Depuis plusieurs ann�es, de plus en plus de voix se font entendre dans le pays en faveur d�un �plan cancer�. Le but recherch� est d�essayer d�initier un d�bat public sur un sujet de plus en plus sensible au vu du nombre croissant de patients atteints par cette maladie, des difficult�s qu�ils rencontrent au quotidien au niveau de leur prise en charge th�rapeutique et des co�ts humains, sociaux et �conomiques de plus en plus �lev�s li�s � cette pathologie. Par le docteur Ameur Soltane, chirurgien thoracique � l�h�pital Mustapha-Pacha. Ces voix ne se r�sument plus seulement � celles de quelques m�decins s�int�ressant de pr�s ou de loin � la question, mais de plus en plus de citoyens et d�associations de la soci�t� civile se joignent � elles pour exprimer leur d�sarroi et leur incompr�hension face la situation qui pr�vaut actuellement. En �cho � ce bruit de fond, d�autres voix provenant, entre autres, des administrations en charge de la sant� se sont fait r�guli�rement entendre ces derni�res ann�es, pour dire et redire par m�dias interpos�s, que non seulement �le plan cancer� existait, mais aussi que l�Alg�rie disposait d�une manne financi�re suffisamment importante pour pouvoir faire face, dans la dur�e � tous les probl�mes pos�s par ce fl�au des temps modernes qu�est le cancer, cr�ant ainsi une confusion sur ce que devraient les objectifs et la mise en �uvre de ce plan. A croire que l�on ne parle pas du tout des m�mes choses. D�o� la n�cessit� d�ouvrir le d�bat sur cette question apparemment simple, mais qui s�est montr�e redoutablement compliqu�e au cours des derni�res ann�es, puisque l�Alg�rie ne s�est toujours pas dot�e d�un plan. Un plan de lutte contre le cancer c�est quoi ? Ou du moins, cela devrait-il �tre quoi, dans un pays comme le n�tre ? Avant toute chose, il faut rappeler que sous le vocable g�n�rique de cancer, l�on d�signe environ 200 affections diff�rentes ayant toutes en commun un d�veloppement cellulaire anarchique, mais dont les �tiologies et le g�nie �volutif peuvent �tre extr�mement diff�rents. Il est important de savoir qu�en 2010, et probablement pour encore quelques ann�es, les m�canismes fondamentaux qui font qu�une cellule va en quelque sorte devenir �folle, et se multiplier � l�infini, tout en d�truisant son environnement� ne sont toujours pas connus malgr� les efforts colossaux consentis par l�homme en mati�re de recherches scientifiques. Corollaire de cet �tat de fait, il n�existe pas encore de m�dicament miracle qui puisse gu�rir tous les cancers et ce, m�me si les strat�gies th�rapeutiques d�ploy�es au cours de ces derni�res d�cennies peuvent parfois donner des taux de gu�rison de certains cancers avoisinant les 100% quand ils sont diagnostiqu�s pr�cocement, et que dans d�autres rares autres cas il est actuellement possible de �chroniciser � cette maladie, mais, malheureusement, souvent � des co�ts prohibitifs. S�il est vrai que la sant� d�un proche n�a pas de prix, elle n�en a pas moins un co�t. Ce qui pose un certain nombre de questionnements incontournables parmi lesquels ceux qui concernent la hauteur de l�enveloppe financi�re disponible pour la sant�, la r�partition �quitable des fonds publics entre tous les patients pour permettre un acc�s �gal � des soins de qualit� pour tous les citoyens, et la disponibilit� des moyens de traitement pour ce qui peuvent �ventuellement les payer en se passant de l�argent de l�Etat. L�argent peut para�tre un aspect secondaire dans la mise en �uvre des strat�gies, mais encore faut-il en disposer et savoir l�utiliser � bon escient. Il est illusoire de penser r�gler tous les probl�mes pos�s par la prise en charge des canc�reux en respectant des normes de qualit� universellement admises par un coup de baguette magique, tant le retard pris dans tous les domaines est grand. Par contre, il est possible, comme d�ailleurs le pr�conise l�OMS, de mettre en �uvre de strat�gies nationales de lutte contre le cancer se projetant dans l�avenir et fond�es sur la pr�vention, le d�pistage, le diagnostic pr�coce, le d�veloppement des connaissances li�es � cette pathologie� afin de diminuer la charge des cancers sur notre population, mais aussi de notre �conomie. Il est �vident que l��laboration et la mise en �uvre de ces strat�gies doivent n�cessairement �tre consensuelles et faire appel � toutes les bonnes volont�s participant de pr�s ou de loin � la prise en charge th�rapeutique des canc�reux et pas seulement aux m�decins et aux administratifs. Si l�on reprend les chiffres publi�es ces derni�res ann�es, l�on compterait actuellement en Alg�rie entre 30 000 et 45 000 cas de nouveaux cancers diagnostiqu�s chaque ann�e toutes localisations confondues, pour une pr�valence globale (nombre global de cancers existant dans le pays) de l�ordre de 250 000 cas. Les estimations des d�c�s li�s aux diff�rents cancers avoisineraient les 20 000 par an, ce qui en fait en Alg�rie la deuxi�me cause de mortalit� apr�s les maladies cardiovasculaires, ces chiffres semblant bizarrement stables depuis un certains nombre d�ann�es. Les cancers les plus fr�quents �tant celui du sein chez la femme, du poumon chez l�homme, suivi par le colon si l�on prend en compte les deux sexes, mais du fait des �volutions soci�tales, le cancer de la prostate aura tendance � �tre de plus en plus fr�quent. Si ces strat�gies ne sont pas mises en place pour le combattre de mani�re �nergique, la mortalit�, la morbidit� ainsi que les co�ts sociaux, humains, et �conomiques du cancer dans notre pays vont aller en augmentant dans les ann�es, voire les d�cennies � venir du fait de la croissance d�mographique (44,8 millions d�Alg�riens en 2025), des progr�s li�s au syst�me de sant� (notamment la progression tr�s importante de l�esp�rance de vie : esp�rance de vie � la naissance, de 75,5 ans pour les hommes et de 76,5 ans pour les femmes, beaucoup de cancers �tant le fait des individus de plus de cinquante ans), les changements dans nos habitudes de vie que ce soit au niveau des habitudes alimentaires ou de la s�dentarit�, l�absence de lutte efficace au niveau du terrain contre le tabagisme (combien existe-t-il de consultations r�ellement d�di�es � l�aide au sevrage tabagique en Alg�rie qui fonctionnent selon des normes universelles, que fait-on au niveau des �coles en dehors du 31 mai, journ�e mondiale contre le tabac ?), enfin, tout ce qui est en rapport avec la d�gradation de l�environnement (pollution, amiante, radon, pesticides, cancers professionnels�) Si nous restons sur cette trajectoire, combien y aura-t-il de canc�reux dans notre pays en 2025 ou 2050 ? Quel sera alors le co�t du cancer pour l�Alg�rie tant au point de vue social, humain qu��conomique ? L�avenir peut donc au moins sur ce sujet faire l�gitimement peur en Alg�rie� Et ce, d�autant qu�actuellement si l�on en croit certaines sources autoris�es, seul un tiers des patients, soit entre 6 200 � 8 000 patients pour une estimation globale d�environ 20 000 patients, n�cessitant un traitement par radioth�rapie y ont acc�s. De m�me, il semblerait que plus de 13 000 canc�reux seraient en attente de traitement par chimioth�rapie. Pour ce qui est des tumeurs solides, une autre estimation tout aussi alarmante fait ressortir qu�environ deux tiers des cancers sont diagnostiqu�s � un stade tardif, � un moment o� les traitements chirurgicaux (souvent les plus efficaces et les plus efficients en terme de survie sans tumeur � cinq ans) n�ont plus de raisons d��tre. Pour ce qui est de la prise en charge de la douleur, des soins palliatifs et de l�accompagnement, tout reste pratiquement � faire. Et pour illustrer le tout, l�une des armes diagnostiques les plus fiables � notre �poque, � savoir le Petscan est inexistant dans notre pays, pour ne pas parler du nombre ridicule de mammographes qui y existent actuellement� Cette situation est d�autant plus pr�occupante que pour certains professionnels, le nombre de canc�reux recens�s en Alg�rie est tr�s certainement sousestim�, et qu�ils s�interrogent sur les soubassements scientifiques de ces chiffres en demandant sur quels et combien de travaux scientifiques ils reposent ? Combien d�enqu�tes nationales ontelles �t� r�alis�es depuis celle de 2002 ? Combien de registres r�gionaux des cancers valid�s par le CIRCC existent et fonctionnent conform�ment � la norme ? Combien d�enqu�tes sur le terrain ont-elles �t� r�alis�es sur les facteurs de risques ? Sur le tabac, sur les pesticides, sur l�amiante, sur les h�patites ? Quels sont les chiffres au niveau national, r�gional, local ? Par quelles institutions ont-ils �taient valid�s ? Et enfin, quand ils existent, avec quel financement ontils �taient r�alis�s (Etat, firmes commerciales, institutions non gouvernementales, coop�ration internationale, organismes internationaux�)? L�Alg�rie consacrerait actuellement 8% du PIB � la d�pense de sant�, ce qui repr�sente moins de 500 dollars de d�pense de sant� par Alg�rien, alors que les pays d�velopp�s consacrent � la sant� de leur citoyens 2 000, 3 000, voire plus de 4 000 dollars par individus. A la lumi�re de ces chiffres, se pose la question de savoir si nous pouvons, tout en gardant notre syst�me de protection sociale actuelle, offrir � nos concitoyens une m�decine curative de m�me qualit� que celle des pays avanc�s et par quels chemins y parvenir ? Ceci en sachant qu�au si�cle o� nous vivons, les r�alisations dans le domaine de la sant� existant dans les pays d�velopp�s p�n�trent quotidiennement dans tous les domiciles du pays par la t�l�vision et Internet. Un ambitieux programme pour la construction de nouvelles structures de soins sp�cifiques aux cancers a �t� mis en chantier pour la p�riode 2006-2009, ce programme pr�voyait la r�alisation de 15 centres anticanc�reux, comportant tous des services de radioth�rapie. Si l�on fait le d�compte du nombre de ces structures actuellement totalement op�rationnelles, la conclusion saute imm�diatement aux yeux : ce programme est toujours en cours de r�alisation, et ce, probablement encore pour de nombreuses ann�es. Il est, certes, n�cessaire d�investir dans la r�alisation de ces structures qui sont incontournables pour la prise en charge de nos patients, mais cela n�est pas suffisant. Dans un pays du niveau �conomique de l�Alg�rie, il nous faut faire preuve d�imagination pour mettre sur pied des strat�gies ayant pour objectifs de pr�venir le tiers des cancers qui sont �vitables, d�pister et faire le diagnostic pr�coce de l�autre tiers qui est actuellement gu�rissable, assurer des soins de supports � ceux des canc�reux dont la maladie ne peut �tre vaincue tout en leur assurant une fin de vie qui soit la plus digne possible, et enfin de r�cup�rer la connaissance et le savoir outre m�diterran�e en vue de le diffuser dans toute la soci�t� tout en �vitant de laisser ce savoir devenir un simple instrument de pouvoir au service de quelques �lites sans utilit� pour les patients. Pour que cela soit possible, il est n�cessaire que cette strat�gie puisse f�d�rer sans aucune exclusive toutes les �nergies qui pensent, travaillent et luttent contre le cancer, tout en mobilisant la soci�t�. Pour cela, il n�est d�autre alternative que d�assurer la consensualit� et la transparence de toutes les actions qui doivent entourer l��laboration et la mise en �uvre de cette strat�gie. Voil� le plan cancer auquel nous pensons. Le 6 f�vrier 2006, lors d�un entretien avec un journaliste, � la question : que peut-on attendre d�un plan national de lutte contre le cancer ? nous r�pondions : �L�objectif essentiel d�un plan national de lutte contre le cancer est de r�duire la mortalit� et la morbidit� canc�reuses, tout en am�liorant la qualit� de vie des populations vis�es par la mise en �uvre syst�matique et �quitable de strat�gies de pr�vention, de d�tection pr�coce, de diagnostic, de traitement et de soins palliatifs reposant sur des donn�es concr�tes en tirant le meilleur parti possible des ressources disponibles. Il est �vident que ces structures en charge de la mise en application du plan cancer ne peuvent �tre des structures de soins, m�me si elles doivent �tre dirig�es par des professionnels du domaine. Ces structures devront, entre autres, avoir pour missions : - de coordonner sur le terrain les diff�rentes actions pr�vues par le plan de lutte contre le cancer et de mobiliser toutes les �nergies humaines n�cessaires � la concr�tisation de ces actions ; - d��valuer l�ensemble de ces actions et leur imaginer des correctifs et travailler � trouver les ressources humaines et mat�rielles n�cessaires � la r�alisation des diff�rents objectifs de ce plan ; - de mettre en �uvre les conditions au sein du syst�me de sant� d�un acc�s �gal, pour tous les malades, � des soins de qualit� conformes aux r�f�rentiels de pratiques cliniques existants et maximisant les chances de gu�rison ; - de d�finir les r�f�rentiels de bonnes pratiques et de prise en charge en canc�rologie et les crit�res d�agr�ment des �tablissements et des professionnels pratiquant la canc�rologie ; de participer � la mise en place et � la validation d�actions de formation continue des m�decins et des param�dicaux ; - de mettre en �uvre, de financer et de coordonner des actions de recherche, en liaison avec les organismes publics de recherche et les associations caritatives concern�es ; - et de faire mieux reconna�tre la notion de consentement �clair�e (les patients devant �tre enti�rement inform�s des objectifs, des risques et des avantages de tout essai clinique) ; - d�velopper et suivre des actions publiques et priv�es dans les domaines de la pr�vention, de l��pid�miologie, du d�pistage, de la recherche, de l�enseignement, des soins et de l��valuation. De telles r�flexions peuvent para�tre utopiques, pourtant si l�on veut �tre en mesure de diminuer la mortalit� et les souffrances li�es aux diff�rents cancers dans les ann�es � venir, il est n�cessaire d��tre audacieux et de s�en donner les moyens non seulement humains et mat�riels, mais aussi institutionnels. L�id�al serait que les structures en charge du plan de lutte contre le cancer soient assises sur un socle l�gislatif solide pour leur permettre non seulement de travailler dans la s�r�nit�, mais aussi d�avoir la visibilit� n�cessaire, car s�installer dans la dur�e est une n�cessit� si l�on veut que ce plan soit efficace�� Quatre ans plus tard, alors que l�on en aurait pu en �tre aux premi�res �valuations en mati�re d��pid�miologie, de pr�vention, de d�pistage, de diagnostique pr�coce, de traitement en particulier pour ce qui est des soins palliatifs, dans le but de mieux pr�parer de concevoir un deuxi�me plan plus performant que le premier, l�on en est toujours � courir apr�s des enveloppes financi�res sans cesse croissantes, mais toujours insuffisantes destin�es � importer des m�dicaments et des machines de traitement, tout en laissant les chiffres d�incidence des cancers �voluer � leur guise. C�est pour toutes ces raisons que nous appelons de tous nos v�ux la mise en place de ce plan de lutte contre le cancer. Un plan cancer qui ne sera f�d�rateur que s�il est consensuel, r�unissant toutes les parties impliqu�es dans la lutte contre les cancers et des facteurs de risque (tabac, amiante, pesticides, certaines infections, ob�sit�). Un plan qui ne sera mobilisateur que s�il est pens�, �labor� et mis en �uvre dans la plus compl�te transparence et ce, depuis le d�but du processus d��laboration, pour que les responsables d�sign�s pour mener � bien cette mission ne puissent cacher leur inertie derri�re l�anonymat et les m�canismes de fonctionnement de nos administrations. Un plan qui ne sera op�rationnel que s�il est g�r� par une institution relevant de l�Etat et qui lui serait totalement d�di�e. Enfin, l�argent �tant le nerf de la guerre, ce plan devra �tre pourvu d�un budget propre consacr� � la concr�tisation de ses missions et qui pourrait par exemple �tre pr�lev� sur la �taxe additionnelle sur le tabac�, qui a �t� fix�e � 9 DA/paquet de cigarettes par la loi de finances 2010, des centaines de millions de paquets de cigarettes �tant vendus en Alg�rie chaque ann�e. C�est �ce plan cancer� associant transparence, efficacit�, efficience, lisibilit� et visibilit� que nous aimerions avoir � �valuer dans quatre ans dans le but de pr�parer le deuxi�me plan� Projet d�autant plus r�alisable que toutes les conditions semblent actuellement r�unies, y compris la volont� politique sans laquelle tout plan de lutte contre le cancer ne serait qu�une coquille vide.