Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] L�Alg�rie se d�sindustrialise. C�est � pr�sent le Premier ministre lui-m�me qui le souligne : �(�) l�industrie se voit de plus en plus marginalis�e, et n�a particip� qu�� pr�s de 5% de la valeur ajout�e globale de l�ann�e derni�re, soit moins que la part de l'administration. Cette situation est anormale au moment o� la demande locale de produits manufactur�s n�a jamais �t� aussi importante.� Et nous pouvons ajouter, pour notre part, que cette situation est d�autant plus anormale que, d�s 1966, c�est dans l�industrialisation que nous devions trouver notre bonheur. Le Premier ministre explique cette situation par des constats sans jamais nous �clairer sur ce qui est � l�origine des dysfonctionnements. Pour les entreprises priv�es, nous dit-il, les raisons de la crise sont au nombre de trois : 1/ D�abord les propres difficult�s financi�res des entreprises elles-m�mes. Question : d�o� viennent ces difficult�s ? alors m�me que de l�aveu du Premier ministre lui-m�me �la demande locale de produits manufactur�s n�a jamais �t� aussi forte� (Sic) . Il y a certainement des causes � ces difficult�s financi�res qu�il faudra analyser. 2/ Un environnement hostile avec notamment un secteur informel qui prosp�re, �crasant tout sur son passage. Question : pourquoi ce secteur informel n�est-il pas pris en charge par l�Etat qui, pourtant, a promulgu� une loi sur la concurrence ? Ce secteur informel, �autoris� par l�Etat, explique d�ailleurs pour une bonne part les difficult�s financi�res des entreprises industrielles priv�es. 3/ L�augmentation de la disponibilit� des produits �trangers sur le march� alg�rien qui a enlev� aux producteurs locaux d�importantes parts de march�. Question : pourquoi l�Etat s�est-il lanc� dans une politique d'ouverture commerciale tous azimuts, qui a p�nalis� des industries priv�es naissantes, d�autant que le Premier ministre lui-m�me observe �une concurrence croissante des produits �trangers avec la progression du d�mant�lement tarifaire. Cela a conduit nombre d�industriels � abandonner cette activit�? S�agissant de l�industrie publique, le Premier ministre �voque deux grandes raisons � sa crise qui perdure : 1/ Les entreprises publiques industrielles sont destructur�es financi�rement. Question : on le sait depuis 1978 (1�re restructuration financi�re) et on avait d�j� conclu � l��poque que la cause principale de la non-performance des entreprises publiques tient � leur mode de gestion et � la pr�sence directe dans celui-ci de l�Etat. C�est bien pour cela d'ailleurs, que la d�cision a �t� prise de lancer la privatisation � l�instar de ce qui s�est pass� dans tous les pays gestion publique directe des entreprises �tatiques, et notamment dans les pays socialistes, la privatisation coupant le cordon ombilical, qui lie l�entreprise publique au budget de l�Etat et introduisant des contraintes d�efficacit�. 2/ La seconde raison invoqu�e par le Premier ministre pour expliquer la crise de l�industrie publique est l�absence de repreneurs tant nationaux qu��trangers, lors du lancement de la privatisation. Question : pourquoi la privatisation a-t-elle �chou� chez nous et pourquoi n�a-t-on pu trouver des repreneurs alors m�me que partout ailleurs o� il y a eu des programmes de privatisation, l�op�ration a abouti. Comme on peut le voir, autre chose est de faire un constat des dysfonctionnements et autre chose est de produire une analyse . En ce qui concerne notre industrie, et de mani�re plus g�n�rale, notre �conomie, cette analyse a �t� faite plusieurs fois depuis 1988 et des consensus ont pu �tre �tablis : la crise est syst�matique, la crise est structurelle et exige des r�formes profondes, un changement de syst�me �conomique, une transformation radicale du mode de gestion de l��conomie. H�las, le gouvernement actuel semble ne pas avoir compris tout cela, et nous sommes en train de r�p�ter nos erreurs, en train d�emprunter ce m�me chemin qui nous a conduits � l�impasse. Jugeons-en. Les propositions d�action du gouvernement Dans la d�claration de politique g�n�rale du gouvernement, le Premier ministre affirme que le gouvernement, pour sortir notre industrie de sa crise, s�engage � : 1/ Mettre en place les instruments d�une plus grande implication de l�Etat dans l�investissement industriel. 2/ Relancer les entreprises publiques disposant d�un march� mais dans le contexte actuel, toutes nos entreprises publiques sont �ligibles � des parts de march� ! A. B.). 3/ Soutenir la mise � niveau des entreprises priv�es (mise � niveau qui reste, il faut le rappeler, bas�e sur le volontariat). 4/ Amener les op�rateurs �trangers � s�engager en Alg�rie, en valorisant la carte du march� alg�rien, et les avantages de notre code d'investissement (qui, h�las, est de moins en moins avantageux et non concurrentiel avec les l�gislations des pays voisins ! A.B.). Constatons ensemble : l�Etat interventionniste, l�Etat gestionnaire et investisseur est de retour. Bref, revoil� l��conomie alg�rienne des ann�es 70. Centralement administr�e, � dominante publique et peu soucieuse de calcule �conomique. Tout se passe comme si l�Alg�rie a eu une panne g�n�rale d��lectricit� depuis 1980, et en 2009, revoil� la lumi�re : on reprend l�ouvrage l� o� l�a laiss� lors de la panne. Mais, en trente ann�es, que de choses ont chang� : d�abord l��conomie s�est mondialis�e, le mur de Berlin est tomb�, les strat�gies industrielles des firmes globales ont beaucoup �volu�, les �conomies anciennement sous-d�velopp�es ont �merg� et sont aujourd�hui des concurrents suppl�mentaires dont il faut tenir compte. Au plan national aussi, les choses ont chang� : une jeunesse nombreuse, beaucoup plus instruite et mieux form�e, une �volution consid�rable des besoins, un rapprochement � grands pas de l��puisement des r�serves de p�trole puis de gaz, une d�pendance alimentaire bien plus lourde � g�rer, une industrie � genoux et incapable de garder ses parts de march� int�rieur malgr� les aides r�p�t�es de l�Etat et, bien �videmment, totalement inapte, dans sa structuration actuelle, � aller � la bataille sur les march�s ext�rieurs. Comment dans ces conditions, atteindre d�ici 4 ans les objectifs fix�s par le Premier ministre de points de naissance annuelle pour l�agriculture, 10% la part de l�industrie dans le PIB, et un taux de ch�mage � 1 chiffre ?! Nous ne cesserons de la r�p�ter : l�Alg�rie a besoin d�un nouveau r�gime de croissance fait de structuration industrielle offensive, de r�habilitation de l�entreprise notamment priv�e, de mise en place d�une r�gulation efficace, de r�forme profonde du climat des affaires, de construction de facteurs de comp�titivit�. On le voit bien : l�issue n�est pas dans le retour � un ��ge d�or� � oublier d�finitivement, mais bien plut�t � des politiques courageuses innovantes, r�formatrices. Les batailles d�arri�re garde n�ont jamais produit de victoire. Reprenons � notre compte cette belle m�taphore : �Les r�formes sont comme des chaussures neuves : au d�but, elles font mal, mais apr�s, la d�marche est plus s�re et plus confortable.�