Le Reage, ou R�seau des cadres alg�riens dipl�m�s des grandes �coles et universit�s europ�ennes, f�tait, vendredi dernier, � Paris son 5e anniversaire en pr�sence de tr�s nombreuses personnalit�s alg�riennes et fran�aises. C��tait l�occasion d��couter Fetah Ouzzani, son pr�sident, et les membres du R�seau parler des ambitions de ce R�seau et des clubs qui le composent. Au programme de cette soir�e anniversaire, une conf�rence portant sur le plan quinquennal 2010-2014 donn�e par l��conomiste Abdelhak Lamiri, un brillant hommage rendu par Ghaleb Benchikh au professeur Arkoun (voir ci-contre) et, enfin, un expos� de l�ambassadeur d�Alg�rie en France, Missoum Sbih, ax� particuli�rement sur les relations bilat�rales Alg�rie-France. De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed Apr�s avoir �volontairement � privil�gi� l�action f�d�ratrice, le Reage est entr� aujourd�hui dans une nouvelle �tape, celle de la maturit�, de la pr�cision des objectifs et de l�engagement du r�seau dans le d�veloppement du pays ; un engagement � la mesure des comp�tences qui le composent. En cinq ann�es d�existence, ce r�seau a pris racine dans l�Hexagone et essaim� par le biais d�antennes en Alg�rie, mais aussi les Emirats et le Canada. Les nombreuses comp�tences qui forment ce r�seau, fort aujourd�hui de 2 000 membres � alors qu�ils n��taient que cinquante au d�part � touchent divers secteurs qui l�ont conduit � s�organiser en clubs : Club des entrepreneurs ; Club sant�, Club des d�veloppements des comp�tences ; Club des technologies de l�information et de la communication. Chaque bin�me pr�sidant aux activit�s de ces clubs est venu pr�senter ses objectifs, son bilan et son programme pour l�ann�e � venir. Anticiper, analyser et agir. Une triptyque des 3A qu�a d�velopp�e le bin�me du Club entrepreneurs, qui semble �tre l�approche adopt�e par tous les clubs qui s�inscrivent dans ce que Fetah Ouzzani consid�re comme une forte volont� des membres de Reage � �conjuguer la diversit� de nos parcours et � additionner nos ambitions pour contribuer au d�veloppement de l�Alg�rie et de sa communaut� � l��tranger�. R�sultat d�actions privil�giant l�action f�d�ratrice, aujourd�hui le bilan est, dixit le pr�sident du r�seau �globalement positif�. �D�bats, Forums annuels, conf�rences (une cinquantaine) sur des th�mes divers ; ateliers voyages d��tudes et �changes permanents ont rythm� l�action du r�seau durant 5 ans. Mais cela ne s�arr�te pas l�. �Le Reage est une vision et un cap strat�gique et se veut un vecteur de la relation �conomique entre les deux rives de la M�diterran�e.� �Le r�seau, qui a pris une dimension europ�enne, a aussi pour ambition de travailler au rayonnement de notre communaut� avec notre savoir-faire�, en le mettant au service du d�veloppement de l�Alg�rie. A cet effet, deux messages ont �t� lanc�s en direction des autorit�s alg�riennes. �Les comp�tences et expertises de Reage sont � votre disposition� est le premier message et le second se veut un ardent appel � ces m�mes autorit�s pour les remercier de l�accueil qui leur a toujours �t� r�serv� et qu�ils aimeraient voir se transformer en action. Pour ce faire, le r�seau appelle ces autorit�s � �faire �voluer les dispositifs actuels en direction des cadres alg�riens d�ici�. En pr�ambule � la conf�rence de Abdelhak Lamiri, qui devait pr�senter le plan quinquennal 2010-2014, Ouzzani Fetah, au nom des membres de son r�seau, a demand� au conf�rencier de r�pondre � trois questions : �Vers quel mod�le �conomique tend l�Alg�rie avec les r�cents changements intervenus et connus de tous ? Quels sont les secteurs strat�giques dans lesquels les cadres de la diaspora peuvent intervenir et quels sont les types de synergie et les opportunit�s pour les 400 000 cadres alg�riens � l��tranger (sur les 3 millions que constitue cette population dans le pays ? Quel est le mode d�emploi et comment faire pour y aller ?� Avant de r�pondre, l��conomiste a d�abord trac� l�historique de l��conomie alg�rienne, �voqu� les diff�rentes r�formes, restructurations, programmes d�ajustement pour aboutir au plan quinquennal qu�il pr�senta dans ses grandes lignes, avec les chiffres et les ratios les plus significatifs et ses consid�rations personnelles, en tant qu��conomiste, sur les options retenues par le pays. A cet effet, M. Lamiri consid�re que si l�Alg�rie a fait beaucoup et continue au plan �conomique, une vision � long terme reste cependant � construire. Il a pr�conis� l��laboration d�un plan Marshall � long terme et la cr�ation d�une vingtaine d�institutions de haut niveau pour la qualification de la ressource humaine dans tous les domaines et, enfin, une modernisation manag�riale et institutionnelle. Les TIC, par exemple, sont � introduire dans tous les domaines. Le management de projet, axe de travail des adh�rents de Reage, est �galement un secteur � investir, d�autant, pr�cise l�orateur, qu�il n�y a aucune �cole qui forme dans le domaine, que les projets avec ce plan quinquennal sont tr�s nombreux et que l�on a besoin d�avoir des managers de projets professionnels. Dans le domaine de la cr�ation de Pme/Pmi (450 000 � peu pr�s en Alg�rie, alors qu�il en existe 1 million 200 000 au Maroc), les besoins sont immenses. Ce sont l� autant de cr�neaux que les membres du Reage pourront investir. Missoum Sbih, ambassadeur d�Alg�rie en France, cl�turera avec une intervention ax�e sur les relations bilat�rales. Il a tenu � encourager les cadres alg�riens du Reage � intervenir au pays, �la conjoncture �tant particuli�rement propice�. K. B.-A. Vibrant hommage de Ghaleb Benchikh au professeur Arkoun Au cours de la soir�e consacr�e au 5e anniversaire de REAGE, un magnifique et tr�s �mouvant hommage a �t� rendu par Ghaleb Benchikh au professeur Arkoun. La qualit� de l�intervention nous a conduit � le publier dans son int�gralit�. Le 14 septembre dernier selon la formule consacr�e, si Mohamed Arkoun rejoignait le Compagnon supr�me, pour ceux qui croient qu�il y en a un, bien entendu. Il nous a laiss� un vide difficile � combler et nous sommes encore affect�s. Je teins � dire aussi, conform�ment � un vieil adage alg�rois populaire, �de son vivant il d�sirait une date et voil� qu�apr�s sa mort on lui a accroch� tout un r�gime�. Eh bien il en est de m�me pour si Mohamed. D�aucuns que je connais rejetaient violemment dans certains cas sa pens�e alors que d�autres commencent � la d�couvrir apr�s coup : un homme d�une extraordinaire capacit� � diss�quer quasiment au scalpel les concepts les plus fins. Actuellement dans les universit�s les plus prestigieuses, notamment au Mexique, au Japon, de partout, l�on est en train d��tudier sa pens�e. Combien de doctorants, combien d�hommes et de femmes sont en train de soutenir des th�ses sur la pens�e de si Mohamed. Sans �motion excessive, sans perdre la raison, j�ai envie de dire que c�est l�un des penseurs du XXe si�cle, en d�pit de la m�connaissance totale qui le caract�rise aupr�s du large public, de l�honn�te homme comme on dit ici en France, on pr�f�re gloser sur le margoulin de Nantes en boucle plut�t que d�aller �tudier et comprendre. Lui m�me qui nous a beaucoup enseign� qu�il faudrait distinguer le savoir comp�tence, le savoir critique de la simple connaissance croyance. Or, malheureusement en terme d�islamologie classique, pour beaucoup qui parlent d�Islam, ils laissent davantage l�axe � la fameuse connaissance croyance qu�au savoir critique. La meilleure fa�on de rendre hommage � un homme et aussi � un penseur de son talent, de son acabit, de sa connaissance et, si vous me pardonnez l�impudeur de dire un mot sur ma petite personne, je ne vous dirais pas comment j�ai pu h�riter d�une grande amiti� entre mon propre p�re et lui-m�me. C�est simplement que ces temps-ci je mesure avec gravit� et solennit�, d�autant plus qu�on m�avait demand� de suppl�er son absence pour toutes les conf�rences qu�il devait prononcer et qu�il ne peut plus faire, et donc je suis encore p�n�tr� davantage dans sa r�flexion, sa r�flexion posthume. Je la r�sumerai tr�s bri�vement peut-�tre avec mes propres mots. Si Mohamed tenait � ce que la foi qui peut aller de la spontan�it� la plus imm�diate mais dont il faut aussi qu�elle soit broy�e par la machine de l�entendement, il faut aussi qu�elle soit tamis�e par le filtre de la raison. Et lui disait que la foi doit �tre en qu�te d�intelligence et que toute son �uvre �tait l�intelligibilit� de la foi et qu�il faut comprendre le sacr� aussi comme une construction dans le temps d�acteurs sociaux et que ce n�est pas quelque chose qui est donn� qui s�impose par l�argument d�autorit�. Donc son id�e premi�re, son �uvre ma�tresse, sa pens�e se veut avant tout, il l�assume d�ailleurs comme telle et la revendique m�me, comme une pens�e subversive. Il assume totalement cette id�e subversive de la r�flexion, d�ailleurs mutadis mutandis il disait tout, elle est comme le discours proph�tique en son temps, est un discours subversif. Alors pour cela, il a un triptyque, tr�s belle id�e en trois actes, une approche ternaire qui est transgress�e, d�plac�e, d�pass�e, pour aboutir finalement � ce qu�il appelle � juste raison, la raison �mergeante. Transgresser quoi ? Sortir des cl�tures dogmatiques, rouvrir des corpus officiellement clos et comment se fait l�axe de l�acte de transgression ? Eh bien en d�pla�ant ce qu�il appelle les espaces cognitifs, les syst�mes de pens�e. Comment on transgresse ? Eh bien en disant par exemple qu�il faut utiliser l�outillage intellectuel de la batterie de disciplines que nous connaissons maintenant et qui nous sont donn�es et qui sont mises � notre disposition : la s�miotique, la biologie, la linguistique, la philologie, la grammaire. Eh bien toutes ces disciplines doivent �tre mises au service de tout l�h�ritage, de tout l�amoncellement dogmatique. Le d�placement se fait non plus d�un domaine sacralis� mais vers un domaine positif au sens de comte, bien entendu. Et pour finir, on doit d�passer tout cela pour effectivement la raison �mergeante. Et cette id�e de raison �mergeante, ce n�est plus la raison proc�duri�re, proc�durale celle de la scolastique ou celle m�me des lumi�res. C�est cet humanisme d�expression arabe du Xe et XIe si�cles avec Mistaourih et Taouhidi qu�il a pr�sent� au public fran�ais, qui l�ignorait, ou presque pour ne pas �tre injuste, eh bien cette raison �mergeante va assumer l�h�ritage des lumi�res mais aussi essayera de sortir d�un pi�ge qui nous est tendu, le scientisme drastique h�rit� du XIXe si�cle et puis les logorrh�es sur une religiosit� ali�nante, lui qui, � juste raison, parlait de ces lieux de la reproduction de l�ignorance ou �l�ignorance institutionnalis�e� et il n��tait pas tendre la dessus. Si nous pouvions �tre les dignes h�ritiers uniquement au niveau de la r�flexion, il faut laisser place � l�instruction, � la diffusion du savoir, � la connaissance, � la culture, au fait de ne pas prendre pour argent comptant ce qui est dit et d�construire, non pas pour d�truire mais pour reconstruire en se r�appropriant cet h�ritage de l�humanisme d�expression arabe, lorsqu�on �tait chr�tiens et humanistes, on parlait arabe, on �tait juif et humaniste et on parlait arabe et bien c�est cet h�ritage l� qu�il y a lieu de se r�approprier. Le mot de la fin sera pour lui, il disait, face aux �checs r�currents aux d�senchantements durables, face � des situations de conflit ou l�Islam et une ex�g�se sauvage du Coran a culmin� dans des situations de violence, �j�opposerai la ferme r�sistance d�un humanisme qui assumera les h�ritages positifs de toutes les cultures et des appels � la justice et au droit de peuples tant opprim�s sur terre�. C�est ainsi que je r�sume l��uvre de si Mohamed Arkoun. G. B. L�ambassadeur d�Alg�rie et les relations alg�ro-fran�aises Un appui aux activit�s de ce R�seau qui pourrait mesurer, � la lumi�re de l�exp�rience de 5 ann�es, ��valuer ce qui reste � accomplir pour r�pondre pleinement � l�attente de notre pays dans les diff�rents domaines o� vous pouvez apporter � un stade crucial de notre pays et � un moment o� les relations entre l�Alg�rie connaissent une embellie�. A propos justement de ces relations, l�ambassadeur rappelle que l�ann�e derni�re, il avait dit devant les journalistes qu��il n�y avait pas de crise proprement dite, mais des crispations � et qu�alors certains ont �crit que �je me livrais � un exercice s�mantique qui tentait en vain de cacher, comme on dit, le soleil avec un tamis�. Les choses �taient alors, dit-il, tellement complexes, tant les enjeux sont consid�rables. L�ambassadeur ajoute pour �tayer ses propos : �Les relations alg�ro-fran�aises, on ne le r�p�tera jamais assez, doivent n�cessairement � chaque �tape de leur �volution, �tre appr�hend�es dans leur globalit� , sur les plans politique, �conomique, humain et g�opolitique�. Sur la meilleure mani�re d�appr�hender ces relations, Missoum Sbih poursuit en disant qu�il faut faire preuve de �sang-froid quand on traverse des moments difficiles et de lucidit� et de r�alisme quand il s�agit d�envisager l�avenir�. Le constat de l�ambassadeur est identique � celui fait r�cemment par les autorit�s des deux pays. �Aujourd�hui, les relations entre l�Alg�rie et la France se portent bien.� Ce constat, selon le diplomate, �nous encourage � poursuivre l�action diplomatique qui n�a, cela va sans dire, jamais cess�, pour donner un contenu concret � cette nouvelle relation que nous construisons progressivement dans le respect mutuel et les int�r�ts r�ciproques�. En direction des R�agiens, il lance : �Le contexte actuel est particuli�rement propice aux nouvelles approches bas�es sur le pragmatisme pr�conis� par les deux pays en vue de donner un nouvel �lan � la coop�ration bilat�rale, qui prend en charge les besoins de l�Alg�rie dans des secteurs prioritaires en vue de la r�alisation de nouveaux investissements productifs � haute valeur ajout�e, cr�ateur d�emploi, permettant aux entreprises alg�riennes de b�n�ficier du transfert technologique et du transfert du savoir-faire�. Autrement dit, et pour les deux pays, �il s�agit de b�tir une vision �conomique partag�e vers la construction d�un v�ritable partenariat �conomique qui prenne en compte les atouts �conomiques des deux pays et leurs int�r�ts r�ciproques�. Aussi a-t-il encourag� les R�agiens � poursuivre leur action. Le Reage a sa place pour donner un contenu concret � cette nouvelle relation et le r�seau doit y contribuer �avec toutes les forces de sa conviction et de son intelligence�, a-t-il conclu.