement vers la rationalit� et la tol�rance, voire la s�cularit� est battue en br�che par les r�alit�s de la fin du si�cle dernier. Samuel P. Huntington(*) rapporte qu'en 1989, l'Asie centrale se suffisait de 160 mosqu�es, en 1993 elle en comptait 10 000 ! Les mains et les mannes de l'Arabie Saoudite et de l'Iran n'expliquent pas tout. Des d�cades de communisme en ex-URSS n'ont pas produit d'autres sources d'identification. Les premiers signes d'�croulement du stalinisme sonnent la ru�e vers l'Eglise orthodoxe. Les traumatismes v�cus par le pays dans les ann�es 1990 sont le r�sultat direct de l'activisme islamiste et de l'acc�l�ration de �l'islamisation � de la vie institutionnelle durant la crise �conomique de la d�cennie 1980. Mais ceci n'aurait pas �t� possible, en tout cas pas sur une telle �chelle, si l�on n�avait pas r�prim�, y compris par le sang, une autre alternative d'identification politique, sociale et culturelle. Aujourd'hui, croire que cette douloureuse �preuve va se r�sorber spontan�ment en d�faveur de l'id�ologie islamiste du seul fait que les Alg�riens ont �exp�riment� les islamistes rel�ve, au mieux, de la na�vet�. Dire que l'islamisme influence un important segment de la soci�t� et qu'il faut en tenir compte est une �vidence. Le probl�me est que ceux qui, confortablement, renvoient dos � dos les islamistes et les militants de l'opposition d�mocratique qui pr�nent la s�cularisation de la vie politique ne s'autorisent � �donner des le�ons� qu'� ces derniers. Eclairer l�histoire pour lib�rer l�avenir A l'instrumentalisation de l'identit� et de l'histoire depuis l'ind�pendance s'ajoute, aujourd'hui, un autre brouillage de la m�moire collective par le refus de tout processus de v�rit� pour tourner la page de dix ann�es de violence afin de donner une chance � une transition d�mocratique. Quel leader politique, quelle �lite, peut s�rieusement ignorer ou faire croire que ces questions ne sont pas fondamentales et qu�elles rel�vent d'abord de l'engagement et de la lucidit� ? Le croisement du parcours du colonel Amirouche et du projet d�fendu par Sa�d Sadi d�range. Un des protagonistes qui s�est invit� au d�bat a m�me profit� de l�occasion pour d�cider que tamazight devait s��crire en caract�res arabes ! Cette rencontre qui pose, au moins en partie, le diagnostic � la crise ouvre une vraie piste � sa solution. Il est utile, maintenant que les gardiens du temple de tous poils se sont tous exprim�s, que commence enfin le douloureux et salutaire d�bat sur l�histoire et l�avenir de notre pays. O. S. (*) Samuel P. Huntington, The clash of civilizations and the remaking world order.